La difficile équation de la sobriété numérique
La sobriété numérique vise à minimiser l’impact environnemental lié à notre usage du numérique. Un concept qui se heurte pourtant à de nombreux défis.
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Les raisons de ne pas croire au changement climatique sont légion. On les trouve d'ailleurs en abondance sur les réseaux sociaux. Ceci dit, toutes ne relèvent pas nécessairement du climatoscepticisme.
Car le terme "croire" revêt plusieurs significations. "Croire au changement climatique" peut impliquer le fait de tenir ce dernier pour vrai, mais aussi celui d'être simplement capable de l'envisager par la pensée. Or, ce deuxième aspect peut se voir mettre à mal par bien d'autres choses que le courant climatosceptique.
Explications.
Nous avons souvent du mal à considérer le changement climatique comme une priorité absolue. Sincèrement, qui peut se vanter - y compris chez les défenseurs de l'environnement - d'avoir toujours fait passer la cause environnementale avant toute autre forme de considération ?
L’écologie n'est pas LA priorité des Français. Même si, de ce côté-là, tout n'est pas aussi noir qu'on veut parfois le dire. En 2023, la dégradation de l'environnement était le deuxième sujet de préoccupation des Français, après la violence et l’insécurité. Déjà trois points de plus que l'année précédente.
Pour autant, les préoccupations des Français ne riment pas forcément avec mobilisation. Plus précisément, tout dépend de la nature de la mobilisation : selon Vie publique, les Français plébiscitent une plus grande implication des pouvoirs publics. 82% pensent que "la lutte contre le réchauffement climatique devrait mobiliser autant de moyens que la crise du Covid-19".
A contrario la perspective de nouvelles taxes liées à la protection de l’environnement est un repoussoir. Toujours selon Vie publique, 53% des personnes interrogées ne souhaitent pas payer plus d’impôts - indépendamment de la finalité. Et ce chiffre est en progression par rapport à 2022. De même, seuls 19% des sondés adhèrent à l’idée de taxe environnementale.
Passée l'émotion d'avoir vu les Landes partir en fumée, le quotidien des gens n'ayant pas fait les frais de la catastrophe a repris son cours. De la même manière, nous avons observé le ciel de New York saturer de particules fines en parallèle des incendies canadiens, ou la population brésilienne suffoquer sous près de 60 °C... Puis nous sommes passés à autre chose.
L'un dans l'autre, nous devons effectivement développer un fort esprit de résilience au regard de ce qui nous attend. Mais aussi longtemps que nous disposerons des cartes en main pour inverser la tendance, mieux vaudrait que résilience ne rime pas avec indifférence.
Sur un tout autre sujet, la dégradation de la qualité de notre air est plus que préoccupante : selon une étude épidémiologique menée dans 10 villes européennes, le fait d’habiter à proximité des grands axes de circulation serait responsable de 15 à 30 % des nouveaux cas d’asthme de l’enfant.
De même, à l'échelle mondiale, l’exposition à la pollution de l’air extérieur provoque chaque année le décès d’environ 4,2 millions de personnes.
👉 Au sein du spectre européen de l’OMS - lequel compte 53 pays - environ 600 000 décès par an sont causés par la pollution de l’air (482 000 par la pollution de l’air extérieur et 117 200 par la pollution de l’air intérieur).
Enfin, dans l’Hexagone, Santé Publique France estime que près de 40 000 décès par an seraient causés par l’exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines (PM2,5).
Un certain nombre de choses ne pourront se faire sans la mobilisation de nos gouvernements. Accompagner financièrement les populations les plus modestes pour qu’elles ne soient pas laissées au banc de la transition écologique, par exemple. Soutenir la reconversion des individus dont les emplois sont et seront impactés par la transition de notre société vers un modèle durable. Entamer la rénovation énergétique de nos bâtiments. Etc. etc.
Mais trier ses déchets est à la portée de tous. Comme ne pas jeter ses mégots de cigarette sur la plage ou apprendre à résister aux tendances consuméristes de notre société.
Certaines initiatives adoptées à grande échelle seront d'une grande aide. Elles ne feront pas tout, mais elles contribueront de manière indiscutable à soutenir la transition écologique dont nous avons tant besoin.
Selon l’étude «The Power of People», adopter un mode de vie plus respectueux pourrait permettre aux seuls citoyens de réaliser entre 25 et 27 % des économies nécessaires pour maintenir le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2030.
Enfin, ne perdons pas de vue que les propositions de la classe politique tendent à s'indexer sur les préoccupations de l’opinion publique. Ne laissons pas notre attention se détourner de la question environnementale par découragement. Ou nos dirigeants feront sûrement de même.
