Empreinte carbone : avion vs voiture, le match
L'avion et la voiture sont des modes de transport polluants. Mais l'une de ces options tire-t-elle malgré tout son épingle du jeu ?
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À l’origine de 5,3 % d’émissions de gaz à effet de serre (GES) annuelles, l’aviation est le mode de transport le plus polluant à l’échelle nationale. Son empreinte carbone est telle qu’elle ne permet pas d’atteindre la neutralité carbone requise en France et en Europe à l’horizon 2050.
Or, pour y parvenir, l’Hexagone doit diviser ses émissions par six. La décarbonation du secteur aéronautique s’avère donc indispensable. De fait, de nombreuses alternatives bas-carbone commencent à voir le jour, dont l’avion vert.
De quoi s’agit-il ? Est-ce une solution mature ? La réduction des émissions est-elle conséquente ? On vous dit tout.
Considéré comme indispensable pour parvenir à la neutralité carbone en 2050, l’avion vert est un avion neutre en carbone - c’est-à-dire qu’il ne rejette aucune émission de CO2 pendant le vol. Pour y parvenir, il utilise des alternatives écologiques au kérosène fossile comme l’électricité verte, l’hydrogène vert ou les agro-carburants.
Afin de démontrer l’avancée des recherches, le premier avion vert a été présenté au salon du Bourget en juin 2023 - plus grand salon aéronautique au monde. Il s’agit d’un avion régional, hybride pouvant embarquer 19 passagers. Neutre en carbone, l’avion se recharge avec un superchargeur - à l’image d’une voiture électrique - et fonctionne au carburant durable.
En l’état, l’avion utilise l’électrique pour décoller et atterrir, mais également pour une partie du vol. Le carburant, lui, reste indispensable étant donné le rayon d’action de 600 km de l’avion.
Selon l’ADEME, en 2019 en France, l’aviation était responsable de 5,3 % des émissions de CO2 - soit 24,2 millions de tonnes de CO2. D’après une étude publiée sur Science Direct, le transport aérien représente 2,9 % des émissions mondiales de CO2.
En cause : les traînées blanches de condensation et la consommation de kérosène qui, selon l’ADEME, se décompose comme suit :
Un chiffre colossal quand on sait que seulement 1 % de la population mondiale est à l’origine de 50 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) engendrées par les vols commerciaux et privés.
L’avion vert fonctionne grâce à des énergies alternatives plus durables au kérosène. Voici les trois grandes pistes actuellement explorées par les acteurs de la construction aéronautique.
Pour de plus longues distances, les avions devront faire le plein d’un carburant durable (ou SAF pour « sustainable aviation fuel »). Pouvant être mélangé au kérosène, le carburant bas-carbone désigne :
Selon le règlement ReFuelEU Aviation, en vue de limiter l’empreinte carbone de l’aéronautique, le carburant durable doit être progressivement être incorporé dans les réservoirs à hauteur de 2 % en 2025. L’objectif étant de passer à 6 % en 2030, 20 % en 2035 et 70 % en 2050.
Autre avancée majeure : le développement de l’hydrogène (l’objectif étant de voler à l’hydrogène vert à partir de 2035). L’hydrogène bas-carbone est un gaz incolore et indolore car :
Ainsi, pour pouvoir être utilisé, il convient d’ajouter une pile à hydrogène ou une batterie dans les avions. Néanmoins, le temps de recharge, l’autonomie et la capacité de chargement sont des critères devant encore faire l’objet d’améliorations.
👉 C’est pourquoi, dans le cadre du plan France 2030, l’État a promis 9 milliards d’euros pour le développement de la filière de l’hydrogène. En outre, afin d’accompagner la filière, le Président français consacrera annuellement 50 millions d’euros pour le développement de petits avions électriques ou à hydrogène.
Il existe d’ores et déjà des avions 100 % électriques (dans les aéroclubs notamment) pouvant embarquer deux personnes et parcourir 200 km.
