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International Sustainability Standards Board (ISSB) : le guide
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International Sustainability Standards Board (ISSB) : le guide

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L'ISSB vise à simplifier les indicateurs extra-financiers en les réduisant à quelques-uns, applicables à tous et compréhensibles pour les investisseurs.
ESG / RSE
2025-03-14T00:00:00.000Z
fr-fr

L’ère du simple alignement entre quelques grandes normes est révolue. Face à la prolifération des régulations, Emmanuel Faber, président de l’ISSB, plaide pour une simplification du reporting comptable. C’est dans cette logique qu’a été créée l’ISSB et, avec lui, les normes IFRS S1 et S2, offrant un cadre commun aux entreprises et aux marchés financiers. 

Mais alors que la CSRD entre en scène en Europe, quelle place pour ce nouveau référentiel dans l’écosystème foisonnant des normes ?

Que signifie ISSB ?

Les marchés financiers ont tranché : les données ESG, fondées sur des preuves, cohérentes et comparables, font cruellement défaut pour prendre des décisions éclairées. Au fil des années, plusieurs cadres et normes ont cherché à améliorer la transparence des objectifs climatiques (source : Ecoact, 2024).

Pour pallier ce manque de transparence dans le reporting extra-financier, la Fondation IFRS (International Financial Reporting Standards) a créé en 2021 l’ISSB (International Sustainability Standards Board). Cet organisme international est chargé d’élaborer des normes harmonisées sur la performance extra-financière des entreprises, destinées aux marchés financiers.

Son objectif est de fournir aux acteurs financiers des informations comparables, fiables et compréhensibles sur les risques et opportunités liés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). En s’appuyant sur les cadres existants – Integrated Reporting, CDSB, SASB et TCFD –, l’ISSB les a consolidés et enrichis pour élaborer ses propres normes de reporting extra-financier !

L’idée étant de construire un langage comptable avec des indicateurs climat, qui soit commun à tous, afin d’en finir avec les centaines d'indicateurs ESG (Emmanuel Faber, France Inter, 2024).

Qu’est-ce que l’International Financial Reporting Standards (IFRS) et quel est son lien avec l’ISSB ?

L'IFRS, ou International Financial Reporting Standards, est le référentiel comptable international en vigueur.  Son objectif est d'harmoniser la présentation des comptes et des performances financières des entreprises à l’échelle mondiale.  Créée en 2001 par la Fondation IFRS, celle-ci a également fondé l’ISSB en 2021.

Qu’est-ce l’IFRS ?

La Fondation IFRS est une organisation d’intérêt public créée pour développer des normes comptables de haute qualité, compréhensibles, applicables et acceptées à l’échelle internationale. En 2021, elle a fondé l’ISSB (International Sustainability Standards Board), avec pour mission d’établir un cadre harmonisé pour la publication d’informations financières liées à la durabilité.

L’IFRS est l'organisme qui définit les normes comptables dans plus de 140 pays du monde et a été chargé de construire un langage comptable (source : Emmanuel Faber, France Inter, 2024). 

NB : L’ISSB est une initiative soutenue par des instances internationales telles que le G7, le G20 et le Financial Stability Board (FSB), et bénéficie aujourd’hui d’un large appui à l’échelle mondiale. De plus, il collabore avec des organismes de régulation comme l’IOSCO ainsi qu’avec des juridictions majeures (UE, États-Unis, Chine, Japon) pour favoriser l’adoption de ses normes. Enfin, l’ISSB travaille avec la Global Reporting Initiative (GRI) afin de répondre aux attentes des investisseurs tout en prenant en compte celles des autres parties prenantes.

Dans cette logique, l’ISSB a dévoilé en juin 2023 deux nouvelles normes, IFRS S1 et IFRS S2, qui sont officiellement entrées en vigueur en janvier 2024. Ces nouveaux standards visent à fournir aux acteurs de marchés financiers des informations comparables et fiables sur l’impact des risques et opportunités liés au climat, notamment, sur la performance de l’entreprise.

En pratique, une entreprise qui applique le standard IFRS S1 est tenue d'appliquer le standard IFRS S2.

L’IFRS S1 : un cadre pour les risques et opportunités liés au climat

L’IFRS S1, première norme de l’ISSB, fixe un cadre global – visant à améliorer la transparence du reporting des entreprises sur l’impact des risques et opportunités du climat sur leur performance

Cette norme impose l’intégration des informations extra-financières aux états financiers classiques, en s’alignant sur l’architecture du TCFD (gouvernance, stratégie, gestion des risques, indicateurs et objectifs).

