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Concerts, festivals, théâtre : la transition du spectacle vivant
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Concerts, festivals, théâtre : la transition du spectacle vivant

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Le spectacle vivant doit se protéger et contribuer, lui aussi, à la lutte contre le changement climatique. Mais comment ? Quelles sont les solutions ?
Secteurs d'activité
2025-04-24T00:00:00.000Z
fr-fr

Le décès d’une fan à l’occasion de l'un des concerts de Taylor Swift a tragiquement illustré le fait que le secteur du spectacle vivant est désormais lui aussi impacté par le changement climatique.

Âgée de seulement 23 ans, la jeune femme a succombé à un “épuisement thermique dû à une exposition diffuse à la chaleur". Le jour du concert en question, la température à Rio de Janeiro avoisinait les 60 °C.

Nous savons qu'avec le changement climatique, ces épisodes seront de plus en plus fréquents. Nous sommes conscients que tout notre secteur doit repenser sa façon d'opérer face à cette nouvelle réalité. (Serafim Abreu, PDG de l'entreprise Time For Fun, chargée de l’organisation des concerts du Eras Tour au Brésil)

Concerts, festivals, théâtres, opéras... Nous ne parlons pas ici d'un secteur comme les autres. Synonymes de divertissement et de convivialité, ces différents types d'art appellent à eux un public souvent désireux de s’évader - pas de songer aux multiples problèmes auxquels notre société fait face.  

Le fait est, malheureusement, qu’au-delà de contribuer à sa mesure à la lutte contre le réchauffement, le spectacle vivant va devoir s’adapter à des contraintes nouvelles afin d’assurer la sécurité des artistes et du public (lequel a lui aussi un rôle à jouer, et de taille).

Alors, comment soutenir la transition écologique du spectacle vivant ? Quels sont les défis majeurs ? Les solutions qui peuvent être envisagées ?

Greenly vous répond.

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Secteur du spectacle vivant : de quoi parle-t-on ?

Le spectacle vivant désigne l’ensemble des représentations artistiques données en direct, devant un public, avec des artistes présents physiquement sur scène.

On parle donc d'une rencontre en temps réel entre les artistes et les spectateurs. Contrairement au cinéma ou à la télévision, rien n’est enregistré à l’avance.

(...) Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités. (Article L.7122-1 du Code du travail)
Appartient au spectacle vivant
  • Le théâtre
  • La danse
  • Les arts et le spectacle de rue
  • Les arts du cirque
  • Les arts de la marionnette
  • L'opéra
  • La musique live
  • L'illusionnisme
  • La poésie
N'appartient pas au spectacle vivant
  • Les spectacles sportifs
  • Les corridas
  • Les spectacles enregistrés
  • Les jeux, les défilés de mannequins
  • Les visites guidées
  • Les repas théâtralisés
Le milieu du spectacle vivant est un domaine complexe avec peu de très gros acteurs mais qui dominent le marché. En effet, 6 % des représentations représentent 49 % des entrées alors que 60 % de ces spectacles ont lieu dans de petites salles de moins de 200 places. (Ministère de la Culture)

5 manières dont le changement climatique affecte le spectacle vivant

🌪️
Conditions climatiques extrêmes
Épisodes potentiellement violents perturbant la tenue des événements, mais aussi la sécurité.
🏟️
Fragilisation des infrastructures
Inadaptation des bâtiments, annulations.
💸
Pression sur les coûts
Coûts d’adaptation, pertes financières, rentabilité en question.
📜
Nouvelles réglementations
Normes environnementales de plus en plus strictes à respecter.
👥
Public sensibilisé
Attentes plus fortes quant à l’écoresponsabilité des événements.

1) Les conditions climatiques extrêmes

Les conditions climatiques extrêmes affectent d’ores et déjà le spectacle vivant.

Outre la tragédie intervenue sur le Eras Tour et dans un tout autre registre, on peut penser au désastre qui s’est produit aux États-Unis en 2023, à l’occasion du Festival Burning Man dans le désert de Black Rock. 

Alors que ce dernier battait son plein, les milliers de festivaliers ont été pris au piège par des pluies torrentielles ayant subitement métamorphosé cette terre aride du Nevada en un bourbier aux proportions gigantesques. Un bourbier ô combien dangereux : pris de cours, certains festivaliers ont tenté de rallier la seule route demeurée praticable, 8 à 10 kilomètres plus loin, ignorant que le sol détrempé du désert s’était transformé en sables mouvants. 

