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Concerts, festivals, théâtre : la transition du spectacle vivant
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Concerts, festivals, théâtre : la transition du spectacle vivant

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Le spectacle vivant doit se protéger et contribuer, lui aussi, à la lutte contre le changement climatique. Mais comment ? Quelles sont les solutions ?
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2024-12-02T00:00:00.000Z
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Le décès d’une fan de Taylor Swift à l’occasion d’un des concerts de l’artiste a illustré de façon tragique le fait que le secteur du spectacle vivant est désormais lui aussi impacté par le changement climatique. Âgée de seulement 23 ans, la jeune femme a succombé à un “épuisement thermique dû à une exposition diffuse à la chaleur". Le jour du concert en question, la température à Rio de Janeiro avoisinait les 60 °C.

Nous reconnaissons que nous aurions pu prendre des mesures supplémentaires, comme l'installation de zones d'ombre à l'extérieur (du stade où a eu lieu le concert) ou le changement de l'horaire des concerts. (...) Nous savons qu'avec le changement climatique, ces épisodes seront de plus en plus fréquents. Nous sommes conscients que tout notre secteur doit repenser sa façon d'opérer face à cette nouvelle réalité. (Serafim Abreu, PDG de l'entreprise Time For Fun, chargée de l’organisation des concerts du Eras Tour au Brésil)

Le secteur du spectacle vivant n’est pas un secteur comme les autres. Synonyme de divertissement et de convivialité, il appelle à lui un public souvent désireux de s’évader, pas de songer aux multiples problèmes auxquels notre société fait face. On peut facilement être tenté de laisser à la porte des salles de concert ou des théâtres les préoccupations à l’image de la crise climatique. 

Le fait est, malheureusement, qu’au-delà de contribuer à sa mesure à la lutte contre le réchauffement, le secteur du spectacle vivant va devoir s’adapter à des contraintes nouvelles afin d’assurer la sécurité des artistes et du public. Or, la transition écologique du spectacle vivant a ceci de particulier qu’elle ne peut reposer uniquement sur les initiateurs et les organisateurs des événements concernés - nous y viendrons plus bas. Le public, lui aussi, a un rôle à jouer et de taille.

Alors : comment soutenir la transition écologique du spectacle vivant ? Quels sont les défis majeurs ? Les solutions qui peuvent être envisagées ?

Greenly vous répond.

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Secteur du spectacle vivant : de quoi parle-t-on ?

Pour rappel, l’article L.7122-1 du code du travail définit le spectacle vivant comme l’ensemble des “entrepreneurs de spectacles vivants qui, en vue de la représentation en public d'une œuvre de l'esprit, s'assurent la présence physique d'au moins un artiste du spectacle percevant une rémunération. (...) Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités.

Les différentes catégories d'entrepreneurs de spectacles vivants sont déterminées par voie réglementaire”. 

Activités appartenant au spectacle vivant Activités n'appartenant pas au secteur du spectacle vivant
Le théâtre Les spectacles sportifs
La danse Les corridas
Les arts et le spectacle de rue Les spectacles enregistrés
Les arts du cirque Les jeux, l'organisation de défilés de mannequins
Les arts de la marionnette Les visites guidées
L'opéra Les repas théâtralisés
La musique live
L'illusionnisme
La poésie
Le milieu du spectacle vivant est un domaine complexe avec peu de très gros acteurs mais qui dominent le marché. En effet, 6 % des représentations représentent 49 % des entrées alors que 60 % de ces spectacles ont lieu dans de petites salles de moins de 200 places. (Ministère de la Culture)

De quelle manière le changement climatique affecte-t-il le spectacle vivant ?

Les conditions climatiques extrêmes

Nous l’avons vu en préambule de cet article : les conditions climatiques extrêmes affectent d’ores et déjà le spectacle vivant. Outre la tragédie intervenue sur le Eras Tour et dans un tout autre registre, on peut également penser au désastre qui s’est produit aux États-Unis en 2023, à l’occasion du Festival Burning Man dans le désert de Black Rock. 