Concrètement, la norme IFRS S1 exige qu'une entreprise publie des informations sur sa gouvernance, sa stratégie et sa gestion des risques, ainsi que des objectifs mesurables, en rapport avec les risques et opportunités liés au développement durable. Selon l’ISSB, « ces quatre axes de base se veulent cohérents avec les recommandations de la TCFD (Task Force on Climate-Related Financial Disclosures) (source : (Lefebvre Dalloz, 2023).

L'IFRS S1 établit donc un cadre structuré pour la divulgation des risques et opportunités liés à la durabilité, y compris le climat, afin d'assurer une information claire et comparable pour les investisseurs.

Comment l’IFRS S2 met-elle en lumière les risques financiers ?

L’IFRS S2 établit les exigences permettant aux entreprises de divulguer leurs risques et opportunités liés au climat, en mettant l’accent sur leur impact financier et leur intégration dans la stratégie de l’entreprise. Cette norme s’appuie sur les exigences définies dans l’IFRS S1 (source : IFRS, 2023).

L’IFRS S2 est une norme qui oblige les entreprises à publier, en même temps que leurs résultats financiers, des informations sur les risques et opportunités liés à la durabilité (comme le climat, la gestion des ressources, etc.). 

Elle repose sur un principe clé : la matérialité financière. Autrement dit, seules les informations ayant un impact potentiel sur la rentabilité d’une entreprise, ses flux de trésorerie ou son coût du capital sont jugées pertinentes. Ce choix exclut de fait une approche plus large de la responsabilité environnementale et sociale de l’entreprise (IFRS, 2023).

Les risques qu’elle doit examiner peuvent être physiques (impact des conditions météorologiques extrêmes), ou liés à la transition (risques liés à l'action politique et aux changements technologiques). Les opportunités liées au climat désignent au contraire les effets positifs potentiels du changement climatique pour une entreprise, « comme la possibilité de développer de nouveaux produits ou de conquérir de nouveaux marchés » (source : Lefebvre Dalloz, 2023).

Emmanuel Faber, aux commandes de l’ISSB

Ancien PDG de Danone, Emmanuel Faber est désormais aux commandes de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), depuis 2021. Fort de son expérience en tant que directeur financier et directeur général de Danone, il ambitionne de révolutionner la comptabilité carbone en instaurant un langage universel pour mesurer les impacts environnementaux des entreprises.

À la tête de l’ISSB, Emmanuel Faber veut en finir avec la prolifération des critères ESG, trop souvent laissés au bon vouloir des entreprises. Il plaide pour un cadre harmonisé, avec quelques indicateurs communs – le tout aligné sur les marchés financiers. 

De par son expérience, il entend donc propulser des normes comparables, à la fois adaptées aux besoins des entreprises et compréhensibles pour les investisseurs – afin de mobiliser davantage de capitaux afin d’accélérer la transition écologique.

La nature n’a pas de prix au sens comptable du terme, car son cadre échappe au langage économique traditionnel. L’enjeu est donc de l’intégrer, ou du moins de créer un langage commun pour tous [...]. Il s’agit de définir un cadre qui serve à la fois d’adaptateur entre les politiques et les marchés financiers et de levier de transformation, afin de mobiliser les ressources nécessaires pour relever le défi climatique (source : Emmanuel Faber, France Inter, 2024).

Grâce à un langage commun, les acteurs financiers pourraient prendre de meilleures décisions et orienter les fonds nécessaires à la transition. À noter que ces normes sont encore en cours d’homologation et ne sont pas obligatoires pour les entreprises.

Cependant, dans un paysage déjà marqué par une prolifération de normes, l’ajout d’un nouveau cadre soulève une question : apportera-t-il une réelle évolution ou ne fera-t-il que s’ajouter à l’existant – sans pour autant infléchir la quête de rentabilité des actionnaires ?

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Personne (Emmanuel Faber) parlant dans un micro

L’ISSB : un standard pour qui ? 

