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Marché du carbone : comment ça marche ?

ESG / RSEBilan Carbone
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Un grand arbre dans une forêt
Le marché du carbone est l’une des solutions de l’UE pour inciter les entreprises à réduire leurs émissions. Quid de ce système d'échange.
ESG / RSE
2024-05-06T00:00:00.000Z
fr-fr

Véritable pilier de la stratégie climatique européenne, le marché du carbone tend à accélérer l’atteinte de la neutralité carbone dans l’industrie et la production d’électricité. Avec respectivement 14 et 33 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2020, il s’agit ni plus ni moins des deux secteurs les plus polluants d’Europe avec les transports (29 %). Mais ne désespérons pas ! Ce système d’échange semble enfin avoir un impact significatif sur les impacts environnementaux européens. Pourquoi “enfin” ? Figurez-vous que les débuts étaient particulièrement difficiles… 

Mais en quoi consiste le marché du carbone ? Qui est concerné ? Comment les entreprises doivent-elles utiliser cet outil réglementaire ? Dans cet article, nous tentons d’éclaircir ces points.

Cheminée d'une usine crachant de la fumée à la tombée de la nuitCheminée d'une usine crachant de la fumée à la tombée de la nuit

Tout savoir sur le marché du carbone européen

Origine et définition

Instauré le 1er janvier 2005 par l’Union européenne, un marché du carbone - en anglais, ETS pour « Emissions Trading System » - est un système d’échange de quotas d’émissions. S’appuyant sur le principe pollueur-payeur, cet outil réglementaire mesure, contrôle et réduit les émissions de gaz à effet de serre des industries et de la production d’électricité. De manière générale, ce dispositif doit inciter les pays à réduire leurs émissions et à adopter des technologies propres, afin de lutter contre le changement climatique. Dans le cas contraire, si aucun effort de réduction n’est fait, ce dispositif s’avère très coûteux pour les entreprises.

Un peu d’histoire : la mise en place du marché du carbone fait suite aux engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. Signé en 1997 par les 38 États les plus polluants au monde et entré en vigueur en 2005, cet accord international fixe plusieurs mesures visant à réduire les émissions de six GES à hauteur de 5 % par rapport aux niveaux de 1990. 

Maintenant que les présentations sont faites, entrons dans le détail.

Qui est concerné ?

‍Depuis 2005, on compte plus de 11 000 installations industrielles européennes - ayant une capacité de 20 mégawatts - à l’origine d’environ 45 % des émissions de CO2. En France, ce sont 1 000 installations qui sont concernées, dont celles d’acteurs tels que Total, EDF ou Solvay.

À ce titre, les secteurs les plus polluants tels que la production d’électricité, les raffineries de pétrole, la sidérurgie ou encore le chauffage urbain entrent dans ce dispositif. L’aviation - représentée par les compagnies aériennes pour les vols commerciaux intra-européens - a également fait son entrée en 2012. 

‍Depuis fin 2021, il existe 21 marchés du carbone - en Chine, au Japon, aux États-Unis ou en Nouvelle-Zélande, mais l’UE détient le plus grand marché du carbone au monde. 

Comment ça fonctionne ?

La distribution de quotas

Afin de limiter les émissions de GES des industries européennes, le marché du carbone fonctionne selon des quotas d’émissions - également appelés « crédits carbone » -, qui peuvent être échangés. Autrement dit, chaque industrie se voit attribuer un « droit à polluer ».

Pour information, un quota représente une tonne de CO2.

Pour faire simple, chaque année une entreprise soumise au marché reçoit - via la méthode de la mise aux enchères - un nombre de quotas plus bas que son niveau d’émission actuel. La quantité est déterminée par une entité publique (l’UE, un État ou des régions) en fonction du secteur d’activité de l’entreprise et des émissions de GES émises par les acteurs les plus verts de ce secteur.

Tous les ans, le plafond annuel de quotas est revu à la baisse. En outre, en 2021, la baisse est de 2,2 % par an - contre 1,71 % -, ce qui représente 48 millions de tonnes de carbone. Un fonctionnement qui se base ni plus ni moins sur celui du marché financier. En limitant le nombre de quotas sur le marché, l’UE force les entreprises à émettre moins. De plus, le prix de chaque crédit augmente ou diminue selon le principe de la loi de l’offre et de la demande.

En plus des quotas européens, les entreprises peuvent acquérir deux autres types d’actifs :

  1. des quotas provenant d’autres systèmes d’échange de crédits reconnus comme équivalents (d’autres marchés de carbone, par exemple) ;
  2. des crédits issus de la conduite de projets - c’est-à-dire des émissions évitées -, qui se trouvent en dehors du territoire sur lequel se trouve le marché ou sur des secteurs non concernés par le système.

Bon à savoir : certaines entreprises peuvent bénéficier de quotas gratuits pour ne pas fragiliser leur compétitivité, mais également pour éviter le risque de fuite de carbone - autrement dit, la délocalisation d’une entreprise très émettrice vers un pays ayant une réglementation plus souple.

La restitution

À la fin de chaque année, chaque participant doit restituer autant de quotas que de CO2 émis dans l’atmosphère suivant deux cas de figure :

  1. les émissions de GES sont inférieures au nombre de quotas reçu. Dans ce cas, l’entreprise peut, soit revendre ses quotas sur le marché du carbone, soit les épargner - ce qu’on appelle le banking - pour les utiliser plus tard ;
  2. les émissions de GES sont supérieures au nombre de quotas alloué. À l’inverse, l’industrie achète ou emprunte des quotas supplémentaires - ce qu’on appelle le borrowing

En bref, ces échanges s’effectuent sur les places de marché dédiées, entre entreprises, via des intermédiaires ou de gré à gré.