Alors que ce dernier battait son plein, les milliers de festivaliers ont été pris au piège par des pluies torrentielles ayant subitement métamorphosé cette terre aride du Nevada en un bourbier aux proportions gigantesques. Un bourbier ô combien dangereux : pris de cours, certains festivaliers ont tenté de rallier la seule route demeurée praticable, 8 à 10 kilomètres plus loin, afin d’échapper au site, ignorant que le sol détrempé du désert s’était transformé par endroit en sables mouvants. 

Bien évidemment, les autorités locales ont rapidement appelé les participants à “rester sur place jusqu’à ce que le sol redevienne suffisamment solide et sûr” pour permettre les déplacements. Au total, les festivaliers sont demeurés bloqués sur place 3 jours durant, et une personne est hélas décédée.

En tout état de cause, il semble par ailleurs que ce festival soit désormais localisé au cœur d’une zone particulièrement sujette aux aléas climatiques…

Le Burning Man avait été confronté l'année dernière à une intense vague de chaleur avec des vents forts qui avaient déjà rendu l'expérience difficile pour les "burners", surnom des festivaliers. (France24, 5 septembre 2023)
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Les répercussions sur les infrastructures

Les infrastructures accueillant les manifestations du spectacle vivant ont, pour beaucoup d’entre elles si ce n’est la majorité, été construites à une époque où le changement climatique ne faisait pas la une des médias ou très peu. Elles n’ont donc pas été conçues pour résister aux aléas climatiques, ou pour garantir en toute circonstance le confort des artistes et des spectateurs qu’elles accueillent.

En l’espèce, les salles parisiennes sont particulièrement concernées par cette problématique. Ce qui est d’autant plus regrettable, car ces dernières constituent une forme de patrimoine : La Cigale, par exemple, a ouvert ses portes en 1887. Le Trianon en 1894. L'Elysée-Montmartre en 1807…

Malheureusement, en cas de vague de chaleur par exemple, ces différentes salles de spectacle ne sont pas adaptées à l’accueil du public dans de telles conditions, mal isolées comme elles le sont. Bien sûr, elles tâchent de s’adapter : le Théâtre des Champs-Elysées inauguré en 1913 ne peut accueillir de climatisation, mais il propose au moins un rafraîchisseur d’air. Idem pour le théâtre Antoine. D'autres, en revanche, se heurtent à de sérieuses problématiques. 

Pour les établissements qui ne disposent ni de climatiseur ni de rafraîchisseur, il faudra prendre son mal en patience. « La pièce Hiroshima mon amour ne dure qu’une heure », rassure-t-on, avec humour, au théâtre des Bouffes Parisiens. La direction a bien pensé à installer un climatiseur mais l’investissement est colossal. (Le Figaro, 27 juin 2019)

Dans ce second cas, la situation est d’autant plus problématique, car cela signifie que les artistes, leurs équipes et le public peuvent se retrouver rapidement soumis à des températures au mieux inconfortables.

La pression des coûts et la question de la viabilité économique

Nous venons de le voir : les professionnels du milieu tâchent de trouver des solutions et tentent de s’adapter. Le livret proposé par le Syndéac en 2023 l’illustrait d’ailleurs parfaitement.

L’art et la culture participent à leur niveau à l’aggravation du problème. Ce n’est jeter la pierre à personne que de le reconnaître : c’est être responsable collectivement, assumer l’obsolescence de notre écosystème pour mieux changer de logiciel. Nous faisons partie du problème. Nombre d’artistes, quelle que soit la discipline, “sont encore piégés dans l’art-tel-que-nous-le-connaissons, représentant le monde, montrant les crises plutôt que [...] trouv[ant] une solution”. (...) Heureusement, nous faisons également partie des solutions. Sans changement radical, nous savons ce qui va arriver d’un point de vue scientifique : nous devons inventer ce qui va arriver d’un point de vue culturel et sociétal. (Syndeac, La mutation du spectacle vivant, Des défis, une volonté, 2023)

Problème : revoir les pratiques usuelles du spectacle vivant est généralement synonyme de coûts supplémentaires. L’adoption de technologies plus écologiques à l’image de l'éclairage LED ou de systèmes de refroidissement davantage performants implique de consentir à des investissements importants. Or, cette équation peut s’avérer complexe à résoudre pour les professionnels qui ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour envisager ces options.

