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Suppression des vols intérieurs en France : est-ce efficace ?
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Suppression des vols intérieurs en France : est-ce efficace ?

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avion en plein vol
L'impact est non négligeable puisque selon la Base Carbone® de l'ADEME, un avion court-courrier émet 0,258 kg de CO₂e par passager et par km. Mais...
Écologie
2025-07-11T00:00:00.000Z
fr-fr

En 2023, la France est devenue le premier pays au monde à interdire certains vols intérieurs pour des raisons purement écologiques. Une mesure qualifiée d’historique, avec un impact non négligeable : selon la Base Carbone® de l’ADEME, un avion court-courrier émet 0,258 kg de CO₂e par passager et par kilomètre.

Mais la réalité est plus nuancée : l’interdiction ne concerne que 3 liaisons sur 108, soit à peine 0,01 % des émissions nationales. Elle crée aussi une inégalité flagrante entre voyageurs contraints de prendre des trains toujours plus chers et usagers de jets privés, qui continuent de voler sans aucune restriction — alors que ces vols sont bien plus polluants.

La France a-t-elle arrêté ses vols intérieurs ?

Non, la France n’a pas totalement arrêté ses vols intérieurs. La loi entrée en vigueur en 2023 interdit seulement trois liaisons aériennes, lorsque le train propose une alternative directe en moins de 2h30.

Quel est le contenu du décret n° 2023-385 ?

En France, c’est le décret n° 2023-385 publié au Journal Officiel du 23 mai 2023 qui a officiellement acté la suppression de certains vols intérieurs. Le décret s’applique ainsi pendant trois ans. Une évaluation sera effectuée par le ministre de l’aviation civile, 24 mois après son entrée en vigueur. Cette mesure faisait partie des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat retenues par le gouvernement et inscrites dans la loi Climat et Résilience de 2021. Sa mise en application a ensuite été validée en décembre 2022 par la Commission européenne, la consultation du public et le Conseil d’État. 

En fait, l’adoption de cette mesure est fondée sur l’article 20 du Règlement n° 1008/2008 européen sur les services aériens stipulant que « lorsqu’il existe des problèmes graves en matière d’environnement », un État membre peut : 

Limiter ou refuser l’exercice des droits de trafic, notamment lorsque d’autres modes de transport fournissent un service satisfaisant (source : Article 20 du Règlement n° 1008/2008). 

La Convention citoyenne pour le climat proposait de supprimer les vols pour lesquels une alternative bas-carbone de moins de 4 heures existe, soit 22 lignes. Mais selon l’article 1 du décret n° 2023-385, seuls trois vols réguliers sont finalement interdits. Cette restriction s’applique à toutes les compagnies opérant en France, sur les liaisons suivantes : 

  1. Paris Orly-Nantes (100 000 passagers) ;
  2. Paris Orly-Lyon (150 000 passagers) ;
  3. Paris Orly-Bordeaux (près de 600 000 passagers).
Paris Orly-Nantes
100 000 passagers
Paris Orly-Lyon
150 000 passagers
Paris Orly-Bordeaux
Près de 600 000 passagers
🌫️
Atmosphère
Dioxyde de carbone (95,3%)
🎈
Pression
0,6 % de celle de la Terre
🌑
Lunes
2 (Phobos et Déimos)
🚩À noter ! Les liaisons entre les villes de Lyon-Paris Charles-de-Gaulle, Rennes-Paris Charles-de-Gaulle et Lyon-Marseille pourraient être concernées par ce décret si le réseau ferroviaire faisait l’objet d’une modernisation.

En effet, ces lignes de train ne respectent pas encore le dernier critère : assurer des trajets tôt le matin et tard le soir. 

Pour que l’alternative ferroviaire soit jugée valable, les conditions suivantes doivent être remplies :

  • la liaison doit relier des gares desservant les mêmes villes que les aéroports concernés ;
  • le trajet doit s’effectuer sans changement de train entre la gare de départ et celle d’arrivée ;
  • plusieurs trains doivent circuler chaque jour, « y compris au regard du caractère abordable des tarifs du transport ferroviaire de substitution » (source : Code des transports - Article R6412-21) ;
  • des départs doivent être proposés tôt le matin et tard le soir, afin de permettre aux voyageurs de rester plus de huit heures sur place, et ce toute l’année.

Quels vols intérieurs sont-ils encore autorisés en France ?

Tout d'abord, les liaisons vers l’Outre-mer et la Corse ne sont pas concernées par l'interdiction. 

Malgré l’interdiction, plus d’une centaine de liaisons demeurent accessibles, étant donné qu'il n'existe pas de substitut ferroviaire direct en dessous de 2h30. C'est notamment le cas pour les trajets suivants : Paris-Nice, Lyon-Toulouse, Paris-Marseille, Strasbourg-Toulouse, Paris-Strasbourg, etc…

🚩À noter ! Les liaisons Paris-Charles de Gaulle-Bordeaux et Paris-Charles de Gaulle-Nantes ont obtenu une dérogation pour les trois prochaines années, du fait d’un trajet ferroviaire supérieur à 2h30 pour rejoindre la gare de l’aéroport (3h30 et 3h).