Bien évidemment, les autorités locales ont rapidement appelé les participants à “rester sur place jusqu’à ce que le sol redevienne suffisamment solide et sûr” pour permettre les déplacements.

Au total, les festivaliers sont demeurés bloqués sur place 3 jours durant, et une personne est hélas décédée.

En tout état de cause, il semble que ce festival soit désormais localisé au cœur d’une zone particulièrement sujette aux aléas climatiques…

Le Burning Man avait été confronté l'année dernière à une intense vague de chaleur avec des vents forts qui avaient déjà rendu l'expérience difficile pour les "burners", surnom des festivaliers. (France24, 5 septembre 2023)
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2) Les répercussions sur les infrastructures

Les infrastructures accueillant les concerts ou les représentations théâtrales ont, pour beaucoup d’entre elles si ce n’est la majorité, été construites à une époque où le changement climatique ne faisait pas la une des médias ou très peu. Elles n’ont donc pas été conçues pour résister aux aléas de ce type, ou pour garantir en toute circonstance le confort des artistes et des spectateurs.

Les salles parisiennes sont particulièrement concernées par cette problématique. Ce qui est d’autant plus regrettable, car ces dernières font partie de notre patrimoine : La Cigale, par exemple, a ouvert ses portes en 1887. Le Trianon en 1894. L'Elysée-Montmartre en 1807…

Bien sûr, elles tâchent de s’adapter : le Théâtre des Champs-Elysées, inauguré en 1913, ne peut accueillir de climatisation, mais il propose au moins un rafraîchisseur d’air. Idem pour le théâtre Antoine - pour ne citer que ces exemples.

D'autres, en revanche, se heurtent à de sérieuses problématiques. 

Pour les établissements qui ne disposent ni de climatiseur ni de rafraîchisseur, il faudra prendre son mal en patience. « La pièce Hiroshima mon amour ne dure qu’une heure », rassure-t-on, avec humour, au théâtre des Bouffes Parisiens. La direction a bien pensé à installer un climatiseur mais l’investissement est colossal. (Le Figaro, 27 juin 2019)

3) La pression des coûts et la question de la viabilité économique

Les professionnels du milieu tâchent de trouver des solutions et tentent de s’adapter. Le livret proposé par le Syndéac en 2023 l’illustrait d’ailleurs parfaitement.

L’art et la culture participent à leur niveau à l’aggravation du problème. Ce n’est jeter la pierre à personne que de le reconnaître : c’est être responsable collectivement, assumer l’obsolescence de notre écosystème pour mieux changer de logiciel. (...) Sans changement radical, nous savons ce qui va arriver d’un point de vue scientifique : nous devons inventer ce qui va arriver d’un point de vue culturel et sociétal. (Syndeac, La mutation du spectacle vivant, Des défis, une volonté, 2023)

Problème : revoir les pratiques est souvent synonyme de coûts supplémentaires. L’adoption de technologies plus écologiques à l’image de l'éclairage LED ou de systèmes de refroidissement davantage performants implique de consentir à des investissements importants.

Or, cette équation peut s’avérer complexe à résoudre pour les professionnels qui ne disposent pas des ressources financières suffisantes.

un théâtre

4) Les réglementations environnementales

Il est probable que le secteur du spectacle vivant se voit progressivement imposer de nouveaux genres de réglementation, à l’image de ce qui se fait aujourd’hui dans d’autres secteurs d’activité.

Mieux vaut donc ne pas attendre de se trouver collés au pied du mur pour réagir, car la transition écologique d’une organisation, quelle qu’elle soit, ne s’opère jamais en un claquement de doigts.

Outre le fait que l’on ne peut pas se consacrer pleinement à la diversité des problématiques soulevées en même temps, le coût représenté par cette évolution est, dans la plupart des cas, difficilement absorbable sur une échéance courte. 

Or, l’émergence d’une réglementation statuant sur des objectifs à atteindre dans un délai imparti est souvent source de stress pour les entreprises, qui peuvent soudainement se sentir prises à la gorge.

Pour peu qu’elles aient d’autres préoccupations à ce moment précis, le sujet de la transition tourne au cauchemar. 

5) Le positionnement du public

Nous sommes de plus en plus sensibilisés au changement climatique et à l’importance de modifier nos habitudes. Pour cette raison, le public prenant part aux manifestations du spectacle vivant escompte lui aussi, de plus en plus, que les organisateurs contribuent à l’effort collectif. Au point, parfois, d’en venir à délaisser les évènements qui ne répondent pas - ou pas suffisamment - à cette attente.