Les réglementations environnementales

Il est probable que le secteur du spectacle vivant se voit progressivement imposer de nouveaux genres de réglementation, à l’image de ce qui se fait aujourd’hui dans d’autres secteurs d’activité.

Pour autant, mieux vaut sans doute ne pas attendre de se trouver coller au pied du mur pour réagir. 

La transition écologique d’une organisation, quelle qu’elle soit, ne s’opère jamais en un claquement de doigts. Comprendre l’étendue de son impact environnemental, trouver un moyen de changer des pratiques établies depuis des années voire des décennies, mettre en œuvre ce changement, faire des travaux d’isolation, relocaliser sa chaîne d’approvisionnement, conclure de nouveaux partenariats… Nous en passons et des meilleures. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’outre le fait que l’on peut rarement se consacrer pleinement à la diversité des problématiques abordées en même temps, le coût représenté par cette évolution est, dans la plupart des cas, difficilement absorbable sur une échéance courte. 

Or, l’émergence d’une réglementation statuant sur de nouvelles obligations et des objectifs à atteindre sur un laps de temps donné est souvent source de stress pour les entreprises, qui peuvent soudainement se sentir prises à la gorge. Pour peu qu’elles aient d’autres préoccupations à ce moment précis, le sujet de la transition tourne au cauchemar. 

Le positionnement du public

Nous sommes de plus en plus sensibilisés au changement climatique et à l’importance de modifier nos habitudes. Pour cette raison, le public prenant part aux festivals et autres manifestations du spectacle vivant escompte lui aussi, de plus en plus, que les entreprises et organisations de tout genre contribuent à l’effort collectif. Au point parfois d’en venir à délaisser celles qui ne répondent pas ou pas suffisamment à cette attente.

Dans ce contexte, l’enjeu autour du positionnement du monde du spectacle vivant vis-à-vis de la question climatique revêt aussi une dimension économique. Si le secteur souhaite demeurer attractif, il se doit de prendre en compte les préoccupations des individus qu’il espère voir venir assister à ses événements.

Les principaux défis du spectacle vivant dans le cadre de la transition écologique

Les défis posés au spectacle vivant sont nombreux et extrêmement variés de par leur nature. De façon schématique, on peut toutefois identifier 3 grands axes sur lesquels le secteur pourrait se concentrer : 

  • la transport et la logistique ;
  • la consommation d’énergie ;
  • la gestion des déchets.

Le transport et la logistique

Le transport et la logistique sont absolument centrales dans le cadre de l’organisation des festivals ou des tournées. Bien que différents, ces deux sujets ont en commun de reposer à peu près sur le même type de problématique lorsqu’on les considère à l’aune de la question environnementale.

De fait - que l’on parle des artistes, des équipes techniques ou du public - individus et matériel impliqué dans l’exécution du show doivent être acheminés jusqu’au lieu du spectacle. Et cette question de l’acheminement pose souvent problème. Tout dépend du mode de transport, mais dans bien des cas, les solutions privilégiées ne sont pas les plus écologiques.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que cette dimension de l’équation est cruciale à plus d’un titre, car elle illustre l’un des principaux enjeux inhérents à la transition de ce secteur. Sur un concert (pour prendre cet exemple), l’empreinte carbone imputable au seul transport des spectateurs compte en moyenne pour 60 à 80 % de l’impact total.

