Empreinte carbone : avion vs voiture, le match
L'avion et la voiture sont des modes de transport polluants. Mais l'une de ces options tire-t-elle malgré tout son épingle du jeu ?
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La nécessité de lutter contre le changement climatique s'impose aujourd'hui dans le débat public - il suffit de regarder, lire ou écouter les médias pour s'en rendre compte. Pour autant, cette cause en faveur de laquelle de plus en plus d'individus se mobilisent demeurerait un concept bien vague, si elle n'avait pas été assortie d'objectifs plus spécifiques. Parmi eux : atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Autrement dit, parvenir enfin à une situation d'équilibre entre nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et leur absorption.
Problème : la neutralité carbone fait régulièrement l'objet de mauvaises interprétations. Au point de parfois donner lieu à la création d'arguments marketing fallacieux.
Alors, comment la neutralité carbone se définit-elle précisément ? De quelle manière peut-elle nous aider à lutter efficacement contre le changement climatique ? Une entreprise peut-elle véritablement se qualifier elle-même de "neutre en carbone" ?
Réponses dans cet article.
Aussi désignée par l'expression "zéro émission nette" ou "net zéro", la neutralité carbone ("carbon neutrality" en anglais) se définit comme un point d'équilibre. Il s'agit du moment à compter duquel les émissions de dioxyde de carbone (CO2) rejetées à l'échelle planétaire deviennent égales aux émissions absorbées par les puits de carbone naturels.
Or, ainsi que le souligne Carbone4, "les émissions mondiales de CO2 sont aujourd’hui cinq fois trop élevées pour espérer atteindre cet objectif".
Pour rappel, l'Accord de Paris se trouve à l'origine de la fixation de ces seuils de + 1,5 °C et + 2 °C. Les buts prioritaires de l'accord signé en 2015 à l'occasion de la COP21 sont de :
NB : le GIEC (ou Groupe Intergouvernemental d'Experts pour le Climat) établit une légère nuance entre les expressions "neutralité carbone" et "zéro émission nette", lorsque celles-ci s'appliquent à des territoires plus ciblés.
Dans l'absolu, le terme de "neutralité carbone" induit l'idée que ce concept d'équilibre se cantonne aux émissions de dioxyde de carbone (CO2). Néanmoins, la réalité est plus complexe - ainsi que les propos de Carbone4 l'illustraient plus haut.
Signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, le Protocole de Kyoto a identifié six principaux gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement climatique :
En ce sens, lutter efficacement contre le réchauffement de la planète implique de réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) de façon générale. C'est la raison pour laquelle certaines entités officielles font référence à la réduction pérenne de l'ensemble de nos émissions, y compris lorsqu'elles utilisent le terme de "neutralité carbone". C'est le cas, par exemple, du Ministère de la transition écologique, qui statue dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone sur le fait qu'"atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 implique de parvenir à un équilibre entre les émissions et les absorptions de gaz à effet de serre sur le territoire national".
Ce qu'il faut comprendre, c'est que les gaz à effet de serre (GES) sont - pour certains d'entre eux au moins - des éléments naturellement présents au sein de notre atmosphère. Le CO2, par exemple, est un gaz que nous émettons tous et toutes en respirant.
Le problème ne tient pas tant aux gaz à effet de serre naturels eux-mêmes, qu'au fait que nous en émettons beaucoup trop, et qu'aux gaz à effet de serre naturels sont venus s'ajouter des gaz à effet de serre artificiels, lesquels ont un pouvoir réchauffant plus élevé que les gaz à effet de serre naturels.
Autre problème : contrairement à ce que nous pourrions peut-être penser, les gaz à effet de serre mettent un temps considérable à disparaître. C'est d'ailleurs tout le problème.
Bien sûr, l'effet de serre est nécessaire à la vie sur Terre. Sans lui, la température moyenne serait beaucoup trop froide pour que nous puissions survivre a priori. Hélas, nous avons accumulé tant de gaz au sein de notre atmosphère que la puissance de l'effet de serre s'accroît désormais, et fait grimper la température moyenne à la surface de la Terre au point de venir modifier son climat. Or, si rien n'est fait pour enrayer la machine, l'emballement de l'effet de serre pourrait menacer la survie de nombreuses espèces, y compris l'espèce humaine.
En vérité, il existe, au sein de notre système solaire, une planète ayant déjà fait l'objet d'un emballement de son effet de serre : la planète Vénus. Bien que les conditions dans lesquelles cet emballement est intervenu demeurent obscures, cet exemple constitue un exemple édifiant des conséquences d'un tel phénomène. Pour en savoir plus, n'hésitez pas à consulter notre article à ce sujet.
