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Il en va de même, d’ailleurs, pour la géo-ingénierie en général. Très controversée, cette dernière pourrait peut-être permettre à l'Humanité de sauver ce qui peut encore l’être… À condition que le remède ne soit pas pire que le mal.
Qu’est-ce que la géo-ingénierie exactement ? Comment fonctionne-t-elle ? Quelles seraient les conséquences potentielles ? S’agit-il davantage d’un mirage que d’autre chose ?
Explications.
La géo-ingénierie (ou géoingénierie) est aussi appelée “ingénierie climatique”.
ll s’agit de l’ensemble des technologies et méthodes visant à modifier le système climatique terrestre, en manipulant délibérément les mécanismes naturels de notre planète.
Sujet de multiples controverses que nous détaillerons plus bas, la géo-ingénierie en elle-même n’est ni bien ni mal.
En revanche, elle pose à l’Humanité de sérieuses questions pratiques, éthiques et morales : par exemple, est-il réellement souhaitable que nous intervenions afin de modifier le climat d’une planète dont nous sommes encore loin de tout savoir ? Est-ce raisonnable ? Légitime ? Existe-t-il des circonstances qui peuvent justifier une telle intervention ?
Le débat est ouvert depuis longtemps, sans qu’une réponse définitive n’ait encore été trouvée.
La géo-ingénierie englobe un ensemble très vaste de techniques et méthodes. Pour simplifier leur catégorisation, elles sont rassemblées en deux grandes “familles” :
Pour bien comprendre le sujet et les enjeux liés à la géo-ingénierie, un petit rappel s’impose.
Si on schématise, la géo-ingénierie vise à intervenir sur 2 mécanismes totalement naturels :
En tant que planète du système solaire, la Terre est en permanence exposée au rayonnement émanant de son étoile : le Soleil. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la manière dont l’activité solaire nous impacte, n’hésitez pas à consulter notre article détaillé.
De fait, si notre planète est habitable, c’est parce qu’elle se trouve à bonne distance de son étoile (ni trop près, ni trop loin), mais pas seulement.
Protégée par sa précieuse couche d’ozone (qui filtre des rayons particulièrement nocifs en provenance du Soleil), la Terre absorbe malgré tout une partie du rayonnement solaire - ce qui permet de réchauffer sa surface.
Après quoi, une fraction du rayonnement solaire reçu sera renvoyée en direction de l’espace, sous forme de rayonnement infrarouge. Rayonnement infrarouge que piègeront partiellement les fameux gaz à effet de serre présents au sein de notre atmosphère.
Un phénomène synonyme de génération de chaleur, qu’on appelle “effet de serre”.
L’effet de serre contribue également à élever la température moyenne de la Terre, ainsi qu'à rendre notre vie possible. Seulement voilà, il y a un hic : car le surplus de gaz à effet de serre généré par les activités humaines depuis la révolution industrielle conduit aujourd’hui à un emballement de l’effet de serre.
Dit simplement, nous bloquons une trop grande quantité de ce rayonnement infrarouge qui cherche à s’échapper en direction de l’espace.
Maintenant que le cadre est posé, nous allons pouvoir aborder plus en détail les techniques de géo-ingénierie existantes.
Comme son nom l’indique, la Modification du Rayonnement Solaire (MRS) consiste à “juguler” le rayonnement solaire que notre planète reçoit.
Un objectif : limiter la quantité de rayonnement reçu, afin de prévenir son interception par les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère.
Grosso modo, 5 techniques de SRM ont fait l’objet d’études (plus ou moins poussées) :
Technique | Principe |
---|---|
Injection d’aérosols stratosphériques (SAI) | Augmenter le nombre de petits aérosols réfléchissants dans la stratosphère pour accroître la réflexion de la lumière solaire entrante. |
Éclaircissement des nuages marins (MCB) | Ajouter des aérosols dans la basse atmosphère au-dessus des océans pour augmenter la réflectivité des nuages marins bas. |
Amincissement des nuages de cirrus (CCT) | Modifier les propriétés des nuages de glace en haute altitude pour augmenter la transmission du rayonnement terrestre vers l’espace. |
Amélioration de l’albédo de surface | Augmenter la réflectivité des surfaces terrestres, par exemple via des toits blancs ou des changements de couverture végétale. |
Méthodes spatiales | Installer de grands miroirs dans l’espace pour réfléchir une partie de la lumière solaire avant qu’elle n’atteigne la Terre. |
L’élimination du dioxyde de carbone (EDC) consiste à extraire directement le CO₂ de l’atmosphère.