À bien des égards le changement climatique est un sujet technique. Il suffit de se plonger dans le rapport du GIEC pour le constater. D'ailleurs, on pourrait croire que ce dernier contribue à vulgariser la question du réchauffement climatique via son rapport dévoilé tous les cinq ans. Mais la visibilité de ce dernier demeure relativement faible. Nous l’avons constaté en 2022 : la publication des conclusions alarmantes du sixième et dernier rapport a été largement éclipsée par la guerre en Ukraine.
Par ailleurs, ne pas s’informer demeure la plus sûre façon de ne pas se trouver confronté à une information qui angoisse ou dérange.
Car si la Terre s’est déjà réchauffée de +1,1 °C, nombreuses sont aussi les raisons d'espérer. Outre les multiples initiatives qui fleurissent çà et là, des entreprises cherchent bel et bien de nouvelles solutions, la recherche scientifique nous permet de mieux appréhender les mécanismes à l'œuvre... Autant de réalités qui méritent d'être mises en lumière, et pour cause : elles pourraient se révéler fédératrices - pour peu qu'elles soient connues.
Nous n’arrivons pas à accepter l’urgence de la situation. Pourtant, tous les voyants sont au rouge et nous n’avons plus le temps de tergiverser. Mais pourquoi avons-nous tant de mal à réagir ?
En réalité, notre inaction pourrait partiellement trouver son origine au cœur d'une zone de notre cerveau appelée striatum. Considérée comme très primitive, elle est présente chez la plupart des animaux et influe sur la prise de décision. Dans les faits, le striatum envoie de la dopamine (la molécule responsable du plaisir), laquelle nous incite à entreprendre certaines actions. Si celles-ci concernaient auparavant les initiatives liées à notre survie - manger, par exemple - elles se sont diversifiées au fil de notre évolution. Leur seul dénominateur commun demeurant l'immédiateté.
Mais quel est le rapport avec le changement climatique ?
Pour faire simple, notre striatum nous confronte à des “dilemmes” quotidiens. Nous multiplions les comportements polluants mais souvent synonymes de dopamine - consommer sans modération des biens issus d'industries excessivement polluantes, par exemple. Or, cette fameuse sensation de plaisir est limitée dans le temps, ce qui force le striatum à envoyer régulièrement de la dopamine. Cela crée de l’accoutumance (également appelée « habituation hédonique ») et nous pousse à répéter ces actions encore et encore.
Sur le papier, ce combat entre plaisir et raison est joué d’avance. Une lueur d'espoir tout de même ? D’après Sébastien Bohler, docteur en neurosciences et auteur de l’ouvrage intitulé Bug humain, nous pourrions progressivement inverser la tendance en “entraînant” notre striatum dès l’enfance.
Loin d'être une lubie, apprendre à nos enfants à consommer de façon raisonnée est absolument essentiel. Car s'ils ne peuvent agir eux-mêmes dans l'immédiat - en tout cas, pas à la même échelle que leurs parents et grand-parents - les aider à acquérir ces réflexes leur permettra de s'adapter plus facilement à ce que sera le monde demain.
La faute au striatum - encore lui. Bien souvent, un individu qui ne se sent pas concerné par une cause n’agit pas en son sens. Et c'est inscrit dans notre nature, car le striatum exige des récompenses instantanées. De fait, la valeur accordée par notre striatum à l’impact futur de nos actions est négligeable. Et cela vaut pour notre perception des menaces potentielles.
Pour en revenir au changement climatique, un individu sera plus susceptible d’agir en faveur de l’écologie s’il est directement impacté par les conséquences du phénomène. À l’inverse, si les problématiques posées demeurent lointaines à l'échelle temporelle ou géographique, il sera plus difficile pour lui de se sentir concerné.
On aurait pu croire que le fait que "notre maison brûle" - dixit Jacques Chirac - nous amène à nous remettre en question et à prendre des mesures immédiates. Mais il n’en est rien.
Passés les légitimes préoccupations d'ordre matériel et/ou financier, le découragement ou encore les méfaits du striatum, il existe bien sûr la problématique du déni.
Nous avons un mal de chien à accepter l'idée que la planète pourrait se trouver en péril par notre faute. Pourtant, le fait est que nous sommes en train de créer les conditions de notre propre extinction. Nous sommes responsables du réchauffement climatique et nous le savons parfaitement. Mais nous peinons à accepter cette vérité qui dérange, au point de laisser la Terre se dégrader sous nos yeux, tout en espérant qu’une solution miracle jaillisse - la technologie, qui sait.
Mais la technologie, si elle peut aider, ne suffira pas. Le déni constitue l’un des mécanismes de défense psychologique de l’espèce humaine. Nous refusons de reconnaître les faits pour ne pas avoir à modifier notre mode de vie ni perturber notre confort.
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