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Solastalgie, éco-anxiété : quand la planète nous rend malades, que faire ? 
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Blog > Écologie > Solastalgie, éco-anxiété : quand la planète nous rend malades, que faire ? 

Solastalgie, éco-anxiété : quand la planète nous rend malades, que faire ? 

ÉcologieRéchauffement climatique
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Pour certains, le changement climatique fait souffler une menace bel et bien réelle, leur causant des troubles anxieux, voire carrément dépressifs.
Écologie
2024-09-20T00:00:00.000Z
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“Je ressentais une angoisse comme si on me disait qu’il y aurait un tsunami chez moi dans deux semaines”. Ce témoignage, c’est celui de Cindy, une éco-anxieuse qui se soigne. 8 Français sur 10 se disent inquiets face au changement climatique, et pour certains, le changement climatique fait souffler une menace bel et bien réelle, leur causant des troubles anxieux, voire carrément dépressifs. Mais qui sont ces individus touchés par ces maux ? Et quels sont les ressorts de celles et ceux qui parviennent à dépasser leur éco-anxiété ?

Cindy a 27 ans, et éprouve depuis son plus jeune âge une forte sensibilité à l’égard des sujets environnementaux. “Toutefois, il m’a fallu du temps pour comprendre que je pouvais jouer un rôle, à mon échelle”, nous confie-t-elle. À peine sortie du lycée, elle se dirige donc vers des études d’ingénierie automobile. “Dans mon esprit, je me disais qu’on aurait toujours besoin de voiture. Je ne voyais pas la relation entre mon métier et son impact écologique”, reconnaît-elle. Mais en pleine crise du Covid, après une année passée dans l’industrie du sport automobile, la jeune femme commence à éprouver une forte dissonance.

Pétrifiée par son inaction, elle partage ses angoisses à son entourage, et devient rapidement “l’écolo de la bande”, ce qui lui vaut un isolement grandissant. “Je me disais : “ils n’ont rien compris” ! Car personnellement, je ressentais une angoisse concrète, à court terme, comme si on me disait qu’il y aurait un tsunami chez moi dans deux semaines. Je m’inquiétais de la baisse des rendements agricoles ou encore des méga feux, pas forcément pour moi en premier lieu, mais pour toutes les populations amenées à souffrir”, poursuit-elle.
une main dans l'obscurité

“À la différence de bien des sources de stress, l’éco-anxiété concerne le monde réel”

Si elle ne pose pas tout de suite un mot sur ses maux - notons d’ailleurs que le terme “éco-anxiété” a fait son entrée dans le Robert en 2023 seulement - Cindy en présente toutes les caractéristiques. “À la différence de bien des sources de stress, l’éco-anxiété concerne le monde réel”, pointe Élodie Georges, spécialisée en neuropsychologie, et co-autrice de l’ouvrage “Dépasser son éco-anxiété” (éd. Eyrolles) aux côtés du Dr Arnaud Gauthier, médecin biologiste engagé dans la promotion de la nature et de l’humain, au travers, entre autres, des Scouts et Guides de France. Au quotidien, la psychologue accompagne de nombreux “éco-anxieux”, quand bien même ce trouble n’est pas répertorié dans les tableaux cliniques du classement international des maladies (CIM) géré par l’OMS.

Elle nous décrit l’éco-anxiété comme un état émotionnel de stress chronique et d’inquiétude qui aboutit à un continuum de symptômes pouvant altérer la santé physique (troubles du sommeil, de l’alimentation, de la concentration…), mais aussi mentale (idées noires, culpabilité, honte, hypervigilance…). “Cela peut démarrer par des pensées intrusives pour aller jusqu’à un isolement social et des symptômes dépressifs, notamment quand il existe déjà un terrain anxieux. Ceux qui ont plus de ressources mentales vont plutôt ressentir de la colère et être davantage poussés vers l’action. Cela peut d’ailleurs finir par déboucher sur un burnout, assez fréquent chez les militants”, affirme-t-elle. 

Dans tous les cas, quel que soit le point de départ, l’éco-anxiété est loin d’être un sujet léger. C’est ce qui a saisi la Coach et DRH Léna Basile quand elle a animé une Fresque du Facteur Humain sur ce thème via l’application “Ma petite planète”. “J’ai été frappée par la lourdeur du sujet, notamment le cas d’une jeune maman qui pleurait après avoir donné un bain à sa fille de 9 mois, et culpabilisait dans le même temps de ne pas réussir à profiter de ce moment de vie avec son bébé. D’autres se refusaient à manger de la viande ou à voyager, tiraillés entre leurs émotions, leurs envies et leurs convictions”, se souvient-elle. 

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screenshot de YouTube

Il n’y a pas que la jeunesse citadine qui vacille

Des symptômes envahissants qu’on associe volontiers à la jeunesse, d’autant que les travaux à ce sujet attestent de cette sensibilité particulière chez la gén Z.