L’objectif : s’attaquer à la cause directe de l’emballement de l’effet de serre.
Parmi les principales méthodes utilisées, on retrouve :
NB : les arbres, les tourbières et les océans sont ce qu’on appelle des “puits de carbone naturels”. Ils sont en mesure d’absorber du CO2 sans que l’humain n’ait à intervenir. D’où l’intérêt de les protéger et de les renforcer.
Technique | Principe |
---|---|
Reforestation | Planter ou replanter des arbres pour absorber le CO₂ atmosphérique via la photosynthèse et le stocker dans la biomasse et les sols. |
Restauration des tourbières | Réhydrater les zones humides dégradées pour stopper les émissions de CO₂ et favoriser le stockage du carbone organique dans les sols saturés en eau. |
Accroissement de l’altération des roches | Appliquer des minéraux broyés (ex. : basalte) sur les sols pour accélérer un processus chimique naturel capturant le CO₂ atmosphérique. |
BECCS (Bioénergie avec captage et stockage du carbone) | Produire de l’énergie à partir de biomasse, capter le CO₂ émis lors de la combustion, puis le stocker de manière permanente dans le sous-sol. |
DACCS (Captage direct de l’air avec stockage du carbone) | Utiliser des technologies industrielles pour filtrer le CO₂ présent dans l’air ambiant, puis le comprimer et l’enfouir en profondeur. |
Biochar | Convertir de la biomasse en charbon végétal (biochar) par pyrolyse, puis l’ajouter aux sols pour stocker durablement du carbone. |
Fertilisation des océans | Stimuler la croissance du phytoplancton en ajoutant des nutriments (comme du fer) à certaines zones océaniques, favorisant ainsi l’absorption du CO₂. |
Si le débat autour de la géo-ingénierie est aussi virulent, c’est parce que certains et certaines pensent que nous devrons mettre en œuvre ces techniques dans un avenir très proche.
En cause : le réchauffement climatique et son cortège de catastrophes.
Sur le papier, l’hypothèse de recourir à la géo-ingénierie est sérieusement envisagée, y compris par les spécialistes du climat. La situation est devenue tellement grave (il faut le dire) et les perspectives tellement sombres que toute “solution”, quand bien même elle ne présente pas que des avantages, fait maintenant l’objet d’études.
De fait, la géo-ingénierie pourrait effectivement nous être d’un grand secours. Pas tant parce qu’elle nous permettrait de régler le problème en lui-même, mais surtout parce qu’elle nous permettrait de gagner du temps.
Il s’agirait, en quelque sorte, d’octroyer à notre civilisation un petit “délai”, le temps de mener à bien notre transition - en tout cas dans les grandes lignes.
Oui, absolument. En langage scientifique, on appelle ça le “forçage radiatif”. Et le réchauffement climatique provoqué par l’activité humaine est un parfait exemple de forçage radiatif.
Cette expérience démontre qu’il nous est effectivement possible de modifier le climat.
Force est de constater, en revanche, que l’engrenage que nous avons initié et dans lequel nous nous trouvons maintenant piégés n’a rien d’enviable. Pire : il est devenu totalement hors de contrôle.
Or, si l’ensemble des conséquences induites par le changement climatique n’avait pas été anticipé, nous savions parfaitement, dès le 18ème siècle, que l’accroissement de nos émissions de gaz à effet de serre conduirait au réchauffement climatique.
Cette réalité - et la peur suscitée par la perspective de “perdre le contrôle” - constitue le principal motif d’inquiétude vis-à-vis de la géo-ingénierie.
Même les scientifiques ne sont pas sûrs de pouvoir prédire toutes les conséquences d’une manipulation volontaire du climat de notre planète.
Et la liste des hypothétiques effets indésirables ne s’arrête pas là…
Technique | Principaux risques ou limites |
---|---|
Injection d’aérosols stratosphériques (SAI) | Effets secondaires sur les précipitations, perturbation de la couche d’ozone, impact inégal entre régions, dépendance prolongée (risque de “choc d’arrêt”). |
Éclaircissement des nuages marins (MCB) | Impacts locaux incertains sur le climat régional, modification des cycles hydrologiques, efficacité variable selon les conditions atmosphériques. |
Amincissement des nuages de cirrus (CCT) | Technologie encore très théorique, faible compréhension des effets réels, risque d’interaction complexe avec d’autres couches de l’atmosphère. |
Amélioration de l’albédo de surface | Effet limité à l’échelle globale, risques de perturbation des microclimats locaux, modification possible des écosystèmes naturels. |
Méthodes spatiales (miroirs solaires) | Faisabilité technologique très faible, coûts astronomiques, impossibilité de tests à petite échelle, gouvernance internationale inexistante. |
Reforestation | Compétition avec les usages des terres (agriculture, habitat), vulnérabilité aux incendies ou maladies, stockage du carbone non garanti à long terme. |
Captage direct de l’air (DAC) | Coût énergétique élevé, dépendance aux sources d’énergie bas carbone, infrastructures coûteuses et encore peu déployées. |
Biochar | Variabilité selon les types de biomasse et de sols, risques de pollution ou d’émissions secondaires, acceptabilité sociale encore incertaine. |
Fertilisation des océans | Impacts incertains sur la biodiversité marine, risque d’eutrophisation, effets à long terme mal connus et potentiellement irréversibles. |
Dit clairement, la décision de recourir à la géo-ingénierie implique d’analyser scrupuleusement le rapport bénéfices-risques.