Gaz à effet de serre (GES) | Durée de vie approximative dans l'atmosphère |
---|---|
CO2 | Entre 100 et 1000 ans, voire 10 000 ans selon les sources |
CH4 | 12 ans |
N2O | 114 ans |
HFCs | Plus de 270 ans |
PFCs | Entre 2 600 et 50 000 ans |
NF3 | 740 ans |
SF6 | 3 200 ans |
Sans dramatisation aucune, on peut raisonnablement affirmer que parvenir à cet équilibre entre les émissions générées et absorbées constitue l'un des plus grands défis du 21ème siècle. Et cela, d'autant plus qu'on constate déjà l'ampleur des périls qui menacent certaines régions du monde - alors même que le niveau de réchauffement de la planète ne se situe qu'aux environs de + 1,5 °C. Rappelons, en effet, que les scientifiques n'excluent pas les pires scénarios : que le réchauffement global atteigne + 4 °C, par exemple.
Sécheresses records, canicules à répétition, multiplication des incendies, phénomènes météorologiques violents... La liste est longue. En mars 2024, la température ressentie à Rio de Janeiro a atteint pas moins de 60,1 °C.
Face à cette réalité, la mobilisation s'organise donc. L'Union européenne s'est formellement engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 via son Pacte vert pour l'Europe (ou Green Deal européen). Elle ambitionne d'ailleurs de devenir le premier continent à atteindre cet objectif. Pour y parvenir, les 27 États membres se sont engagés à réduire les émissions de l'Union européenne de 55 % d'ici 2030 (par rapport au niveau de 1990), dans le cadre du fameux paquet "Fit for 55".
De l'autre côté de l'Atlantique, les États-Unis ont pris le train en marche en 2021, par l'intermédiaire d'un décret signé par le président Joe Biden et qui engage les services fédéraux à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. En 2030, ils devront déjà avoir réduit de 65 % leurs émissions.
En Chine, le sujet est également sur la table, mais les ambitions sont moindres : le pays ne s'engage pas à parvenir au point d'équilibre avant la deuxième moitié du siècle, en 2060. Même son de cloche pour l'Inde, qui promet de l'atteindre en 2070.
Bien sûr, les situations de ces différents pays (ou groupe de pays) diffèrent à de nombreux égards. Même si la problématique posée par le changement climatique, elle, demeure inchangée.
Pour parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques et leur absorption, nous pouvons activer deux leviers :
La réduction des émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropiques (c'est-à-dire créées par l'activité humaine) constitue une priorité absolue. Plus encore : une nécessité à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire, tant le plafonnement mondial des émissions générées s'impose comme une condition sine qua non à la limitation du changement climatique.
La raison en est simple : la quantité de gaz à effet de serre aujourd'hui accumulée au sein de notre atmosphère est telle que nous devons impérativement cesser ce phénomène d'accumulation. Faute de quoi, les puits de carbone seront impuissants face à l'ampleur de la tâche.
Pour parvenir à la neutralité carbone, nos sociétés doivent donc entamer leur transition écologique. Concrètement, cela signifie qu'elles doivent travailler à développer de nouveaux modes de fonctionnement : abandonner ou limiter au maximum les pratiques les plus polluantes (telles que l'exploitation des énergies fossiles), élaborer de nouveaux modèles (à l'image de l'économie circulaire), encourager l'ensemble des acteurs de la société à opérer leur propre transition (à l'image des aides financières permettant aux plus petites structures de réaliser leur Bilan Carbone®)... La liste est longue.
S'engager en faveur de l'objectif de neutralité carbone mondiale implique se lancer dans un chantier de grande ampleur. Dans un monde qui, depuis la révolution industrielle, a fondé l'entièreté de ses mécaniques sur l'exploitation démesurée des énergies fossiles, la transition écologique impose à chacun et chacune de remettre en question des habitudes de vie et de consommation qui font notre quotidien depuis toujours.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre s'effectue à tous les niveaux de la société, et tout le monde peut participer. Bien entendu, les actions qui peuvent être entreprises différent à chacun de ces échelons. Mais cela ne signifie pas qu'agir est impossible lorsqu'on est un particulier ou un employé.
Parmi les initiatives qui peuvent être prises :
Les puits de carbone naturels ponctionnent le dioxyde de carbone de l'atmosphère de manière purement mécanique, sans que l'Homme n'ait à intervenir pour cela. Pour rappel, les principaux puits de carbone naturels sont les forêts, les océans, les tourbières et les marais côtiers.
Ainsi, en veillant simplement à la protection de ces écosystèmes, nous bénéficions du soutien de notre propre environnement dans la réduction des émissions responsables du changement climatique.