La consommation d’énergie

Autre poste d’importance : la consommation d’énergie. Chauffage, climatisation, éclairage, sonorisation, écrans… Les dispositifs déployés à l’occasion d’un spectacle vivant peuvent être importants. Or, la tenue de certains de ces spectacles est indissociable des ressources matérielles qui la rendent possible. À tout le moins, de la manière dont nous les concevons aujourd’hui. 

Par ailleurs, nous l’avons déjà évoqué un peu plus haut : les espaces et les infrastructures d’accueil ne bénéficient pas toujours d’une isolation thermique très performante, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur empreinte carbone. En hiver, ces lieux doivent chauffer davantage pour maintenir une température acceptable, et en été, ils doivent recourir massivement à la climatisation. Dans un cas comme dans l’autre, tout cela est synonyme de consommation d’énergie.

La gestion des déchets

Une grande quantité de déchets est produite à l’occasion des festivals notamment. Des déchets liés aux consommables bien sûr (type gobelets, flyers, emballages alimentaires, etc.), mais pas seulement. Des éléments utilisés pour la scénographie ou les costumes comptent parfois parmi ces déchets, car nombre d’entre eux ne sont utilisés qu'une seule fois.

Artistes et public : une responsabilité partagée

À l’aune de ce qui vient d’être mentionné plus haut, on comprend sans mal que la transition du spectacle vivant reposera sur une action conjointe des artistes et du public, ou ne se fera pas.

Si nous voulons continuer à profiter de toutes ces représentations, la réalité est que chacun va devoir y mettre du sien. Il est inenvisageable de considérer que les artistes et les organisateurs de ces événements vont pouvoir réduire significativement l’empreinte carbone de ces derniers sans la collaboration de leur public. Bien sûr, ils se doivent de soutenir ces efforts - en imaginant un show compatible avec les contraintes auxquelles les spectateurs vont se heurter - et devront faire leur propre part. Mais le milieu du spectacle vivant incarne sans nul doute l’un des exemples les plus illustratifs du fameux “effort collectif” auquel la transition écologique nous appelle tous et toutes. 
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Quelles solutions le spectacle vivant peut-elle mettre en œuvre ?

L’éco-conception des spectacles

Les infrastructures

Le mieux les infrastructures accueillant nos événements seront isolées, le mieux ce sera. Pour les artistes, leurs équipes et le public, mais aussi pour l’empreinte carbone du spectacle vivant. En isolant mieux ces lieux, les organisateurs et les spectateurs seront davantage protégés des risques pesant sur leur santé, et les manifestations du spectacle vivant, de leur côté, verront leur impact environnemental décroître.

Alors comment faire ?

Amélioration de l’isolation thermique, installation de systèmes de chauffage et de refroidissement plus performants, utilisation d’éclairage naturel lorsque cela est possible… Les possibilités sont nombreuses et devraient idéalement être combinées.

Autre piste intéressante : la création d’espaces verts. À l’image de ce que commencent à faire certaines typologies de bâtiments plus “traditionnels”, les salles et festivals pourraient également intégrer davantage de nature dans le cadre de leur conception, en créant des toits végétalisés, des jardins ou des espaces verts autour des lieux de spectacle. Ceci pourrait contribuer à compenser les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées, améliorer encore l’isolation thermique des bâtiments et sensibiliser le public à la nécessité de protéger la biodiversité.

La scénographie

La scénographie est un sujet complexe, dans la mesure où elle se fait généralement le vecteur d’une vision artistique. Par voie de conséquence, il peut être difficile, pour un artiste, d’être contraint de réviser le projet qu’il souhaite présenter à son public afin de le rendre plus “éco-friendly”.