Cependant, cette solution ne convient pas aux vols moyens et long-courriers du fait de la taille et du poids des batteries nécessaires pour parcourir de telles distances. L’avion électrique est donc destiné aux petits avions de 10 passagers maximum.
Les carburants durables ont un coût particulièrement élevé. En 2019, une tonne de biocarburant était vendue quatre fois plus cher qu’une tonne de kérosène. La directrice générale d’Air France s’est exprimée à ce sujet sur RTL :
Sans surprise, le coût élevé du carburant se répercute sur le prix du billet d’avion à hauteur d’un à 24 euros selon la classe et la destination choisie.
L’hydrogène vert n’est pas en reste. Encore en phase de développement, l’électrolyse de l’eau utilisée pour le produire est 3 à 6 fois plus chère que le vaporeformage du gaz naturel. [Gouvernement]
À ces frais s’ajoutent ceux liés à la conception de l’avion (excepté pour les carburants durables qui ne nécessitent pas une modification technologique des avions existants). En effet, les formes aérodynamiques des avions actuels ne sont pas économes en énergie et ne permettent pas de stocker l’hydrogène - ayant un volume quatre fois supérieur au kérosène. Il est donc nécessaire d’investir dans la recherche, l’innovation et le développement pour améliorer la capacité technique des avions.
👉 Le temps de développer une technologie mature, les avions verts ne verront pas immédiatement le jour et les avions fonctionnant au kérosène fossile seront toujours privilégiés…
Si l’on reprend l’exemple des carburants d’aviation durables, leur utilisation n’est pas totalement neutre en carbone. En effet, la présence de kérosène émet du CO2 lors de sa combustion.
En outre, les risques de fuite d’hydrogène vert alourdissent l’impact environnemental du gaz bas-carbone. Une étude parue dans la revue scientifique Communications Earth & Environment précise que l’émission d’une tonne d’hydrogène dans l’atmosphère équivaut à rejeter 13 tonnes de CO2.
Les gisements de carburants durables sont encore très limités, expliquant ainsi le lent développement de cette solution.
C’est particulièrement le cas des agrocarburants de deuxième génération. Les volumes disponibles restent très faibles et doivent être répartis entre différents modes de transport, à l’image du transport maritime ou du trafic routier eux-mêmes désireux de réduire leur empreinte carbone.
La filière bois-énergie et le BTP (pour les matériaux biosourcés) dépendent également des résidus d’agroforesterie et de culture pour effectuer leur transition écologique.
Le secteur de l’énergie n’est pas en reste. D’ici 2050, les électrocarburants utiliseront 17 % de la production électrique nationale. Or, l’énergie décarbonée est nécessaire à la transition énergétique de l’ensemble des secteurs économiques.
👉 À titre d’illustration : selon un collectif de chercheurs, alimenter l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle en hydrogène nécessiterait 16 réacteurs nucléaires, 1 000 km² de panneaux photovoltaïques ou 5 000 km² d’éoliennes.
Sans surprise, aucune solution miracle de décarbonation n’existe. Certes, les avions verts constituent une nécessité pour atteindre la neutralité carbone, mais reste une mesure insuffisante. Le développement de cette technologie doit s’accompagner d’une réduction du trafic tout en conservant les bénéfices socio-économiques du transport aérien (emplois, revenus, etc.).
Le magazine Vert souligne que dans son livre Voitures, fake or not ?, le chercheur Aurélien Bigo précise :
Or, en 2023, le trafic aérien mondial de passagers va retrouver - voire dépasser - son niveau d’avant pandémie. Selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) la fréquentation sera supérieure à 3 % par rapport à celle de 2019 - qui était alors de 4,54 milliards de passagers. [L’Express]
En ce sens, le scénario C de l’ADEME en vue de décarboner le secteur aérien français pour la période 2020-2050 offre trois grandes solutions pour réduire le trafic aérien :
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