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Ce que représente exactement l'accord UE-Mercosur
Ses bénéfices et ses risques
Pourquoi la question du lithium est centrale dans cette affaire
Dans les tuyaux pendant une vingtaine d'années, l’accord UE-Mercosur a fait couler beaucoup d'encre : finalement conclu en 2019, sa ratification a eu lieu le 6 décembre 2024, au terme d’une interminable querelle entre les États membres de l’Union européenne.
Aux avant-postes de la gronde, la France a d’ailleurs vu ses propres agriculteurs manifester contre cet accord de libre-échange avec une partie de l'Amérique latine (après une première crise survenue en janvier 2024).
Et pourtant : si d’autres pays ont exprimé leurs réticences, force est de constater que ce sentiment était loin de faire l’unanimité sur le Vieux Continent.
L’accord UE-Mercosur est un accord de libre-échange.
Pour rappel, le libre-échange est le modèle qui s’oppose au protectionnisme. Conformément à la définition du Larousse, le libre-échange est donc un “système économique dans lequel aucun obstacle douanier, fiscal ou réglementaire ne vient freiner les échanges commerciaux entre États (...)”.
En l’espèce, le Mercosur constituait déjà “un espace de libre circulation des biens et des services en Amérique latine”. Cinq pays font partie de cet espace : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie.
Le Mercosur a été institué par le traité d’Asunción, signé le 26 mars 1991. Il représente plus de 80 % du PIB sud-américain.
Loin d’être anecdotique, l’accord UE-Mercosur concerne quant à lui plus de 750 millions de consommateurs et compte pour un cinquième de l’économie mondiale.
Signé le 28 juin 2019, ce texte a toutefois connu un parcours plus que chaotique.
Il ne faut pas confondre signature et ratification. Comme le précise le glossaire des Nations Unies, une signature sous réserve de ratification (comme c'est le cas ici) "n'établit pas le consentement à être lié. Elle constitue cependant un moyen d'authentifier le traité et exprime la volonté de l'État signataire de poursuivre la procédure dont le but est la conclusion du traité. La signature donne à l'État signataire qualité pour ratifier, accepter ou approuver". A contrario, la ratification "désigne l'acte international par lequel un État indique son consentement à être lié par un traité".

Les objectifs de l’accord UE-Mercosur peuvent être synthétisés en deux catégories :
L’un des principaux objectifs de l’accord UE-Mercosur est d’accroître les flux commerciaux entre les deux blocs.
En vérité, l’Union européenne était déjà le deuxième partenaire commercial du Mercosur - juste derrière la Chine. En 2019, le journal Le Parisien rapportait que l’UE et le Mercosur échangeaient 88 milliards d’euros de biens par an. Du côté des services, la Commission européenne estimait, à cette même époque, que le montant de ces échanges annuels s'élevait à 34 milliards d’euros.
L’accord UE-Mercosur prévoit une suppression progressive des droits de douane sur :
Or, une telle réduction des barrières tarifaires pourrait générer un gain économique de 4 milliards d’euros pour les entreprises européennes.
D’un côté comme de l’autre, l’accord UE-Mercosur présente un attrait non-négligeable au regard des caractéristiques des marchés auxquels chacune des parties obtient plus facilement accès.
Pour les entreprises européennes, par exemple, le Mercosur représente un véritable concentré de marchés en pleine expansion. Pour les entreprises sud-américaines, le marché européen attire de par son potentiel en termes de pouvoir d’achat.
Enfin, l’accord UE-Mercosur permet aux deux blocs concernés de diversifier les exportations et les importations sur différentes catégories de produits.
Un aspect devenu essentiel pour de nombreux États, depuis que la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont mis en exergue les risques associés à la dépendance vis-à-vis d’une source d’approvisionnement unique.
L’une des principales critiques adressées à l’accord tient à la question environnementale.
D’une part, beaucoup craignent que la signature d’un tel accord encourage l’expansion des terres cultivables au détriment des forêts tropicales en Amérique du Sud.
Dans l’absolu, l’accord UE-Mercosur ne fait pas l’impasse sur l’Accord de Paris - lequel a établi la limite de + 1,5 °C (voire 2 °C) de réchauffement à l’échelle mondiale.
Ceci dit, on peut légitimement se demander si cette mention constitue une quelconque garantie. Car en l’état actuel des engagements pris par nos États, et en dépit de la signature de l’Accord de Paris en 2015, notre planète se dirigerait actuellement vers un réchauffement de 3,1 ° C à la fin du siècle… Loin de la limite fixée, donc.
Autre point de crispation : les exigences environnementales traditionnellement appliquées au sein de l'Amérique latine, qui sont moins sévères que celles de l’UE.
Enfin, nombre de gens s’inquiètent de voir un tel accord ratifié et venir encourager encore davantage les échanges avec un partenaire aussi éloigné géographiquement parlant.

Sur le volet sanitaire, l’accord UE-Mercosur pose question sur le respect des normes établies en Europe.
Il faut noter qu’en 2019, le site de la Commission européenne indiquait clairement qu’il n’était pas question de revoir les normes de l’UE à la baisse.
Une position plutôt rassurante, mais qui pourrait se heurter à de réels obstacles dans la pratique.
La Dépêche
Quotidien régional français
Le Monde
Journal français
En novembre 2024, malgré tout, le Brésil a suspendu ses exportations de viande de génisse vers l'UE, suite aux résultats d’un audit européen réalisé au printemps et ayant abouti à la découverte de défaillances dans le contrôle qualité et la traçabilité de certaines hormones.
Quid des clauses miroirs proposées par la France ? Une utopie, selon l’économiste Charlotte Emlinger.
Charlotte Emlinger pour Public Sénat
Économiste

Pour l’Union européenne, l’accord avec le Mercosur est aussi une façon de renforcer son influence en Amérique latine - une région convoitée par les États-Unis et la Chine, en raison de ses réserves de lithium.
Euronews
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Les Échos
Quotidien français d’information économique et financière
Le lithium est aussi un élément essentiel dans le domaine des énergies solaire et éolienne.
En établissant un partenariat privilégié avec le Mercosur, l’Europe espère ainsi renforcer ses relations avec l’Amérique du Sud par le biais d’une alliance économique puissante.
La Dépêche
Quotidien régional français
Il existe aussi du lithium en Europe. Une mine découverte en Serbie fait d’ailleurs l’objet de beaucoup de convoitise... Même si, pour l’heure, une part importante de la population est opposée à cette extraction, le projet a a priori été validé en juillet 2024 par le gouvernement serbe.
Ironiquement, l’exploitation de ce précieux matériau qui pourrait nous aider dans notre transition peut aussi, malheureusement, avoir des conséquences en termes de pollution - d’où l’opposition des Serbes. En France, là où une mine de lithium vient d’être découverte dans l’Allier, un débat public a été organisé entre mars et juillet 2024.

Alors que faire pour assurer l’indépendance de l’UE ?
Un porte parole de la Commission européenne pour Euronews
Chaîne d'information en continu
Après quoi (et notamment si certaines populations s’opposent à l’extraction du lithium disponible en Europe), le club de 27 doit chercher des solutions ailleurs, afin de diversifier ses approvisionnements. Car la transition écologique de l’ensemble des États membres implique de solides ressources.
Toujours selon le Parlement européen, "d’ici 2050, la demande de lithium de l’UE pourrait être jusqu’à 21 fois supérieure à celle de 2020".