En l’espèce, la scénographie constitue l’un des aspects où la collaboration entre les professionnels du spectacle vivant et les professionnels de la transition (les ingénieurs en particulier) peut s’avérer la plus intéressante. L’enjeu étant de tenter au maximum de coller au projet artistique voulu, tout en imaginant les solutions les plus écologiques possibles en vue de le concrétiser. Pas de miracle à prévoir cependant : s’il souhaite réellement travailler à réduire l’impact environnemental des moindres aspects de son spectacle, l’organisateur ou l’artiste devra certainement être prêt à opérer des concessions. Ceci sera notamment vrai pour les artistes ayant pour habitude de proposer des shows aux dimensions pharaoniques, synonymes d’abondance d’effets en tout genre (éclairage, projection visuelle, etc.).

Par ailleurs, il est important de souligner le grand nombre de facteurs qui entrent en ligne de compte et peuvent influencer positivement ou négativement l’équation finale.   

Prenons un exemple : en 2022, le groupe Indochine a organisé une tournée de stades (et de stades uniquement) à travers la France. Dans le cadre de cette tournée, il avait été décidé que, contrairement à ce qui se fait traditionnellement, la scène ne serait pas positionnée à l’une des extrémités du stade, mais au centre de la fosse - de même que les écrans.

Or, le potentiel induit par une telle configuration pourrait, sous certaines conditions, mériter d’être étudié. En procédant ainsi, la capacité d’accueil du stade se trouve en effet maximisée - contrairement à la configuration “traditionnelle” qui entraîne de facto l'inaccessibilité d’une partie des sièges. 

À titre illustratif, le stade Pierre Mauroy (localisé aux abords de Lille) dispose d’une capacité d’accueil allant de 27 000 à 70 000 places. La structure peut accueillir 50 000 spectateurs en configuration dite “stade”. En revanche, en plaçant la scène au centre, la majorité des places peuvent être utilisées, et il devient possible de porter la capacité totale à 60 000 spectateurs (ce seuil pouvant sûrement varier en fonction de la taille de la scène et des aménagements nécessaires), soit une augmentation de 20 %.

infographieinfographie

À cet égard, ce type de scénographie (dont l’esprit a également été expérimenté par d’autres artistes de renom tels que U2 et Ed Sheeran) pourrait permettre aux artistes d’accueillir davantage de spectateurs à l’occasion d’une représentation. Au lieu de multiplier les dates de concert en divers endroits, nous pourrions développer des tournées reposant sur l’exploitation des sites permettant d’accueillir un maximum de personnes (le “maximum” variant bien sûr en fonction du degré de notoriété de l’artiste) à l’occasion d’une seule représentation, ce qui permettrait : 

  • de réduire le niveau de consommation d’énergie qu’impliquerait, a contrario, une succession de représentations sur un nombre de dates plus important ;
  • de limiter les déplacements des artistes qui, pour les plus renommés, entraînent dans leur sillage un attelage d’équipes techniques et de semi-remorques (jusqu’à près d’une centaine de semi-remorques pour Mylène Farmer) chargés de tout le matériel indispensable au show.

Une piste de réflexion donc, mais qui pose tout de même deux problématiques. D’abord, la nature des sources d’approvisionnement en énergie, qui doivent être les plus propres possible. De fait, particulièrement dans le cas d’un stade, l’importance du dispositif technique nécessaire au show et devant être approvisionné en énergie peut rapidement peser lourd - beaucoup trop lourd. Deuxième sujet : dans l’hypothèse où la tenue du show serait centralisée en un endroit stratégique pour chaque région, il est certain qu’une partie du public se verrait obligée de se déplacer pour rejoindre le lieu concerné. Une réalité susceptible là aussi de plomber l’empreinte carbone de l’événement au lieu de l’alléger. À moins que les solutions de transport les plus éco-responsables soient mises en œuvre (voir plus bas dans cet article). Auquel cas, il est impératif que la salle ou le stade en question soit directement accessible via les transports en commun et localisé au sein d’une ville hôte bien desservie par le réseau ferroviaire. Le Stade de France en région parisienne ou le Groupama Stadium en région lyonnaise satisfont, par exemple, ces deux critères.

