
Comprendre le principe et l'analyse de double matérialité
La double matérialité, pilier de la CSRD, rend désormais indissociables les performances environnementales et financières d'une entreprise. Explications.
ESG / RSE
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Outil 17. Construire sa matrice de matérialité
Cairn, 2021
La matrice de matérialité (ou analyse de matérialité) est un outil visuel essentiel au reporting RSE. Elle aide à l'identification et à la hiérarchisation des enjeux considérés comme importants par les parties prenantes (fournisseurs, clients, salariés, administrations publiques, actionnaires, associations, etc.), du point de vue de la RSE et des contributions à apporter aux Objectifs de Développement Durable de l’entreprise.
La matrice de matérialité RSE ne dispose pas d'une standardisation officielle. Elle se présente généralement sous la forme d’un nuage de points disposés sur un graphique à deux axes qui se croisent au centre, permettant ainsi de positionner chaque enjeu, selon ces deux dimensions :
Souvent, l'axe des ordonnées correspond aux attentes des parties prenantes et l'axe des abscisses correspond à l’impact sur l’entreprise de chacun de ces enjeux. De cette manière, plus ces derniers sont proches de la base du graphique, moins ils sont importants pour l'entreprise et les parties prenantes. À contrario, plus ils en sont éloignés, plus ils deviennent prioritaires.
La matrice de matérialité : un outil stratégique pour piloter sa démarche RSE
Global Climate Initiatives
Une analyse de matérialité oblige l'entreprise à cesser de faire des suppositions et à privilégier le dialogue avec les parties intéressées. Elle répond à une question simple mais cruciale : sur quels enjeux dépenser nos efforts et notre budget ?
Les avantages d'une matrice de matérialité
1. Gain d'argent
Sans matrice de matérialité, les entreprises risquent de gaspiller des ressources sur des sujets secondaires.
2. Risques réputationnels
Cet alignement permet de réduire les risques réputationnels en anticipant les attentes avant qu’elles ne deviennent des crises.
3. Crédibilité renforcée
Il améliore la crédibilité auprès des investisseurs ESG, renforçant la confiance et l’attractivité.
4. Conformité réglementaire
Enfin, la matrice garantit la conformité à la CSRD, en prouvant que les enjeux sont choisis sur la base d’une analyse rigoureuse des attentes légitimes de l’écosystème.
Pour réaliser une matrice de matérialité : 1. identifier les parties prenantes, 2. recueillir leurs enjeux et besoins, 3. les faire hiérarchiser via une grille de notation et enfin 4. analyser les scores pour positionner les enjeux sur l’axe vertical. Ce travail, qui s’étale généralement sur plusieurs semaines à quelques mois, doit être actualisé tous les deux à trois ans pour rester pertinent.
La question réelle à se poser pour définir l'objectif et de savoir : Pourquoi faites-vous cette matrice maintenant ?
Ensuite, délimitez votre périmètre exact en définissant quelles parties prenantes consulter ?
Ensuite, vous devez définir précisément les domaines et catégories couverts par la matrice de matérialité (environnementaux, sociaux et de gouvernance).
Note : Vous n'êtes pas obligé de tous les consulter. Choisissez les 5-6 les plus influents sur votre business.
| Domaine | Catégorie |
|---|---|
|
Environnemental
|
Émissions CO₂ et changement climatique Gestion de l'eau et pollution Gestion des déchets Biodiversité Économie circulaire |
|
Social
|
Conditions de travail et santé Diversité et inclusion Formation et développement Droits humains et chaîne d'approvisionnement Rémunération équitable |
|
Gouvernance
|
Éthique et conformité Diversité du leadership Cyber-sécurité Transparence et reporting |
Conseil : Si vous n'êtes pas sûr, consultez les normes GRI, qui listent tous les enjeux possibles par secteur.