Une étude universitaire internationale publiée dans le Lancet Planetary Health en 2021 indique que 59 % des 16-25 ans sont extrêmement préoccupés par le changement climatique. 45 % disent que ces émotions affectent négativement leur vie quotidienne, 56 % pensent que l’humanité est condamnée, et 58 % pensent que le gouvernement les trahit, eux et les générations futures.

“Toutefois, il ne faut pas croire que l’éco-anxiété ne touche que les jeunes citadins. Celle-ci affecte différentes tranches d’âge”, pointe Arnaud Gauthier. “J’ai reçu une fillette de 8 ans qui avait des crises de panique à l’annonce des canicules, un ado de 12 ans souffrant d’un trouble anxio-dépressif refusant d’aller à l’école parce de toutes façons, la planète est fichue, mais aussi des trentenaires ou quadras qui s'inquiètent du monde qu’ils laissent à leurs enfants (ou choisissent de ne pas en avoir), et pas seulement en termes de crise écologique”, renchérit Élodie Georges. 

Autre fait intéressant, l’éco-anxiété touche tous les milieux sociaux, comme nous l’explique le Dr Arnaud Gauthier : “selon la satisfaction de leurs besoins primaires (la fameuse pyramide de Maslow), les éco-anxieux vont être confrontés au sujet de manière différente”.

Typiquement les CSP+ vont s’abreuver d’informations durant leur temps libre, ce qui contribue à augmenter leur niveau de stress, tandis que les CSP- vont être immédiatement confrontés au déréglement climatique (par exemple la chaleur suffocante d’un logement non climatisé, des sinistres dans un logement après une inondation). 

Quand le travail aide à retrouver du sens

Pour trouver la voie de la rédemption (car la culpabilité est souvent extrême chez les éco-anxieux), l’une des solutions : l’action. C’est le chemin emprunté par Cindy qui a révolutionné plusieurs pans de sa vie. Elle habite à la campagne, dans un village en Normandie. Son alimentation provient de petits producteurs, et elle s’est créé un réseau solidaire. Mais surtout, elle a opéré une reconversion professionnelle pour quitter le sport automobile.

“On passe 8H par jour au travail. C’est invivable si l’on n’est pas aligné”, affirme-t-elle. Désormais, Cindy est experte climat pour Greenly. “Je puise beaucoup de sens au quotidien en accompagnant des clients désireux de changer, des clients avec qui je co-construis des plans pour diminuer leur Bilan Carbone®. C’est incroyable d’avoir des collègues qui partagent les mêmes convictions que soi. Car selon moi, l’isolement est le plus difficile à vivre. Il faut vraiment s’entourer”, poursuit-elle.

Pour d’autres éco-anxieux, le passage à l’action se matérialisera par un travail physique, à l’image de Clément, un patient vingtenaire que l’on suit tout au long de l’ouvrage d’Élodie Georges et Arnaud Gauthier. Après un cursus classique en management, il a tout plaqué pour se former à l’éco-construction.

Après s’être cherché, c’est en rénovant des bâtiments avec des techniques anciennes qu’il a retrouvé du sens et la sérénité.  Pour ce faire, Clément a entrepris un travail sur lui-même en expérimentant des outils tels que la défusion des pensées (il a appris à être observateur de ses pensées et à prendre du recul sur ce que son cerveau lui dit). De plus, il est parvenu à calmer ses attaques de panique grâce aux techniques de respiration, plus précisément la cohérence cardiaque.

“Il a appris à identifier les émotions et les réactions qui correspondent à certaines sensations corporelles. C'est une étape essentielle avant de pouvoir lâcher prise. Ceci lui a permis de  vivre différemment ses émotions pour pouvoir agir de façon concrète”, explique Elodie Georges.

Mais comment faire quand on se sent paralysé ?

“Cindy et Clément sont deux jeunes qui disposaient des ressources nécessaires pour aller au-devant de leurs difficultés et opérer un travail personnel tout seuls. Mais ce n’est pas donné à tout le monde”, pointe le Dr Arnaud Gauthier. Avec Élodie Georges, il propose donc de s’armer d’outils thérapeutiques.

La thérapie de l’ACT (Acceptation et engagement)

 Celle-ci passe par trois phases : 

  1. Accepter ses pensées et travailler le lâcher prise, notamment en revenant au corps et à son ressenti.
  2. Définir nos valeurs, ce qui nous connecte au plus profond de nous.
  3. S’engager en entamant des actions en accord avec ces valeurs. Par exemple, quitter un bullshit job, se constituer un réseau de personnes avec lesquelles on est sur la même longueur d’ondes.