Le matériel

Sur le plan matériel, l’écoconception doit être privilégiée au maximum. Concrètement, il s’agit de repenser la manière de produire des spectacles en tenant compte de leur impact environnemental dès les premières étapes du projet, en misant sur l'utilisation d’éléments constitués de matériaux recyclés ou réutilisables dans le futur pour les décors, les costumes et les accessoires. 

Une enquête très intéressante avait d’ailleurs été menée en 2022 par ArtCena (le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre) auprès de certains professionnels du spectacle vivant.

Sur le versant positif, si 88 % des scénographes reconnaissaient ignorer l’empreinte carbone générée par leur activité, il n’en demeure pas moins qu’ils étaient déjà 57,8 % à choisir leurs matériaux en fonction de leur impact sur l’environnement. 65 % avaient aussi déjà préféré un matériau à un autre par choix écologique, et bien que son coût ait été plus élevé. 

Sur le versant moins positif, si les professionnels “(estimaient) à 97,3 % que création et réemploi (étaient) compatibles”, ils n’utilisaient qu’occasionnellement des matériaux de réemploi et les stocks existants des théâtres ou des compagnies. 85 % jugaient que le recours à de tels matériaux influerait sur la conception en tant que telle. De façon logique, près de 30 % de ces professionnels admettaient ne pas songer eux-mêmes à la vie future de leur scénographie lorsqu’ils la concevaient. 

Les créateurs et créatrices de costumes, quant à eux, veillent à une légère majorité (57 %) à la façon dont ont été fabriqués les produits de prêt-à-porter qu’ils achètent, mais n’adoptent que ponctuellement des pratiques dites résilientes (achat de matières naturelles, application de teintures végétales). Concernant enfin le réemploi de leurs créations, tous s’y montrent favorables, mais 45,2 % souhaitent y poser des conditions. (Enquête ArtCena, 11 février 2022)

NB : l’éco-conception d’un élément, quel qui soit, est un exercice complexe mais pas irréalisable à condition d’avoir les bons outils. Pour éco-concevoir convenablement un produit, les professionnels de la comptabilité carbone recommandent de recourir à l’Analyse de Cycle de Vie (ACV). Une technique d’évaluation qui décortique scrupuleusement chaque étape de l’existence d’un produit, et évalue l’impact environnemental induit à chacune d’elle. Pour en savoir plus n’hésitez pas à consulter notre article sur le sujet.

L’optimisation énergétique

1. L’efficacité énergétique des infrastructures

Nous l’avons déjà évoqué : les salles de spectacle les plus anciennes - mais aussi des infrastructures plus récentes - disposent hélas de systèmes énergétiques inefficaces. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de travailler à l'amélioration de l'isolation thermique. 

2. L’approvisionnement en énergie

Inutile de tourner autour du pot : en matière d’énergie, les renouvelables doivent être davantage mises à profit. Le groupe Coldplay avait lui-même investi dans des panneaux solaires afin d’alimenter au moins en partie les stades où se déroulaient ses concerts. Une initiative audacieuse, qui soulève de surcroît une question intéressante : celle de la mutualisation des besoins des artistes. 

Compte tenu de l’impact environnemental des panneaux solaires au moment de leur fabrication, par exemple, le monde du spectacle vivant pourrait entreprendre une forme de concertation, en vue de développer une politique de réemploi et de location d’équipements techniques. Une telle politique permettrait aux artistes de partager l’usage de certains matériels et de maximiser le retour sur investissement - au lieu que des panneaux solaires fabriqués au prix d’une certaine empreinte carbone demeurent stockés dans un hangar pour n’être sortis qu’une fois tous les quatre ans, à l’occasion de la nouvelle tournée initiée par un artiste donné. Une telle organisation s'appliquerait également aux dispositifs d’éclairage, de sonorisation ou encore de décors.

Les transports et la mobilité durables

1. Le covoiturage

Le covoiturage constitue sans nul doute l'une des solutions les plus simples à mettre en œuvre pour les spectateurs. Les plateformes comme Blablacar permettent facilement de rentrer en contact avec d’autres individus désireux de partager un véhicule avec d'autres personnes, ce qui permet de rentabiliser le coût carbone induit par le déplacement en question. 

