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Comprendre le principe et l'analyse de double matérialité
La double matérialité, pilier de la CSRD, rend désormais indissociables les performances environnementales et financières d'une entreprise. Explications.
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Celle-ci, censée simplifier et harmoniser plusieurs réglementations européennes, pourrait bien dénaturer, voire repousser, les ambitions de la CSRD. La réforme, bien qu’affichant un objectif louable – alléger la charge administrative pesant sur les entreprises – s’attaque directement à l’essence même des engagements pris il y a trois ans. Aujourd’hui, la CSRD, la CSDDD, et la taxonomie verte, véritables jalons du Green Deal européen, se retrouvent désormais sous pression.
Si, à première vue, cette révision pourrait sembler relever d’une simple rationalisation bureaucratique, une autre réalité semble se dessiner dans l’ombre : celle d’une attaque frontale contre les engagements environnementaux de l’Union européenne, alimentée par une guerre commerciale de plus en plus féroce et les pressions des lobbies qui, discrètement mais sûrement, s’immiscent dans le processus législatif européen.
Le 29 janvier 2025, la Commission européenne a dévoilé la Boussole de l'Union européenne pour les cinq prochaines années. Ce document stratégique vise à restaurer la compétitivité du Vieux Continent, guidé par les recommandations formulées dans le « rapport Draghi ».
Ce rapport pose un diagnostic sans ambiguïté : l’Europe accuse un retard notable en matière de compétitivité face à ses rivaux mondiaux, en grande partie à cause des contraintes réglementaires, qui freinent la croissance économique. Réalité confirmée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui déclare :
À l’ère Trump, où la question de la souveraineté européenne occupe une place prépondérante dans les débats, il apparaît, de prime abord, que la doctrine économique du bloc pour les cinq prochaines années mérite d’être saluée.
En effet, au cœur de cette stratégie réside un projet clé : le règlement Omnibus de l’UE.
Une loi "omnibus" désigne, dans le contexte législatif européen, une proposition regroupant en un seul texte plusieurs modifications ou révisions de lois existantes. Cette loi peut prendre la forme d'une directive ou d'un règlement européen et vise principalement à simplifier, harmoniser ou ajuster le cadre réglementaire afin de répondre à des enjeux précis, tout en allégeant la complexité administrative pour les parties concernées (source : Omnibus, Novethic).
Sur le papier, il s’agit d’une initiative ambitieuse visant à rationaliser et alléger les régulations existantes, afin de renforcer la compétitivité économique de l’Europe.
Plus concrètement, cela se traduit par un réexamen et une simplification du triptyque du Green Deal, composé de la Taxonomie, de la directive sur le reporting extra-financier (CSRD) et de la directive sur le devoir de vigilance (CS3D) – comme l’indique le rapport « A Competitiveness Compass for the EU », publié en 2025 par la Commission européenne :
Bien que rien ne soit encore décidé et que l’Union européenne doive présenter le projet Omnibus le 26 février prochain, des interrogations demeurent.
L’Europe s’apprête-t-elle à revenir sur la CSRD, récemment entrée en vigueur le 1er janvier 204 pour les grandes entreprises cotées de plus de 500 salariés ?
En France, c’est l’annonce de Stéphane Séjourné, lors d’une interview sur France Inter, qui a mis le feu aux poudres. Lorsqu’il a déclaré qu’un « choc de simplification » pourrait profondément bouleverser la bureaucratie européenne.
Bien qu'il soit resté évasif sur les règlements concernés et les modalités de ces ajustements, la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a enfoncé le clou, en qualifiant la CSRD « d’enfer » pour les entreprises.
Les langues se délient-elles ou s’agit-il d’un effet d’annonce ? Si les rumeurs vont bon train depuis l’annonce de Stéphane Séjourné, il semble qu’en coulisse, le PPE, Parti Populaire Européen de droite dont Ursula von der Leyen est membre, soutiendrait l’idée d’un report de la CSRD. La présidente fait face à la pression de l'Allemagne, en pleine campagne électorale, ainsi que du groupe conservateur PPE au Parlement européen, qui militent en faveur d'un affaiblissement substantiel des trois textes phares du Green Deal. (source : Interview Pascal Canfin, AEF Info, 2025).
Toutefois, rien n’est encore joué, Stéphane Séjourné ayant lui-même déclaré que les objectifs climatiques seraient maintenus, tout en précisant que la voie pour y parvenir serait modifiée, notamment par une réduction significative du reporting des entreprises.
L'Allemagne et la France ont plaidé pour un report de deux ans de la directive CSRD. Pourtant, la France l'a déjà intégrée dans ses textes, et ses grandes entreprises de plus de 500 salariés ont soumis leur premier reporting CSRD le 1er janvier dernier. Les entreprises ayant déjà investi dans ce travail détaillé risquent d’être fortement pénalisées.
Alors, pourquoi la France aurait-elle intérêt à faire volte-face et à tourner le dos aux entreprises françaises qui ont déjà investi dans la mise en œuvre de la CSRD ?