Dans un monde où la complexité des opérations financières devient de plus en plus vertigineuse, la comptabilité fournit les bases de la confiance sur laquelle reposent les marchés de capitaux. Quand on ne peut plus se fier aux données financières, tout l'édifice des marchés est menacé. La question n'est alors plus seulement de savoir si les règles comptables sont correctement appliquées, mais également, et de plus en plus, si ces règles elles-mêmes sont pertinentes (Cairn, 2007). 

La principale critique adressée à l’ISSB est qu’il adopte une approche centrée sur la valorisation du capital pour les actionnaires et tend à diminuer la responsabilité environnementale des entreprises. 

L’ISSB fait reposer ses choix sur une raison fondamentale : les besoins des investisseurs. Cet organisme semble ainsi connaître parfaitement ces fameux "besoins", qui reposeraient sur une seule préoccupation, apparemment, celle de la maximisation de la valeur financière des investissements (source : Novethic, 2024).

Un autre point d’ombre concerne la manière dont l’ISSB appréhende les impacts des entreprises sur le climat. Là ou la CSRD introduit le principe de double matérialité, l’ISSB adopte une vision centrée sur la matérialité financière. Autrement dit, elle se focalise uniquement sur les risques et opportunités que ces enjeux représentent pour la performance économique des entreprises. Comme l’explique Alexandre Rambaud, enseignant-chercheur spécialisé en comptabilité financière et écologique :

La nature (à commencer par le climat, seul milieu naturel abordé pour l'instant par l'ISSB) est représentée par le biais des services qu'elle procure aux entreprises, et en fait aux actionnaires, en termes de gains ou de risques sur la productivité (la valeur actionnariale) (source : Alexandre Rambaud, LinkedIn, 2023).

En ce sens, la nature – et en particulier le climat – n’est envisagée qu’au prisme de son impact sur la performance financière des entreprises, et donc sur la valeur actionnariale. En d’autres termes, une pollution, une atteinte à la biodiversité ou des pratiques sociales discutables ne seraient considérées problématiques que si elles représentent un risque financier.

L’entreprise n’a ainsi aucune responsabilité explicite vis-à-vis de l’environnement. De plus, aucun autre enjeu écologique, comme la biodiversité, n’est pris en compte. En réduisant la nature à un simple facteur de risque financier, l’ISSB pourrait ainsi limiter la portée de la responsabilité des entreprises sur leur impact environnemental.

Si Emmanuel Faber assure que tous les impacts, y compris le scope 3, seront pris en compte, une limite fondamentale subsiste (source : Emmanuel Faber, France Inter, 2024). La réduction de l’impact carbone d’une entreprise ne deviendra une priorité que si elle influe directement sur la rentabilité ou la perception des investisseurs. 

Dès lors, l’impératif environnemental risque d’être relégué au second plan, éclipsé par les exigences des marchés financiers.

Bibliographie

An introduction to ISSB’s new International Sustainability Disclosure Standards (IFRS SDS), Ecoact, 2024, https://eco-act.com/blog/issb-disclosure-standards/

Histoire et déboires possibles des normes comptables internationales, Cairn, 2007, https://shs.cairn.info/revue-l-economie-politique-2007-4-page-92?lang=fr

Emmanuel Faber, président de l'ISSB, est l'invité de "On n'arrête pas l'éco", Emmanuel Faber, France Inter, 2024, https://www.youtube.com/watch?v=9DJssOxgiOM

Si l'International Sustainability Standards Board (ISSB), présidé par Emmanuel Faber gagne, l’Europe perdra de son poids dans l’économie du futur, Alexandre Rambaud, LinkedIn, 2023, https://www.linkedin.com/pulse/si-linternational-sustainability-standards-board-issb-rambaud/

L'ISSB s'attaque au capital humain et à la biodiversité... mais toujours pas aux intérêts financiers non durables, Novethic, 2024

https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/issb-interets-financiers-peu-durables-capital-humain-biodiversite

L’ISSB publie ses deux premières normes de durabilité, S1 et S2, Lefebvre Dalloz, 2023, https://formation.lefebvre-dalloz.fr/actualite/lissb-publie-ses-deux-premieres-normes-de-durabilite-s1-et-s2

An in-depth explainer: IFRS S1 General Requirements for Disclosure of Sustainability-related Financial Information, IFRS, 2023, https://www.ifrs.org/content/ifrs/home/supporting-implementation/supporting-materials-for-ifrs-sustainability-disclosure-standards/ifrs-s1/an-in-depth-explainer-ifrs-s1.html

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