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La France peut-elle vraiment être accusée d'inaction climatique ?
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La France peut-elle vraiment être accusée d'inaction climatique ?

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Faisant l’objet de plusieurs plaintes pour inaction climatique, la France est-elle vraiment un mauvais élève en la matière ? On fait le point.
Écologie
2023-05-17T00:00:00.000Z
fr-fr

Pour face à l’urgence climatique mondiale, chaque pays doit contribuer à l’atteinte de l’objectif de l’Accord de Paris - à savoir limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C d’ici la fin du siècle. Le moyen le plus efficace d’y parvenir consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de chaque État. 

Cependant, certains estiment que la France est un mauvais élève en la matière.

Maintes fois accusées d’inaction climatique, l’Hexagone manque-t-elle réellement d’engagements écologiques ? C’est ce que nous cherchons à savoir dans cet article.

Pourquoi la France est-elle accusée d’inaction climatique ?

Le non-respect de la trajectoire des émissions de GES pointé du doigt dans l’Affaire du Siècle

L’Affaire du Siècle est l’affaire juridique la plus importante pour le climat que la France n’ait jamais connu. Initié en 2018, le mouvement a pris de l’ampleur avec la publication d’une vidéo dans laquelle 32 célébrités françaises appelaient la population à signer la pétition. 

Les ONG à l’initiative de ce recours en justice se sont basées sur des textes juridiques fondamentaux prouvant la responsabilité de la France dans le réchauffement climatique. Trois manquements consécutifs ont été relevés : 

  • le non-respect de l’objectif de réduction de gaz à effet de serre (GES) - le budget carbone 2015-2018 a été dépassé de 62 millions de tonnes équivalent CO2 ;
  • le non-respect de l’objectif de consommation d’énergie - l’objectif fixé pour 2020 ne sera atteint qu’en 2026 ;
  • le non-respect de l’objectif des énergies renouvelables - en 2017, la consommation finale brute d’énergies renouvelables n’a été que de 25,5 Mtep (million de tonnes équivalent pétrole) au lieu de 30,7 Mtep fixées.

Au vu de ces « carences fautives », le jugement du tribunal en date d’octobre 2021 a reconnu l’inaction climatique du gouvernement.

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La mauvaise qualité de l’air réprimandée par le Conseil d’État

La plainte déposée par l’association des Amis de la Terre envers l’État français a donné lieu à une amende record de 20 millions d’euros, le 17 octobre 2022. En cause : le non-respect des normes de la pollution de l’air pour les périodes juillet 2021-janvier 2022 et janvier-juillet 2022.

En effet, en 2021, la concentration de polluants (ozone, dioxyde de carbone ou les particules fines PM10) était telle que les seuils réglementaires étaient dépassés dans 27 agglomérations. [statistiques développement durable]

Le 4 août 2021, l’inaction du gouvernement en la matière a déjà fait l’objet d’une amende de 10 millions d’euros, suite au résultat insuffisant dans 5 des 13 zones visées. Une décision qui faisait suite à la condamnation de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), puisque la France a :

Dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010.

L’atteinte à la vie privée comme argument face à la CEDH

Dernièrement, la France a dû faire face à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), suite aux deux requêtes déposées par le député européen EELV, Damien Carême. Auparavant maire de Grande-Synthe (Nord), il craignait que sa commune ne soit menacée de submersion marine et accuse l’État d’inaction climatique.

En juillet 2021, la plus haute juridiction administrative avait donné raison à la commune, laissant à la France neuf mois pour « prendre toutes les mesures utiles » en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre. 
Or, la seconde requête émise au nom du député avait été déroutée, lequel a saisi la CEDH sur le fondement de l'article 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme concernant le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Ce dernier soutient que le manque d’action de la France l’impacte directement, car son domicile peut être touché par la montée des eaux. Le verdict sera rendu dans plusieurs mois, mais dans le cas où la CEDH donnerait raison au député, cet argument pourrait être étendu à tous les États du Conseil de l’Europe.

Au Figaro, Marta Torre Schaub, directrice de recherche du CNRS à l’Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne, explique que l’audience de la CEDH est la : 

Première fois que la Cour peut témoigner d'une reconnaissance des risques climatiques et s'exprimer sur de possibles mesures plus fortes à mettre en place.

Quelles sont les répercussions de l’inaction climatique française ?

Le rapport 2023 de France Stratégie présente les conséquences de l’inaction climatique française sur l’environnement, notre santé et l’économie - le dernier rapport de ce type datait de 2009. 

Sans surprise, l’inaction climatique n’a aucun effet sur le réchauffement climatique, voire contribue à l’aggravation du phénomène. Ainsi, dans les années à venir - même si certains effets apparaissent d’ores et déjà aujourd’hui - l’inaction climatique pourrait donner lieu : 