Selon le cabinet de conseil KPMG, plusieurs pays ont exprimé de fortes réticences face au poids de ces obligations pour les entreprises. L'Allemagne a ouvert la voie, rapidement suivie par d'autres, dont la France. L'Europe a réagi sans tarder (source : “CSRD, Vigilance, Taxonomie”, KPMG, 2025).
Tandis que l’Allemagne assume ouvertement depuis plusieurs mois son souhait de reporter, voire d’annuler la CSRD (L’Echo, 2024), la France adopte une position bien plus ambiguë.
Pourtant, Pascal Canfin rappelle que cette directive est stratégique : elle permet d’établir des règles d’accès au marché européen basées sur l’empreinte carbone des produits. « Sans données, vous ne pouvez rien faire », martèle-t-il, soulignant que c’est précisément cette approche que la France a toujours défendue.
Concrètement, sous la pression de ces deux pays, la mise en application de la CSRD, bien que officiellement adoptée, pourrait être reportée de deux ans pour des raisons politiques. Parmi les ajustements envisagés pour le reporting, on note la suppression de certains indicateurs, ce qui pourrait réduire de moitié le nombre de points, ainsi qu'un relèvement des seuils d’application, visant à exonérer davantage d’entreprises, comme l'indique Pascal Canfin dans l'interview qu'il a accordée à l’AEF.
En outre, la CSDDD pourrait également être affectée par cette dynamique, tout comme le devoir de vigilance, ainsi que les mesures clés de la directive, telles que le principe de double matérialité. Autant d’éléments essentiels du Green Deal, dont la suppression viderait la réforme de sa substance.
Une table ronde s’est tenue les 5 et 6 février derniers, réunissant divers acteurs européens pour débattre du projet législatif Omnibus. Mais des intervenants triés sur le volet.
Dans un article pour Novethic, le journaliste Clément Fournier alerte sur une ”sur-représentation des acteurs privés les plus controversés”. En effet, pas moins de 31 entreprises et 26 associations professionnelles étaient présentes, contre seulement… 10 organisations issues de la société civile et de la défense des droits humains et environnementaux.
Mais alors, qui étaient les invités triés sur le volet pour discuter de l’une des réformes clés de l’Union européenne ?
Toujours selon Novethic, de nombreuses entreprises du secteur des énergies fossiles figuraient parmi les participants, à commencer par Total Energies, Engie, l’italien ENI ou encore ExxonMobil, aux côtés des puissants groupes de lobbying du secteur, tels que Fuels Europe.
NB : FuelsEurope est une organisation de lobbying qui représente les intérêts de 40 industries pétrolières et des carburants en Europe. Elle regroupe des entreprises majeures qui produisent des carburants et de l'énergie, comme des géants du pétrole et des entreprises de raffinage. Son rôle principal est de défendre les intérêts de ses membres auprès des institutions européennes, en influençant les politiques et réglementations liées à l'énergie, aux carburants et à l'environnement. FuelsEurope, a indiqué avoir consacré plus de 13 millions d’euros à des activités de lobbying auprès de l’UE depuis 2010 (source : “Bruxelles et Paris sous l’emprise des lobbies fossiles”, Greenpeace, 2019).
Dans une récente publication sur LinkedIn, Pascal Canfin souligne que, bien que le secteur pétrolier et gazier soit logiquement présent parmi les parties prenantes, sa surreprésentation risque de fausser le dialogue. Selon lui, un équilibre est essentiel afin que la consultation inclut également les entreprises réellement engagées dans la transition énergétique. Un rééquilibrage des voix permettrait à l’Europe d’avoir une vision plus juste et représentative de ses priorités économiques.
Toujours selon Novethic, d'autres entreprises figuraient parmi les invités, telles que des groupes bancaires et d'assurance privés comme Allianz, Deutsche Bank, Société Générale, Generali, Intesa San Paolo, ou encore BBVA. Et cerise sur le gâteau, la présence d’autres entreprises mises en cause dans des affaires juridiques concernant leur conformité aux lois sur le devoir de vigilance :
Tout porte à croire que Bruxelles, mais aussi la France, subissent la pression des lobbies et des fleurons économiques français, ce qui expliquerait la position ambivalente de la France sur le sujet.
Plusieurs scénarios pour l’avenir du règlement pourront être envisagés, allant du plus contraignant au plus favorable, comme l’indique l’article “Three scenarios for the upcoming EU Omnibus regulation” (Omnibus, 2025), avant l’annonce officielle du 26 février 2025.
Le premier scénario, le moins probable, l'Union européenne pourrait freiner considérablement l'ampleur du reporting. La CSRD, de même que la CSDDD seront repoussées de deux années voire plus. En parallèle, les seuils de reporting seraient relevés, l’Allemagne proposant de passer de 250 à 1 000 employés, tandis que la France plaide pour 5 000 employés. La réforme Omnibus entraînerait une réduction drastique des indicateurs de reporting, avec une baisse d’au moins 25 %, et jusqu’à 50 % pour les grandes entreprises, réduisant ainsi la charge administrative.