Sachez d’ailleurs que des plateformes spécialisées dans le transport d’individus se rendant à des festivals et autres événements culturels ont vu le jour à l’image de Festicar.

En 2013, le Collectif des Festivals suggérait aussi de créer de places de parking “vertes” pour valoriser les voitures transportant au moins 4 passagers à l’arrivée au festival. Dans la même veine, des réductions tarifaires pourraient s’appliquer aux spectateurs et festivaliers se mobilisant en faveur de cette démarche.

2. Les navettes organisées

Côté organisateurs, la mise en place de navettes en provenance des principales gares constitue, là encore, une piste à explorer. Ces navettes pourraient en effet emprunter un trajet faisant étape à divers points de rassemblement fixés au préalable, sur la zone attenante au lieu du spectacle, ce qui contribuerait à réduire le nombre de voitures individuelles utilisées à l’occasion de l’événement concerné. Dans l’idéal, le recours aux bus à faible émission ou aux véhicules électriques serait évidemment à privilégier.

À nouveau, un modèle d’incitations financières pourrait être pensé afin de proposer ces navettes à prix réduit ou de façon gratuite aux détenteurs de billets.

3. Les partenariats

Certains festivals européens comme Glastonbury ont commencé à promouvoir intensivement le recours au train pour se rendre à l’événement. Dans le cas du Glastonbury Festival, ce dernier a ainsi conclu un partenariat avec Trainline, qui propose des réductions sur les tickets des futurs festivaliers, sous réserve d’acheter ces derniers plusieurs semaines en avance. 

La réduction et la gestion des déchets

La production de déchets de certains festivals se compte en centaines de kilos jusqu’en dizaines de tonnes. (Le Collectif des Festivals, La gestion des déchets, juin 2016)
Considérés comme des professionnels, les organisateurs de manifestation sont responsables des déchets produits sur leur manifestation jusqu’au traitement final, même si la collectivité ou une entreprise privée a en charge le transfert et le traitement. Ils doivent également mettre en place la collecte séparative des déchets, notamment papier, verre, métaux, plastique. (Le Collectif des Festivals, La gestion des déchets, juin 2016)

Dans le cadre de son guide, le Collectif des Festivals avait ainsi soumis de premières pistes de réflexion en vue de traiter cette problématique liée aux déchets : 

  • la création d’un politique d’achats responsables, en désignant un référent achats entre autres chargé de centraliser et de rationaliser les besoins ;
  • la réduction à la source des déchets des bars, en privilégiant les contenants consignés ;
  • le compostage des déchets organiques, en proposant de trier les plateaux en fin de repas avec une zone de desserte équipée d’une poubelle supplémentaire, d’une bonne signalétique et éventuellement d’un médiateur pouvant guider le tri ;
  • l’évitement des déchets publicitaires ;
  • l'utilisation d'une vaisselle lavable, quand les dimensions de l’événement le permettent (des plateformes de mutualisation des matériels à destination du secteur de l'événementiel existent) ;
  • la prévention des jets de mégots, en mettant à disposition des cendriers de poche individuels et en installant des bacs remplis de sable pour les réceptionner.

La sensibilisation

De façon générale, il est important que les organisateurs de ces événements apprennent à promouvoir intensivement l’utilisation des transports en commun auprès du public. Ceci, en fournissant des informations précises quant aux horaires, aux liaisons et aux options disponibles. 

L’objectif est de faire connaître et de valoriser toutes les solutions alternatives au véhicule individuel, qui doit être délaissé autant que possible. 