Une fois l’objectif et le périmètre clairement définis, il est essentiel de mener un audit interne afin de comprendre l’existant et d’identifier les priorités. Constituez ensuite une petite équipe dédiée, composée idéalement d'un responsable RSE et de deux à trois collaborateurs issus des ressources humaines, de la production ou des opérations, ainsi que de la finance. Ensemble, invitez-les à se pencher sur une série de questions précises telles que :
Résultat : Vous avez une première liste de 8-12 enjeux bruts. Classez ensuite ces points par catégories. Il n’est pas nécessaire d’intégrer tous les enjeux, mais plutôt de bien comprendre lesquels sont jugés réellement importants dans le secteur.
Pour vous inspirer, vous pouvez vous appuyer sur des standards reconnus mondialement comme standards GRI, la SASB ou encore consulter les 48 thèmes que la réglementation CSRD considère comme incontournables pour une entreprise.
Prenez ensuite un à deux jours pour réaliser un benchmark sectoriel en consultant les rapports RSE de trois concurrents directs. Analysez attentivement leur matrice de matérialité ainsi que les enjeux qu’ils mettent en avant afin d’identifier les thématiques récurrentes ou émergentes dans votre secteur. Cette comparaison vous permettra de vous demander si certains sujets importants n’auraient pas été oubliés dans votre propre réflexion. Par exemple, si vous évoluez dans le secteur technologique et que tous vos concurrents insistent sur la cybersécurité ou la protection des données clients, il serait difficile, voire risqué, de ne pas intégrer ces éléments à votre analyse.
Sélectionnez les parties prenantes concernées, et évaluez leur impact sur vos décisions. L’idée est de jauger l’influence de chacune (par exemple, une administration publique aura un impact plutôt réglementaire et conséquent). N'oubliez pas de répertorier les différents canaux de dialogue que vous pouvez utiliser avec eux.
Élaborez un tableau simple répertoriant l’ensemble de vos parties prenantes, leur effectif, l’influence qu’elles exercent sur vos décisions, ainsi que les conséquences potentielles en cas de négligence (atteinte à la réputation, perte de parts de marché, pénalités, fragilisation de la chaîne d’approvisionnement, etc.). La question à se poser est : pour quelles parties prenantes devez-vous impérativement saisir les attentes (en général 5 ou 6) ?
Pour communiquer autour des enjeux de chacun, vous pouvez mettre en place différentes méthodes suivant les besoins et opportunités : sondages, groupes de travail, réunions, ateliers, entretiens, questionnaires… Le but est d’identifier quels sont les enjeux les plus importants pour chaque groupe consulté. Voici exactement comment faire pour chaque groupe :
Consulter les parties prenantes pour réaliser une matrice de matérialité
1. Pour les salariés (250+ personnes)
Outil : Sondage en ligne (Google Forms, Typeform, Qualtrics). Viser un taux d'engagement de 30 à 40%.
2. Pour les clients majeurs (15-20 clients)
Outil : Appels téléphoniques ou visio de 30 min. Résultat : Viser 15 à 20 conversations avec leurs attentes priorisées.
3. Pour les investisseurs (actionnaires, fonds ESG)
Outil : Réunions formelles ou questionnaire spécialisé. Si vous êtes coté en bourse : vérifiez les questionnaires ESG que vous recevez déjà (MSCI, Sustainalytics, etc.) — ça vous dit précisément ce qu'ils cherchent.
4. Pour les autorités/gouvernements
Outil : Veille réglementaire + réunions ponctuelles.
5. Pour les ONG/associations du secteur
Outil : Questionnaire en ligne ou réunion. Demandez-leur : « Quels sont les 3 problèmes les plus critiques dans notre industrie ? »
Une fois les résultats obtenus, vous pouvez évidemment consulter à nouveau vos parties au cas où certaines réponses seraient peu claires ou difficilement réalisables.
