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On les trouve en abondance sur les réseaux sociaux. Mais toutes ne relèvent pas forcément du climatoscepticisme le plus forcené.
On a tendance à se représenter une personne climatosceptique comme quelqu'un qui nie en bloc le réchauffement ou son origine humaine. Quelqu'un avec qui il est impossible d'instaurer toute forme de dialogue constructif.
Sauf que la réalité est plus nuancée. Bien sûr, ce profil de climatosceptique existe - et le plus souvent, hélas, toute forme de discussion est d'avance vouée l'échec, chaque partie campant résolument sur ses positions.
Mais il existe un autre profil de climatosceptique. Des gens qui minimisent par exemple l'origine humaine du réchauffement climatique, et ce, pour tout un tas de raisons qui ne méritent pas nécessairement qu'on les balaie d'un revers de main.
Explications.
Bien sûr, ces arguments ont été largement réfutés et pour des raisons totalement objectives, fondées sur l'analyse des faits.
L'un des meilleurs exemples illustrant cette réalité est celui de l'argument qui rappelle que le climat de notre planète a toujours connu des fluctuations, et ce, depuis la nuit des temps.
Or, c'est parfaitement exact : depuis la formation de la Terre, son climat a alterné entre des périodes plus froides et des périodes plus chaudes.
Les cycles de Milankovitch, par exemple, expliquent comment les variations de l'orbite terrestre et de l'axe d'inclinaison de notre planète jouent un rôle dans la survenue des périodes glaciaires et interglaciaires.
Considérer tout-de-go que quelqu'un qui le rappelle est un abruti fini n'a rien de très intelligent non plus - il n'y a probablement pas meilleure manière de rompre immédiatement le dialogue, à un moment où nous avons pourtant cruellement besoin de dialoguer.
Et tout le monde, il faut bien le dire, a d'autres problèmes. D'où une inclinaison sans doute naturelle à mettre de côté un souci qui ne semble pas, pour le moment, avoir tant de conséquences que ça.
Et de fait, passée l'émotion d'avoir vu les Landes partir en fumée en 2022, le quotidien des gens n'ayant pas fait les frais de la catastrophe a repris son cours.
De la même manière, nous observons notre ciel saturé de particules fines en raison des incendies canadiens, ou la population brésilienne suffoquer sous près de 60 °C à intervalles réguliers... Puis nous passons invariablement à autre chose.
D'une certaine façon, on aurait presque envie de dire "tant mieux". Sauf que cette tendance à vouloir esquiver le problème aussi longtemps que ça sera possible s'avérera, in fine, véritablement mortifère.
Quelque part, nous aurons délibérément laissé passer notre chance d'amorcer progressivement une transition qui se fera tôt ou tard, et de manière autrement plus brutale et cruelle si nous nous y trouvons contraint(e)s par les rappels à l'ordre du système climatique.
Il n'est pas inutile que nous développions une certaine forme de résilience au regard de ce qui nous attend. Mais résilience ne doit pas rimer avec "indifférence". Ne serait-ce qu'à notre propre égard.
Rappelons qu'à l'échelle mondiale, l’exposition à la pollution de l’air extérieur provoque chaque année le décès d’environ 4,2 millions de personnes.
Et ça, ce n'est pas forcément quelque chose que nous avons envie d'entendre.
La plupart des gens ne sont pas bêtes. Ils n'ont pas besoin d'être des expert(e)s en sciences du climat ou dans le domaine de la transition pour comprendre que les efforts que nous allons devoir consentir vont être contraignants - ce qui n'a rien de très engageant a priori.
Or, beaucoup de gens estiment avoir déjà suffisamment de contraintes comme ça - à tort ou à raison selon les cas. Mais pour être tout à fait juste, les supporters de la transition à pleine vapeur n'ont pas toujours aidé les individus qui avaient le moins de moyens, par exemple, à croire autre chose.
Comme si préoccupations sociales et environnementales étaient incompatibles. Ce fut le cas avec le psychodrame emblématique des ZFE.
Le problème, c'est que ce genre d'argument légitime (celui de ne pas faire peser le poids de la transition sur les catégories les plus faibles, ou de limiter au maximum ce poids) a tendance à faire le jeu d'une vision parallèle, beaucoup plus caricaturale qui, elle, ne permet pas de faire avancer les choses de façon constructive.
Présenter la lutte contre le changement climatique comme une affaire de bataille entre le camp des méchants et le camp des gentils, ce n'est pas donner une vision objective du problème tel qu'il existe en réalité. Et nous ne pourrons pas faire progresser les choses dans le bon sens, si nous le résumons ainsi.
Même si cela peut être difficile à entendre pour beaucoup de gens, le fait est que nous bénéficions en France d'un confort "minimal" dont ne bénéficient pas, par exemple, les gens qui vivent dans des pays plus pauvres - sans même aller jusqu'à la misère qu'on peut trouver en Afrique ou en Inde.
Le problème n'est pas tant le confort, mais ce que nous percevons comme étant les composantes essentielles de ce confort. Notre "standard" s'est considérablement enrichi depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et l'essor de la société de consommation.
Tout le monde ne dispose pas du même potentiel d'action. Certaines initiatives ne pourront être engagées qu'à l'échelle de l'État et sont l'apanage de l'État seul, par exemple.