Certains festivals tels que We Love Green intègrent désormais ces informations dans leurs communications en amont de l’évènement. De son côté, Billie Eilish a annoncé un partenariat avec Google Maps dans le cadre de sa prochaine tournée mondiale, Hit Me Hard And Soft: The Tour. L'idée : aider les fans à trouver "des transports écologiques et des itinéraires économes en carburant (transports en commun, itinéraires pédestres et cyclables) ainsi que des options alimentaires à base de plantes dans les villes qu’elle visitera lors de la première étape de sa prochaine tournée mondiale en Amérique du Nord".

Cela étant dit, même s’il s’agit souvent de l’aspect auquel on pense le plus - compte tenu de l’importance de l’impact carbone des spectateurs - le transport n’est pas le seul sujet auquel les artistes et leurs équipes peuvent contribuer à sensibiliser.

À l'occasion de sa tournée Music of the Spheres, Coldplay avait positionné des vélos électriques en pleine fosse. Ces vélos, une fois activés, permettaient au public de contribuer à alimenter la salle de concert en énergie. De même que le plancher cinétique qui avait été installé, là encore, au niveau de la fosse. Bien sûr, cette contribution n’aurait en aucun cas permis de répondre aux besoins énergétiques du lieu à elle seule - loin s’en faut. Il ne s’agissait donc pas de compter sur ces vélos ou ce sol pour assurer le show. 

Pour autant, ces idées constituaient un formidable outil de sensibilisation. Une manière, pour une fois, de débarrasser le sujet de la transition de son image austère, rébarbative et contraignante, pour en faire une activité amusante et ludique, tout en sensibilisant au fait que l’énergie qui rend possible l’ensemble de nos activités n’est pas issue du néant - contrairement à ce que peut parfois laisser penser son caractère impalpable, hélas.

Bashing et débats

En 2019, le groupe Coldplay avait ainsi décidé de mettre sur la table le sujet de son impact environnemental, en proposant de premières solutions en vue de réduire son empreinte carbone. 

Une initiative louable et inédite à ce niveau. Pour autant, elle n’a évidemment pas manqué de s’attirer des commentaires parfois insultants (les membres de Coldplay ont par exemple été taxés “d’idiots utiles du greenwashing”). Or, si on peut légitimement chercher à évaluer le bilan de cette fameuse tournée, en cherchant les éventuelles imperfections voire erreurs et les questions non traitées pour en déduire de futurs aspects à travailler, l’insulte et le dénigrement n'ont pas leur place dans le cadre de ce débat.

On ne peut pas, d’un côté, sommer les professionnels du spectacle vivant de réduire leur impact environnemental, et de l’autre, leur tirer dessus à boulets rouges dès qu’ils ont le malheur de tenter quelque chose. Cela n’a pas de sens et c’est totalement contre productif, peu importe le secteur d’activité d’ailleurs.
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Pour sûr, nous ferions de jolies économies de CO2 si nous décidions de mettre un terme aux manifestations de type concert et festival dans l’intérêt de la lutte contre le changement climatique.

En l'espèce, c'est d'ailleurs ce qu'a décidé le groupe Shaka Ponk le 30 novembre dernier, en faisant définitivement ses adieux à la scène.

Le groupe n’a jamais fait mystère de ses valeurs écologiques et sociales profondes. "Je pense que ce qui nous lie, c’est aussi un besoin d’être synchro avec nos convictions. À un moment donné, c’est compliqué de dire aux gens de respecter la planète, quand toi-même tu as une activité professionnelle qui est polluante" observe Samaha Sam. (Le HuffPost, 1er décembre 2024)

Un geste d'un altruisme exceptionnel, qui illustre tristement la difficulté de cette problématique.

Mais tout arrêter est-il réellement la bonne solution ? Devons-nous vraiment mettre un signe "égal" entre l'impact carbone d'une sphère culturelle qui contribue au maintien du peu de lien social qu'il nous reste (à une époque où nous passons un temps considérable devant nos écrans), et des entreprises qui produisent des vêtements de piètre qualité que personne ne portera jamais - ou si peu - et finiront directement dans des décharges à ciel ouvert ?

La question est posée.

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