Sous le deuxième scénario, l’UE pourrait ralentir le rythme des réformes. Environ 25 % des indicateurs de la CSRD seraient supprimés, notamment ceux liés aux émissions de scope 3 et aux risques financiers. Les indicateurs redondants entre la CSRD, la taxonomie verte et la CSDDD seraient fusionnés pour alléger les démarches administratives. En l'absence de soutien, la CSDDD pourrait être reportée de deux ans. Enfin, l’UE pourrait envisager de relever les seuils de reporting, avec des propositions variant de 1 000 à 5 000 employés, et un compromis possible autour de 500 employés, en raison des efforts de mise en conformité déjà réalisés.
Enfin, dernier scénario - le plus optimiste pour conserver l'intérêt de cette réglementation. Concernant la CSRD, la Commission envisagerait de supprimer 25 % des indicateurs, tout en maintenant ceux jugés essentiels, comme le reporting des émissions de scope 3 et les risques financiers. L'UE introduirait une nouvelle catégorie, les "small mid-cap", pour les entreprises de taille intermédiaire, offrant des simplifications réglementaires à environ 31 000 d’entre elles. Enfin, bien qu’il n’y aurait pas de report majeur de la CSRD ou de la CSDDD, des périodes de transition prolongées seraient mises en place pour faciliter l’adaptation des petites entreprises.
Bien que les détails officiels de la législation Omnibus ne soient attendus que fin février, il est crucial de commencer à se préparer dès maintenant, peu importe le scénario envisagé. Pourquoi ?
Car bien que cette réforme soit abordée comme une réponse aux enjeux environnementaux et économiques, elle représente également une occasion de repenser la pérennité du modèle d'affaires de l’entreprise, dans un monde aux ressources limitées et soumis à des tensions géopolitiques croissantes liées à la raréfaction des ressources.
En ce sens, la première étape incontournable consiste à réaliser un Bilan Carbone®. Cette démarche ne se limite pas à une simple conformité : elle permet de collecter des données cruciales pour estimer l’impact environnemental de l’entreprise et fournir aux investisseurs des informations claires et fiables.
Au-delà de l’obligation réglementaire, il s'agit d'une véritable opportunité pour les entreprises de repenser leur modèle économique et de s’adapter à des conditions environnementales, géopolitiques et sociales de plus en plus complexes.
Directive CSRD : actualités, contenu et conseils, Greenly, https://greenly.earth/fr-fr/blog/guide-entreprise/directive-csrd-definition-enjeux-dates-cles
Comprendre la taxonomie européenne, Greenly, https://greenly.earth/fr-fr/blog/actualites-ecologie/la-taxonomie-europeenne-c-est-quoi
Une boussole de l'UE pour regagner en compétitivité et garantir une prospérité durable, Commission européenne, 2025, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_25_339
A Competitiveness Compass for the EU, UE, 2025, https://commission.europa.eu/document/download/10017eb1-4722-4333-add2-e0ed18105a34_en
Omnibus, Novethic, https://www.novethic.fr/definition/loi-omnibus
Commission européenne : qui veut la peau de la CSRD ?, Actu Environnement, 2025, https://www.actu-environnement.com/ae/news/csrd-revisions-europe-45456.php4
En se disant ouverte à un report de la CSRD, la France "s’affaiblit dans la négociation à venir" (Pascal Canfin), AEF Info, 2025, https://www.aefinfo.fr/depeche/725603-en-se-disant-ouverte-a-un-report-de-la-csrd-la-france-s-affaiblit-dans-la-negociation-a-venir-pascal-canfin
Bruxelles et Paris sous l’emprise des lobbies fossiles, Greenpeace, 2019, https://multinationales.org/IMG/pdf/rapport_ue-et-france-sous-l-emprise-des-lobbies-fossiles.pdf
Une consultation biaisée pour l'omnibus sur la simplification ?, LinkedIn, 2025, https://www.linkedin.com/pulse/une-consultation-biais%C3%A9e-pour-lomnibus-sur-la-pascal-canfin-koj1e/
CSRD, Vigilance, Taxonomie, KPMG, 2025, https://kpmg.com/av/fr/avocats/eclairages/2025/01/csrd-vigilance-taxonomie.html
Durabilité des entreprises: Berlin demande un report de la CSRD”, L’Echo, 2024, https://www.lecho.be/economie-politique/europe/economie/durabilite-des-entreprises-berlin-demande-un-report-de-la-csrd/10579547.html
Three scenarios for the upcoming EU Omnibus regulation, Coolset, 2025, https://www.coolset.com/academy/three-scenarios-for-the-eu-omnibus-regulation
Pascal Canfin, Instagram, 2025, https://www.instagram.com/pascal.canfin/