En revanche, certains problèmes clés, pour être traités à la racine, vont nous appeler à nous remettre collectivement en question.
La surconsommation par exemple. Oui, nombre d'entreprises polluent, en proposant une offre toujours plus pléthorique de biens et de services (parfois de mauvaise qualité, qui plus est).
Mais à un moment donné, qu'est-ce qui nous oblige à les encourager à continuer en consommant bien au-delà de ce que sont nos besoins réels ?
À bien des égards, le changement climatique est un sujet technique aux nombreuses intrications.
C'est pourquoi la transition écologique est elle-même une problématique complexe : elle ne se cantonne pas au domaine environnemental. Elle a des implications sociales, économiques, financières, sociologiques, psychologiques, etc.
À cela, il faut ajouter que les politiques (y compris écologistes) et les médias n'ont pas toujours aidé : en axant la plupart des sujets environnementaux sur le négatif à des fins de clivage, de visibilité et de sensationalisme (et de clics), ils ont contribué à créer une forme de découragement et d'anxiété quant au fait que "rien ne bouge jamais" et que "tout va mal".
C'est, là encore, tout à fait compréhensible. Mais il faut absolument insister sur le fait que même si les défis sont nombreux, il y a aussi des raisons d'espérer et de se mobiliser - et on ne parle pas ici d'écologie politique et militante.
Ce n'est pas parce que les choses bougent lentement ou par a-coup qu'il faut en conclure que rien n'avance. C'est faux.
C'est frustrant, parce que nous avons besoin d'aller vite. Mais la vérité, c'est qu'à toujours dénigrer et forcer des transformations qui ne sont pas simples et soulèvent parfois des problématiques légitimes, on obtient des réactions de rejet viscéral qui nous réexpédient sans fin à la case départ.
Notre inaction trouve partiellement son origine au cœur d'une zone de notre cerveau appelée striatum.
Considérée comme très primitive, elle est présente chez la plupart des animaux et influe sur la prise de décision.
Dans les faits, le striatum envoie de la dopamine (la molécule responsable du plaisir), laquelle nous incite à entreprendre certaines actions. Si celles-ci concernaient auparavant les initiatives liées à notre survie - manger, par exemple - elles se sont diversifiées au fil de notre évolution. Leur seul dénominateur commun demeurant l'immédiateté.
Mais quel est le rapport avec le changement climatique ?
Pour faire simple, notre striatum nous confronte à des “dilemmes” quotidiens. Nous multiplions les comportements polluants mais souvent synonymes de dopamine - consommer sans modération des biens issus d'industries excessivement polluantes, par exemple.
Or, cette fameuse sensation de plaisir est limitée dans le temps, ce qui force le striatum à envoyer régulièrement de la dopamine.
Cela crée de l’accoutumance (également appelée « habituation hédonique ») et nous pousse à répéter ces actions encore et encore.
D’après Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et auteur de l’ouvrage intitulé "Bug humain", nous pourrions progressivement inverser la tendance en “entraînant” notre striatum dès l’enfance.
Loin d'être une lubie, apprendre à nos enfants à consommer de façon raisonnée est absolument essentiel. Car s'ils ne peuvent agir eux-mêmes dans l'immédiat - en tout cas, pas à la même échelle que leurs parents et grand-parents - les aider à acquérir ces réflexes leur permettra de s'adapter plus facilement à ce que sera le monde de demain.
Climatosceptique, Larousse, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/climatosceptique/10910992
Incendies de l'été 2022: bilan et retour d'expérience, Les services de l'État en Gironde, https://www.gironde.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement-risques-naturels-et-technologiques/Risques-naturels-et-technologiques/Prevention-des-risques-naturels-et-technologiques/Feux-de-forets-se-preparer-se-proteger/Incendies-de-l-ete-2022-bilan-et-retour-d-experience
Brésil : la température ressentie atteint près de 60°C, Franceinfo, https://www.franceinfo.fr/monde/bresil/bresil-la-temperature-ressentie-atteint-pres-de-60-c_6195516.html
Pollution de l’air ambiant (extérieur) et santé, Organisation Mondiale de la Santé (OMS), https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ambient-(outdoor)-air-quality-and-health
Qualité de l’air : Sources de pollution et effets sur la santé, Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/air-exterieur/qualite-de-l-air-exterieur-10984/article/qualite-de-l-air-sources-de-pollution-et-effets-sur-la-sante
Pollution de l’air ambiant : nouvelles estimations de son impact sur la santé des Français, Santé Publique France, https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2021/pollution-de-l-air-ambiant-nouvelles-estimations-de-son-impact-sur-la-sante-des-francais
The Power of People, The JUMP, ARUP, C40, https://static1.squarespace.com/static/5f462d8d0b04df7da032a9bd/t/62252df0cc7bb27d653085a4/1646603770769/The+Power+of+People+-+The+JUMP.pdf
Devant la menace climatique, chaque cerveau est responsable, Le Monde, https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/07/14/devant-la-menace-climatique-chaque-cerveau-est-responsable_6134784_1650684.html
Jour du dépassement : comment la date est-elle calculée par les scientifiques ? France inter, https://www.radiofrance.fr/franceinter/jour-du-depassement-comment-la-date-est-elle-calculee-par-les-scientifiques-7567095
"Striatum", Sébastien Bohler, Editions du Seuil