  • à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, provoquant une surmortalité. Selon les estimations de Santé Publique France, le coût cumulé entre 2015 et 2020 en France s’élève entre 16 et 30 milliards d’euros ;
  • au manque d’eau potable. À titre d’illustration, la ressource en eau renouvelable a diminué de 14 % entre la période 1990-2001 et celle de 2002 à 2018. À ce rythme, 1,78 à 10,11 % des besoins en électricité seraient insatisfaits en 2070 (les processus des centrales nucléaires nécessitant un gros volume d’eau) ;
  • à de faibles rendements agricoles - la stagnation des rendements du blé est comprise entre 30 à 70 %. Selon le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), les dommages provoqués par le changement climatique à l’horizon 2050 coûteraient un milliard d’euros chaque année ;
  • à la disparition de la biodiversité. L’étude Fonds mondial pour la nature de WWF estime que 55 % des plantes, 35 % des oiseaux et 45 % des mammifères devraient s’éteindre à l’horizon 2080 si la température continue d’augmenter ;
  • à la diminution de la surface de la forêt française - les incendies étant plus probables à cause du déficit hydrique ;
  • à l’augmentation du niveau des mers - estimée entre 14 et 25 cm pour la période 1901-2018. À l’horizon 2100, le recul du trait de côte menacerait entre 5 000 et 50 000 logements d’une valeur comprise entre 0,8 et 8 milliards d’euros ;
  • à la dégradation des infrastructures (ferroviaires, routières et les bâtiments) causée par les inondations, les submersions marines ou les glissements de terrain. Le montant moyen des réparations est estimé à 4,6 milliards d’euros par an entre 2020 et 2050 contre 2,4 milliards d’euros par an sur la période 1989-2019.

Quels sont les engagements environnementaux de la France ? 

L’implication de la France dans les événements climatiques

Au-delà d’être le pays où l’Accord de Paris - le cadre mondial d’action contre les changements climatiques actuel - a été signé par 196 Parties, la France démontre sa volonté d’agir pour l’environnement et de mobiliser la communauté internationale en organisant divers sommets, à l’image de : 

  • la cinquième édition du One Ocean Summit (s’étant tenu à Brest) ;
  • la sixième édition du One Forest Summet (co-organisé avec le Gabon) ;
  • la Conférence internationale pour un nouveau pacte financier mondial avec les pays vulnérables au réchauffement climatique (qui se tiendra du 22 et 23 juin 2023).

👉 La France est également présente aux trois plus grands événements climatiques (les COP, le sommet de la Terre et la Conférence des Nations unies sur la biodiversité).

Les politiques nationales françaises en faveur de l’environnement se multiplient

Les accusations quant à l’inaction climatique du pays ont provoqué un véritable sursaut. Plusieurs initiatives ont été lancées par le gouvernement français en vue d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris et la neutralité carbone en 2050. Quelques exemples : 

  • la loi Climat et Résilience pour accélérer la transition écologique de la société et de l’économie françaises ;
  • le plan eau mis en œuvre pour protéger cette ressource menacée ;
  • le plan France 2030 - qui incite entre autres à la réindustrialisation décarbonée du pays ;
  • la planification écologique - une méthode de gouvernance ayant pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ;
  • la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) dont l’objectif est de lutter contre le réchauffement climatique tout en renforçant notre indépendance énergétique. La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) est la feuille de route pour y parvenir ;
  • la loi énergie-climat visant à établir la politique climatique et énergétique française ;
  • la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, qui implique la transformation progressive de notre modèle de production et de consommation.
À titre d’information : pour respecter l’Accord de Paris, les émissions françaises de GES doivent être réduites de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990.

Aucun secteur économique ne semble être délaissé par les mesures écologiques, alors comment expliquer ces accusations d’inaction climatique ?

Une pancarte de manifestation d'une Terre dessinée avec l'inscription "One World"

Pourquoi les efforts français semblent-ils être infructueux ?

Malgré un fort engagement écologique, les résultats demeurent insuffisants

Même si l’implication de la France dans le domaine écologique est bel et bien de mise, certains considèrent que les efforts sont insuffisants et les dispositifs mis en place trop faibles pour faire face à l’urgence climatique actuelle. 

Pourtant, la France montre de réels efforts en matière d’éco-mobilité, d’agriculture durable ou encore des énergies renouvelables, mais il est vrai que les résultats ne semblent pas être à la hauteur de l’urgence écologique et des recommandations du GIEC.
En effet, la baisse des émissions de 2,5 % en 2022 (selon les chiffres provisoires de la Citepa) n’est pas entièrement induite par les mesures prises par le gouvernement. Si la trajectoire des émissions correspond aux objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone, c’est notamment dû au prix élevé de l’énergie et d’un hiver particulièrement doux.

À cela s’ajoute le non-respect des budgets carbone 2015-2018 qui ont depuis été rehaussés pour la période 2019-2023. 
En outre, il semblerait que le nombre grandissant de réglementations environnementales empêche les principaux acteurs à se concentrer sur l’atteinte d’un seul objectif. Selon les industriels et les politiciens, cette multiplication pourrait même « étouffer les économies européennes. »

C’est pourquoi le 11 mai dernier, le Président d’Emmanuel Macron a requis une « pause réglementaire » concernant les nouvelles mesures environnementales, de sorte que l’Europe puisse se concentrer sur l’application des lois existantes.

En clair, le gouvernement multiplie les engagements, mais ne cesse de repousser ses efforts au lieu de les intensifier. 

Poursuivre et amplifier les efforts

Malgré une législation écologique européenne considérée comme la plus ambitieuse au monde, la France est pointée du doigt pour son manque de résultats sur le long terme. En 2021, le communiqué du Conseil d’État - faisant suite à sa décision concernant la commune de Grande-Synthe - délivre des explications quant aux mauvaises performances françaises :

Le conseil d'État estime que, si des mesures supplémentaires ont bien été prises et traduisent la volonté du gouvernement d'exécuter la décision, il n'est toujours pas garanti de façon suffisamment crédible que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre puisse être effectivement respectée.

Au vu de l’ensemble des mesures environnementales prises par le gouvernement, il semble exagéré d’affirmer que la France fait preuve d’inaction climatique. Certes, les résultats demeurent insuffisants, mais les stratégies mises en place sont ambitieuses et concernent l’ensemble des secteurs économiques, les entreprises et les citoyens.

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