‍Pour garantir l’intégrité et la transparence du processus, le marché du carbone repose sur trois grands principes :

  1. l’obligation de consigner les émissions dans un registre européen ;
  2. l’aptitude à s’assurer de l’exactitude des informations transmises ;
  3. la possibilité d’attribuer des pénalités.

‍Marché du carbone VS taxe carbone

Attention à ne pas confondre le marché du carbone avec la taxe carbone ! Bien que ces deux dispositifs aient un but commun - réduire les émissions de GES pour atteindre les objectifs climatiques collectifs -, ils fonctionnent différemment.

‍La taxe est une mesure qui s’adresse aux artisans, aux petites entreprises et aux particuliers. Cette écotaxe est ajoutée directement dans le coût de production et de consommation des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon) et le montant du prélèvement dépend des quantités émises.

Pour résumer, plus un produit pollue, plus il est taxé. Contrairement au marché du carbone, qui pénalise l’entreprise entière.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Un objectif plus ambitieux

Le 14 juillet 2021, la Commission européenne a présenté une série de mesures pour réformer son marché du carbone - le paquet climat « Fit for 55 », qui complète le Pacte vert européen - dans l’optique d’atteindre rapidement la neutralité carbone d’ici 2050. À ce titre, l'Europe a revu son objectif et s’est engagée à réduire de 55 % ses émissions globales de CO2 par rapport à 1990, et ce, d’ici 2030. 

En outre, elle souhaite :

  • supprimer progressivement les quotas gratuits pour les compagnies aériennes ;
  • accueillir le secteur maritime dans le marché actuel ;
  • créer un marché du carbone dédié au transport routier et au chauffage des bâtiments.

‍Le renforcement du mécanisme d’ajustement carbone des frontières

Dans ses nouvelles mesures, la Commission européenne réclame un contrôle plus strict de ses frontières. En effet, en renforçant l’objectif de son marché carbone, l’UE prend le risque d’accentuer les fuites de carbone. Au vu des différences du prix du carbone fixé par chaque pays, certaines entreprises pourraient être tentées de se délocaliser dans un pays aux politiques moins ambitieuses. Certes, ces industries payent moins cher, mais leurs émissions de carbone restent en hausse. Pire, la pollution exportée est finalement importée sur le territoire européen.

‍Pour lutter contre le dumping environnemental du reste du monde, la Commission européenne prévoit ainsi :

  • le renforcement du fonctionnement de ses politiques climatiques - en particulier sa politique de tarification carbone via son système d'échange de quotas d'émission (SEQE) ;
  • la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de 2023 à 2026. Ce dispositif climatique - et non de politique commerciale - s’appliquerait sur les produits importés provenant des secteurs susceptibles de faire l’objet de fuites (fer, acier, ciment, engrais, aluminium et production d'électricité).

‍À noter : les recettes récoltées seront utilisées pour rembourser une partie de la dette mutuelle contractée par l’UE pour le plan Next GenerationEU.

Des difficultés liées au prix du CO2

L’efficacité du marché du carbone mis en doute

Dès sa création, le marché du carbone a dû faire face à un problème de taille. Comment fixer le prix du carbone, tout en incitant les entreprises à réduire leurs émissions ? 

Revenons les grandes dates de la tarification du carbone.

‍En 2005, les dirigeants européens ont préféré allouer un grand nombre de quotas à chaque participant pour ne pas handicaper les industries européennes. Cependant, le prix du carbone s’est effondré à 0 € en 2007. Une chute qui va à l’encontre de l’objectif du marché du carbone puisqu’à cette époque, il était plus intéressant d’acheter des quotas, plutôt que de réduire ses émissions. Puis la crise de 2008 est passée par là : elle a réduit la production, et donc les émissions de GES. 

‍À cette époque, le marché du carbone est pointé du doigt pour son inefficacité et ce système manque d’échouer.

‍Des solutions entrent en vigueur et redressent la barre

En 2013, les dirigeants européens décident de serrer la vis. Ils commencent par arrêter d’allouer gratuitement des quotas - qui représentent 80 % des nouveaux permis. En 2015, pour corriger les dysfonctionnements du marché de carbone, l’UE met en place le Market Stability Reserve (MSR) servant à placer les quotas excédentaires en cas de baisse de l’activité économique. À titre d'illustration, en 2020, 354 millions de quotas ont été retirés, portant le nombre de crédits en circulation à 1 266 millions.

‍En 2019, l’UE a supprimé le surplus de quotas afin de garantir un prix minimum. Cela a permis d’enregistrer la plus forte réduction - une chute de 9,1 %, soit 152 millions de tonnes - par rapport à 2018.

‍En bref, des décisions réfléchies et contraignantes ont permis de sauver le marché du carbone.

Usine avec une cheminée recrachant beaucoup de fuméeUsine avec une cheminée recrachant beaucoup de fumée

Quelques chiffres pour terminer

En 2015, la tarification du carbone couvre 12 % des émissions mondiales - une part encore limitée. Face à ces résultats encourageants, la Carbon Pricing Leadership Coalition souhaite élargir la couverture des émissions mondiales de 50 % en 2030. Un objectif ambitieux, mais réalisable !

‍En mai 2020, le prix d’une tonne de carbone était fixé à 28 euros et est passé à plus de 44 euros en avril 2021. À titre de comparaison, en janvier 2014, une tonne de CO2 équivalait à 5 petits euros - ce qui était tout bonnement inutile.

‍En 2021 et grâce au marché carbone, la France a touché entre 83 et 168 millions d’euros. Néanmoins, 50 % de ces bénéfices doivent impérativement être utilisés à des mesures liées au climat et à l’énergie. Ce pourcentage monte à 100 % pour les quotas liés à l’aviation.

Comment agir pour l’environnement ?

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