Or, ladite protection n'a rien d'une évidence. Outre le fait que la déforestation continue dans certaines zones à l'image de l'Amazonie, les incendies rendus plus fréquents par les épisodes de sécheresse viennent également menacer nos forêts. Une réalité d'ailleurs soulignée par le Haut Conseil pour le Climat (HCC) dans son communiqué du 27 septembre 2024.
De la même manière, les niveaux de pollution atteints par nos océans mettent à mal le fonctionnement de ce dernier en tant que puits de carbone.
Enfin, pour ne rien arranger, nos puits de carbone ont déjà emmagasiné une telle quantité de nos émissions de CO2 excédentaires que leur capacité d'absorption diminue désormais. À titre d'exemple, les forêts françaises absorbent aujourd'hui deux fois moins de CO2 qu'il y a dix ans.
En vérité, l'urgence à laquelle nous faisons face est devenue telle - rappelons que les Nations Unies ont tout de même décrété notre entrée dans "l'ère de l'ébullition" en 2023 - qu'il semble quasiment impossible de compter sur la seule aide de nos puits de carbone naturels (déjà bien mal en point).
Dans ce contexte, la création et le développement de puits de carbone artificiels semble donc s'imposer. Problème : la mise en œuvre d'une telle technologie est encore loin d'être évidente. À tout le moins, dans des proportions qui permettraient effectivement de venir soutenir l'effort auquel nous devons consentir.
D'une part, la technologie de captage du CO2 n'est pas nécessairement aboutie (notamment le Direct Air Carbone Capture and Storage (DACCS) qui doit capter le CO2 dans l’air ambiant). Et d'autre part, il ne faudrait pas que certains aillent s'imaginer que les puits de carbone vont pouvoir régler le problème à eux tous seuls. Ceci sans compter les risques induits (en particulier sismiques), qui doivent encore faire l'objet d'études approfondies.
Comme nous l'avons expliqué dans de précédents articles, les avis au sujet de la contribution carbone sont très partagés. C'est la raison pour laquelle nous conseillons de la considérer comme une forme de "bonus" : une initiative à laquelle vous pouvez participer si vous souhaitez aller plus loin que la réduction des émissions de votre entreprise. En aucun cas, cependant, la contribution carbone ne peut intervenir (et se révéler pertinente) si un plan de transition n'a pas été préalablement mis en place.
En l'espèce, les projets de contribution carbone portent souvent sur la protection des puits de carbone naturels. De fait, le but de la contribution carbone est de permettre aux organisations qui le souhaitent de venir "compenser" leurs émissions résiduelles. Concrètement, une fois qu'une entreprise a réduit au maximum les émissions de gaz à effet de serre issues de son activité, il demeure une quantité résiduelle de ces émissions, qui ne peuvent véritablement pas être évitées. La contribution carbone vise ainsi à permettre de venir "compenser" ce petit montant d'émissions "inévitables" et équilibrer la balance in fine.
Il ne s'agit cependant pas d'une forme de droit à polluer. Compte tenu de ce qui a été expliqué précédemment quant à l'état de notre atmosphère, on comprend vite que se reposer sur les puits de carbone sans chercher à réduire au préalable ses émissions constituerait un non-sens absolu.
En outre, il est à noter que l'acuité de l'estimation du bénéfice obtenu via les projets de contribution carbone demeure sujet à débat pour les professionnels de ce milieu.
Non, une entreprise ne peut pas être neutre en carbone. Les marques qui utilisent cet argument font preuve au mieux de méconnaissance au sujet de la neutralité carbone, au pire de malhonnêteté vis-à-vis de leurs clients ou de leurs consommateurs. Il s'agit donc de greenwashing. En revanche, une entreprise peut bel et bien contribuer à l'objectif mondial de neutralité carbone.
La neutralité carbone n'est pas un concept statique, mais évolutif.
Prenons l'exemple d'une entreprise quelconque, qui mesure ses émissions chaque année, met en œuvre une démarche de réduction desdites émissions, et soutient des projets de contribution carbone afin de pallier à ses émissions résiduelles. En toute objectivité, la démarche d'une telle entreprise est déjà louable. Pour autant, d'un point de vue purement cynique, on pourrait aussi arguer qu'en faisant bien ses comptes, une telle entreprise pourrait facilement viser le "zéro net" chaque année. Il lui suffirait, pour cela, de conserver l'équilibre entre émissions rejetées et "compensation" - ce qui ne l'inciterait donc pas tellement à réduire son empreinte carbone.
Or, atteindre la neutralité carbone à l'échelle mondiale implique surtout que nous réduisions collectivement nos émissions de gaz à effet de serre.
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