Une fois identifiées, il faut hiérarchiser les différentes problématiques en fonction des retours des parties prenantes et des volontés et/ou capacités de l’entreprise. Puisque la matrice de matérialité n’est pas standardisée, libre à vous d’adopter le classement le plus pertinent pour votre structure (il est aussi possible de les distinguer par critère : faisabilité, risque, importance etc.). Généralement, les entreprises trient les enjeux en fonction de leur importance et de leur impact potentiel sur la structure. Selon votre contexte, chaque groupe possède un degré d'importance et peut être distribué de la façon suivante :
Pour établir un ordre de priorité entre vos enjeux, attribuez une valeur à chaque groupe essentiel (investisseurs, clients, employés, etc.). Puis, il faut multiplier ce poids par la note qu'attribue chaque groupe à un enjeu (comme la diminution du CO₂). Faites la somme de ces résultats pour calculer une note globale pondérée. Plus cette note est élevée, plus le défi est crucial. Par la suite, classez-les en les disposant du plus crucial au moins essentiel afin de déterminer les 8 à 10 priorités principales.
Vient ensuite le moment de matérialiser tous ces résultats via la création de la matrice.
Pour la réaliser, vous pouvez la faire vous-même en prenant un modèle de matrice de matérialité, inventer la vôtre ou faire appel à des plateformes spécialisées ( Easel.ly, Canva, PowerPoint).
Pour créer votre matrice, placez chaque enjeu sur un graphique à deux axes : à l’horizontale, l’importance selon vos parties prenantes, et à la verticale, l’impact sur votre entreprise si vous ne le traitez pas. Donnez une note de 1 à 5 pour chaque axe, puis placez les enjeux en fonction de ces scores. Les enjeux en haut à droite sont prioritaires, ceux en bas à gauche moins urgents. Cette visualisation vous aide à concentrer vos efforts sur ce qui compte vraiment.
Voici un exemple typique de matrice de matérialité vierge :




Lorsque la matrice est terminée et validée, elle peut être intégrée et communiquée dans le cadre d'un reporting extra-financier, ou via un plan d’action stratégique. Avant de la présenter :
La matrice de matérialité n’est pas un outil figé dans le temps. Il est non seulement possible, mais aussi conseillé de l’ajuster et de la modifier afin qu'elle suive l'évolution de l'entreprise et sa stratégie.
Enfin, certains signaux doivent vous alerter sur la nécessité de revoir votre matrice, tels que :
Il est temps de revoir votre matrice lorsque surviennent des évolutions majeures, telles qu’une nouvelle législation (comme la CSRD), une transformation profonde du secteur (par exemple, l’obligation d’un système électrique en automobile), une crise majeure (climatique, sanitaire ou réputationnelle), ou un changement stratégique avec de nouvelles priorités.
Attention : prendre exemple sur la matrice d’une autre entreprise peut être instructif, mais il ne faut pas oublier que chaque organisation a sa propre identité et ses propres challenges. Votre matrice doit avant tout correspondre aux problématiques que vous rencontrez.
Pour réaliser leur matrice de matérialité, l’entreprise a procédé en 3 étapes.
Les deux axes choisis pour la matrice sont les plus communs : l'importance pour les parties prenantes et l'impact sur l’entreprise. 14 enjeux ont été sélectionnés comme étant les plus importants pour Danone et ses parties prenantes. Ils ont été répartis en 4 catégories : “participation des consommateurs et produits responsables”, “chaîne d’approvisionnement”, “gouvernance et stratégie”, et “économie locale et croissance inclusive”.
RESPONSABILITÉ SOCIALE, SOCIÉTALE ET ENVIRONNEMENTALE
Danone, 2021
La matrice de double matérialité incarne une version encore plus aboutie de la matrice de matérialité. Obligatoire dans le cadre du reporting CSRD, elle prend en compte une vision plus large que la matrice de matérialité, à savoir l’impact de l’entreprise sur l’environnement, et l’impact de l’environnement sur l’entreprise.
Oui, la matrice de matérialité est réalisable sur Excel grâce aux graphiques XY simples, ce qui permet une visualisation claire et personnalisable. Cependant, Excel peut être limité pour des analyses complexes ou collaboratives, et demande un certain savoir-faire pour bien paramétrer les données. Pour des besoins plus avancés, des outils spécialisés restent plus adaptés.