Pourquoi cette interdiction est-elle une première mondiale ? 

La France devient le premier pays au monde à interdire certains vols intérieurs pour des raisons écologiques. En effet, l’empreinte carbone d’un avion court courrier est beaucoup plus importante qu’un vol long courrier. Le transport aérien domestique est la configuration la plus polluante en termes d'émissions par kilomètre/passager : 

  • ❌une consommation d'énergie élevée sur une courte distance, 
  • ❌un rendement faible 
  • ❌et une forte influence des traînées.

C’est une première mondiale, car cette mesure crée un précédent, c’est-à-dire une première fois historique qui pourrait inspirer d’autres pays à faire pareil – et transforme une recommandation écologique en obligation légale contraignante.

💡Quelle était la proposition initiale de la convention citoyenne ?Il est important de souligner que, malgré le fait que cette interdiction soit considérée comme une victoire et un premier pas au niveau mondial, la proposition initiale de la Convention citoyenne pour le climat – qui regroupait 150 citoyens tirés au sort – plaidait pour l'arrêt des vols intérieurs dès qu'une alternative ferroviaire de 4 heures est disponible. La proposition adoptée par l'assemblée a donc été dénuée de son contenu, puisqu'elle se rapporte à 5 000 voyages par an sur les 200 000 effectués dans le pays (source : Le Monde, 2023).

Quelles sont les dérogations au fait de voler de courte distance ?

Plusieurs dérogations au fait de prendre l’avion sur de courtes distances existent, ce qui rend cette mesure moins efficace, pour plusieurs raisons : 

Vol en correspondance
Elle ne concerne pas les vols en correspondance. Les compagnies aériennes peuvent donc très bien contourner l’interdiction en continuant de proposer des vols Paris Orly-Nantes, Paris Orly-Lyon et Paris Orly-Bordeaux avec une correspondance à Toulouse ou à Nice, par exemple.
Vol en jet privé
Loin d'être interdits, les vols en jets privés échappent pour l'instant aux mesures d'encadrement du trafic aérien en France. À noter que les émissions de ce secteur ont augmenté de 46% entre 2019 et 2023. Près de la moitié des vols couvrent moins de 500 km, et 5 %… moins de 50 km (Le Monde, 2024) !
Vols non commerciaux
Les vols militaires, médicaux (évacuations sanitaires, etc.), de secours ou de sécurité publique (ex : lutte contre les incendies), de maintenance technique d’aéronefs et les vols d’entraînement de pilotes ou de tests techniques ne sont pas concernés.
Motifs impérieux
Si une liaison ferroviaire est momentanément interrompue (catastrophe naturelle, panne majeure, etc.), l’interdiction peut être suspendue temporairement.

En tenant compte de ces exceptions, il devient évident que l'interdiction des vols de courte distance soulève réellement plusieurs enjeux d'équité sociale et d'efficacité écologique.

Quelle est l’efficacité de la mesure de suppression du transport domestique ?

La suppression de ces trois liaisons devait permettre le développement des transports bas-carbone, à améliorer la maintenance du réseau ferroviaire français et aussi à encourager une réduction du coût des billets. Alors qu’en est-il réellement ?

Supprimer les vols intérieurs : un choix socialement juste ?

Cette mesure crée une inégalité de traitement flagrante entre différentes catégories de voyageurs.

Bien que les voyageurs ordinaires soient désormais exclus des vols sur ces trajets, les utilisateurs de jets privés continuent de voyager sans restriction en jet privé. Simultanément, aucune initiative n'a été mise en place pour rendre l’alternative ferroviaire plus accessible. Au contraire, et de façon concomitante, le tarif des billets de TGV a quasiment grimpé de 10 % en deux ans (Le Monde, 2025) – et la vétusté des installations entraîne toujours des retards et incidents en cascade.

Une décision donc intrinsèquement inéquitable, où les individus les plus vulnérables, qui se déplacent par obligation, devront payer davantage.

À l’inverse, ceux qui ont une situation financière plus confortable, et qui voyagent surtout pour leur plaisir, ne verront quasiment pas leur quotidien affecté.

Cette différence est particulièrement choquante quand on sait que les jets privés émettent 5 à 14 fois plus d’émission de gaz à effet de serre par passager qu'un vol commercial classique (Carbone 4).
🚩À noter ! L'interdiction pèse aussi davantage sur les personnes ayant des contraintes de mobilité spécifiques (personnes handicapées, malades, ou avec des bagages lourds pour des raisons professionnelles) qui peuvent difficilement utiliser le train sur de longues distances.

La suppression des vols est-elle une mesure utile pour l’environnement ?

Cette interdiction, motivée par l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique, ne présente qu’un effet très limité puisqu’un vol intérieur en France sur quarante est concerné (source : seban avocats, 2025).