“C’est un travail holistique, sur tous les pans de la vie. Car contrairement à certains troubles anxieux qui se portent sur un objet spécifique, l’éco-anxiété touche l’objet monde”, précise le médecin. De son côté, la psychologue insiste sur l’importance de la nuance dans ce travail intérieur. “Il ne s’agit pas d’éviter cette peur, car celle-ci refera surface, comme lors de la sortie du prochain rapport du GIEC. L’idée est plutôt d’élaborer avec elle, de faire en sorte que cette peur ne soit plus envahissante mais plutôt une source d’énergie. La peur peut être saine quand le niveau de stress n’est pas trop élevé et que l’on arrive à se connecter à ses valeurs”, affirme-t-elle.


Le bilan comptable

Cet exercice permet d’analyser les comportements d’évitement mis en place pour gérer les pensées anxieuses ou négatives sur l’éco-anxiété.

Il s’agit d’habitudes, comportements et réponses comme « J’évite d’aborder le sujet avec les autres», « Je regarde des séries pour éteindre mon cerveau», « J’évite de regarder dans quelles associations je pourrais m’investir, car cela me confronte à une réalité angoissante.» « Je ne démarre pas de nouveau projet car cela me confronterait à ma peur de l’effondrement, et penser à l’avenir réveille ma crainte concernant la fin du monde», « Je ne me mets pas en couple, car l’autre souhaiterait peut-être des enfants, et je ne me sens pas capable de les accompagner dans le monde tel qu’il est »…

Le bilan comptable permet ensuite d’identifier le coût que ces stratégies représentent dans le fonctionnement quotidien de l’éco-anxieux. “En effet, elles puisent dans notre énergie, demandent du temps, abîment parfois l’image de soi et peuvent renforcer certaines émotions douloureuses”, précisent les auteurs. Par coût, les experts entendent le temps que ces stratégies absorbent, comment cela affecte le budget financier et l’estime de soi, et ce que cela induit sur la santé (sommeil, alimentation, activité physique, etc.).

L’exercice d’autorisation

Une fois ce travail effectué, la psychologue et le médecin proposent un exercice d’autorisation, soit une manière de s’accorder une marge de tolérance, une preuve de bienveillance envers soi-même. Le concept d’autorisation est souvent utilisé dans le contexte de l’estime de soi et de l’autocompassion.

Comment ? 

Écrivez ici trois autorisations que vous vous donnez pour le mois à venir. Se donner une autorisation signifie s’accorder à soi-même le droit de faire ou de ne pas faire quelque chose ou encore de ressentir quelque chose, sans se juger ni se critiquer pour cela. Cela peut inclure des actions telles que prendre du temps pour soi, dire non à quelque chose qui ne nous convient pas ou se donner la permission d’exprimer ses émotions sans crainte de jugement. Il est important de noter que se donner une autorisation ne signifie pas faire ce que l’on veut, sans tenir compte des autres ou des conséquences de ses actions. Cela signifie plutôt s’accorder la permission de prendre soin de ses propres besoins et de respecter ses propres limites tout en agissant de manière responsable envers soi-même et les autres.

Cindy nous livre un bon exemple de ces “autorisations” : si elle voyage en train, elle s’autorise parfois quelques écarts, comme un voyage en Australie. “Je n’avais pas pris l’avion depuis 2016 et je ne le ferai pas avant longtemps, mais j’ai opéré mon choix en conscience comme je suis maintenant très au fait de ma comptabilité carbone, sans culpabiliser”, affirme-t-elle.

Seul point de vigilance selon nos deux experts : ne pas tomber dans une comptabilité permanente de chacun de ses actes qui pourrait finir par faire exploser la charge mentale au quotidien.

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“J’ai fini par dépasser mon éco-anxiété”

Aujourd’hui, Cindy estime avoir dépassé son éco-anxiété grâce à sa reconversion professionnelle, ou encore son engagement très actif pour Team for the Planet durant deux années.

“De plus, j’ai largement décarboné mon mode de vie  : télétravail, nourriture végétarienne, remplacement de ma chaudière au fioul par une pompe à chaleur, chauffage à 18 °C, nourriture biologique à 100 % et locale à 80 %, vêtements et livres d'occasion uniquement, etc.”, illustre-t-elle.

L’autre aspect central pour la jeune femme a été de s'entourer de personnes qui lui ressemblent et ont les mêmes habitudes : “dans mon entourage proche, les repas sont végétariens naturellement, on suit les mêmes actualités (Vert, Reporterre, etc.), et surtout, on a les mêmes valeurs. Se sentir entourée, cela change vraiment la donne pour apaiser son anxiété”, conclut-elle.

  1. Rapport annuel du Conseil économique social et environnemental (CESE) sur l’état de la France (octobre 2023).
  2. Hickman Caroline, Marks Elizabeth, Pihkala Panu, Clayton Susan, Lewandowski Eric, Mayall Elouise E., Wray Britt, Mellor Catriona, van Susteren Lise, « Climate Anxiety in Children and Young People and Their Beliefs About Government Responses to Climate Change: A Global Survey », The Lancet, vol. 5, décembre 2021.

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