Hélas, la crise climatique atteint un tel degré de gravité que nous ne pouvons décemment pas balayer cette option sans au moins la considérer sérieusement. Car il ne s’agit pas seulement ici d’environnement et d’écologie.
Les conséquences du réchauffement climatique sont multiples et touchent tous les domaines : politiques, économiques, sanitaires… Pour les consulter en détail, n’hésitez pas à vous référer à la section “Causes et conséquences du changement climatique” de cet article.
Le fait est que des mesures d’urgence pourraient s’avérer nécessaires et - qui sait - nous permettre d’éviter la tragédie absolue.
Toute la question est de savoir si le remède ne serait pas pire que le mal.
Ceci sans parler des nombreuses autres problématiques auxquelles il nous faudrait impérativement trouver des réponses. La question de la gouvernance par exemple : comment de telles activités pourraient-elles être réglementées, a fortiori dans un contexte de fortes tensions géopolitiques.
En tout état de cause, il semblerait logique que des décisions de cet ordre - susceptibles d’affecter durablement le climat terrestre dans son ensemble - fassent l’objet de concertations et n’excluent personne.
Si on met de côté les risques physiques liés aux techniques de géo-ingénierie, il en existe un d’une toute autre nature.
Recourir à la géo-ingénierie pourrait indirectement nous inciter à ne rien changer au mode de fonctionnement qui a conduit à cette crise.
La géo-ingénierie n’est pas une solution miracle au problème de la surproduction et de la surconsommation. Deux phénomènes rendus possibles par l’essor de l’exploitation des énergies fossiles.
Il ne faut pas se méprendre : nous ne réglerons pas la crise climatique par l’intermédiaire de la géo-ingénierie. Si nous voulons véritablement enrayer cette crise, nous devons travailler à développer un nouveau modèle de société bas-carbone.
Dans l’optique où nous déciderions finalement de nous lancer dans l’utilisation de la géo-ingénierie, il s’agirait uniquement de pallier à la lenteur avec laquelle nous réduisons nos émissions.
Mais si nous ne réduisons pas nos émissions, la géo-ingénierie ne suffira pas à enrayer l’emballement du système climatique. Rappelons, en effet, que ce dernier présente une inertie très importante : il met du temps à réagir. Même si nous arrêtions demain d’émettre des émissions de gaz à effet de serre, les effets de cet arrêt ne se feraient pas sentir immédiatement. C’est tout le problème.
Face à l’utilisation « inéluctable » de la géo-ingénierie solaire, des scientifiques appellent à une gouvernance mondiale, Le Monde, https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/01/26/face-a-l-utilisation-ineluctable-de-la-geo-ingenierie-solaire-des-scientifiques-appellent-a-une-gouvernance-mondiale_6516278_3244.html
Géo-ingénierie, Studysmarter, https://www.studysmarter.fr/resumes/science-de-lenvironnement/conservation-ecologique/geo-ingenierie/
Modification du rayonnement solaire : fiche d'information sur l'état de la science de la NOAA, NOAA, https://www.climate.gov/news-features/understanding-climate/solar-radiation-modification-noaa-state-science-factsheet
FAQ, GIEC, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2020/05/WGI_AR5_FAQ_FR.pdf
Une expérience de géo-ingénierie a été menée dans le plus grand secret près de la Silicon Valley, Futura Sciences, https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-experience-geo-ingenierie-ete-menee-plus-grand-secret-pres-silicon-valley-112680/
La géo-ingénierie, qu'est-ce que c'est ? GEO, https://www.geo.fr/environnement/climat-manipulation-geo-ingenierie-42420
Carbon dioxide removal, IPCC, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/outreach/IPCC_AR6_WGIII_Factsheet_CDR.pdf