En 2019, les vols intérieurs français étaient à l’origine de 4,8 millions de tonnes de CO₂eq., soit 4 % des émissions du secteur des transports – près de deux fois moins sans la prise en compte des vols vers l’Outre-mer (Commissariat Général au Développement Durable, 2022).

La mesure d’interdiction actuelle ne concerne que 5 000 vols sur 200 000, soit environ 2,6 % des émissions des vols intérieurs, ce qui correspond à une réduction de seulement 0,01 % des émissions nationales. Son effet climatique reste donc extrêmement limité.

De plus, en France, les émissions de CO₂eq. liées aux vols intérieurs ont augmenté de 4% en 2024 par rapport à l'année précédente, atteignant 21,2 millions de tonnes de  CO₂eq. (transport environ.org, 2025).

Finalement, cette interdiction ne concerne qu'une fraction des vols courts et risque de créer des effets de report vers d'autres moyens de transport moins efficaces ou vers des itinéraires aériens plus polluants. Bien que cette mesure soit louable, elle s’inscrit dans ce qu’on appelle la politique « des petits pas », qui désigne des actions symboliques ou limitées, dont l’impact réel sur les émissions reste faible, et qui évitent de s’attaquer aux causes profondes du problème.

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Comment réduire davantage l’impact des vols intérieurs ?

Le rapport de l’association Réseau Action Climat avait étudié la question dans son document intitulé « Climat : que vaut le plan du gouvernement pour l’aérien ? » (2020). Selon l’association, les lignes intérieures les plus émettrices en France sont les suivantes : 

  • Paris-Nice (218 KT CO₂eq.) ;
  • Paris-Toulouse (215 KT CO₂eq.) ;
  • Paris-Marseille (133 KT CO₂eq.) ;
  • Paris-Bordeaux (110 KT CO₂eq.) ;
  • Paris-Montpellier (65 KT CO₂eq.). 

Une seule ligne est donc concernée par la décision du gouvernement.

💡Quelle aurait donc été une mesure efficace ?Selon le Réseau Action Climat, le gouvernement aurait pu réduire bien plus fortement les émissions de CO₂eq. des vols intérieurs s’il avait supprimé toutes les liaisons pour lesquelles une alternative ferroviaire de moins de 5 heures existe. Cette mesure aurait concerné 39 lignes et permis une baisse de 60,6 % des émissions des vols métropolitains, soit 4,5 % des émissions de l’ensemble des vols au départ de la France. En étendant ce critère aux trajets en train de moins de 6 heures, la réduction aurait même pu atteindre 83,5 % pour les vols métropolitains et 6,2 % pour l’ensemble des vols au départ de France.

Au-delà de la suppression des vols intérieurs, le Réseau Action Climat propose : 

  • ❌de renforcer le maillage ferroviaire en vue de relancer le train de nuit. Cela permettrait de gagner une importante part de marché sur des lignes radiales, transversales et intra-européennes pour élargir le champ de la fermeture des vols aux niveaux français et européens ;
  • ❌d’abandonner les projets d’extension d’aéroports ;
  • ❌de durcir la fiscalité du secteur aérien.

Ainsi, une approche plus équitable et efficace pourrait inclure une taxation progressive du carbone aérien qui toucherait tous les vols sans exception, avec des tarifs dégressifs selon les revenus pour préserver l'accessibilité sociale et permettre de développer les mobilités douces.

Bibliographie 

Transport aérien : les émissions de CO2 des vols intérieurs bientôt compensées, Commissariat Général au Développement Durable, 2022, https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/transport-aerien-les-emissions-de-co2-des-vols-interieurs-bientot-compensees

Vols intérieurs courts : quel avenir, seban avocats, 2025, https://www.seban-associes.avocat.fr/vols-interieurs-courts-quel-avenir/

RÈGLEMENT (CE) No 1008/2008 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL, Article 20 du Règlement n° 1008/2008, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32008R1008

Code des transports - Article R6412-21, Légifrance, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000048324552

L’interdiction des vols intérieurs courts en France, une mesure vidée de sa substance, Le Monde, 2023, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/05/24/l-interdiction-des-vols-interieurs-courts-en-france-une-mesure-videe-de-sa-substance_6174641_4355770.html

Les idées reçues sur l'aviation et le climat, Carbone 4, https://www.carbone4.com/analyse-faq-aviation-climat

« SNCF : quand les prix déraillent ! », sur France 2 : une augmentation de tarif à grande vitesse, Le Monde, 2025, https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/02/13/sncf-quand-les-prix-deraillent-sur-france-2-une-augmentation-de-tarif-a-grande-vitesse_6545414_3246.html

L’aviation européenne émet presque autant de CO2 qu’avant le Covid, transport environ.org, 2025, https://www.transportenvironment.org/te-france/articles/laviation-europeenne-emet-presque-autant-de-co2-quavant-le-covid

Pourquoi le kérosène des avions n'est pas taxé et n' …, L'Usine Nouvelle, 2018, https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-le-kerosene-des-avions-n-est-pas-taxe-et-n-est-pas-pres-de-l-etre.N781264