Dans ce contexte, l’enjeu autour du positionnement vis-à-vis de la question climatique revêt aussi une dimension économique. Si le secteur souhaite demeurer attractif, il se doit de prendre en compte les préoccupations des individus qu’il espère voir venir assister à ses évènements.

Les 3 principaux défis

Les défis posés au spectacle vivant sont nombreux et extrêmement variés de par leur nature.

De façon schématique, on peut toutefois identifier 3 grands axes sur lesquels le secteur pourrait se concentrer : 

  • la transport et la logistique ;
  • la consommation d’énergie ;
  • la gestion des déchets.
un concert

1) Le transport et la logistique

Le transport et la logistique sont absolument centraux dans le cadre de l’organisation des festivals ou des tournées. Bien que différents, ces deux sujets ont en commun de reposer (à peu près) sur le même type de problématique lorsqu’on les considère à l’aune de la question environnementale.

Que l’on parle des artistes, des équipes techniques ou du public, individus et matériel impliqué dans l’exécution du show doivent être acheminés jusqu’au lieu du spectacle. Et cette question de l’acheminement pose souvent problème.

Évidemment, tout dépend du mode de transport, mais dans bien des cas, les solutions privilégiées ne sont pas les plus écologiques.

Cette dimension de l’équation est cruciale à plus d’un titre. Sur un concert (pour prendre cet exemple), l’empreinte carbone imputable au seul transport des spectateurs compte en moyenne pour 60 à 80 % de l’impact total.

2) La consommation d’énergie

Autre poste d’importance : la consommation d’énergie.

Chauffage, climatisation, éclairage, sonorisation, écrans… Les dispositifs déployés à l’occasion d’un spectacle peuvent être importants. Or, la tenue de certains de ces spectacles est indissociable des ressources matérielles qui la rendent possible. À tout le moins, de la manière dont nous les concevons aujourd’hui. 

Par ailleurs, les espaces et les infrastructures d’accueil ne bénéficient pas toujours d’une isolation thermique très performante, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur empreinte carbone. En hiver, ces lieux doivent chauffer davantage pour maintenir une température acceptable, et en été, ils doivent recourir massivement à la climatisation. Dans un cas comme dans l’autre, tout cela est synonyme de consommation d’énergie.

3) La gestion des déchets

Une grande quantité de déchets est produite à l’occasion des festivals notamment. Des déchets liés aux consommables bien sûr (gobelets, flyers, emballages alimentaires, etc.), mais pas seulement.

Des éléments utilisés pour la scénographie ou les costumes comptent parfois parmi ces déchets, car nombre d’entre eux ne sont utilisés qu'une seule fois.

Artistes et public : une responsabilité partagée

À l’aune de ce qui vient d’être mentionné plus haut, on comprend sans mal que la transition du spectacle vivant reposera sur une action conjointe des artistes et du public... ou ne se fera pas.

Si nous voulons continuer à profiter de toutes ces représentations, chacun(e) va devoir y mettre du sien.

Il est inenvisageable de considérer que les artistes et les organisateurs de ces événements vont pouvoir réduire significativement l’empreinte carbone de ces derniers sans la collaboration de leur public. Bien sûr, ils se doivent de soutenir ces efforts - en imaginant un show compatible avec les contraintes auxquelles les spectateurs vont se heurter - et devront faire leur propre part. Mais le spectacle vivant incarne l’un des exemples les plus illustratifs du fameux “effort collectif” auquel la transition écologique nous appelle tous et toutes. 
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Quelles solutions peut-on mettre en œuvre ?

🎭
Éco-conception
  • Optimisation des infrastructures
  • Création d'une scénographie éco-responsable
  • Réutilisation du matériel existant
  • ...
Optimisation énergétique
  • Amélioration des bâtiments
  • Recours aux sources d’énergie verte
  • ...
🚲
Mobilité durable
  • Soutien au covoiturage
  • Mise en place de navettes organisées
  • Conclusions de partenariats ferroviaires
  • ...
♻️
Gestion des déchets
  • Réduction des déchets à la source
  • Instauration d'une politique de tri et valorisation
  • Promotion des bons gestes
  • ...
📣
Sensibilisation
  • Meilleure information du public
  • Instauration d'initiatives ludiques et éducatives
  • ...

L’éco-conception des spectacles

Les infrastructures

Plus les infrastructures seront isolées sur le volet thermique, mieux ce sera. Pour les artistes, leurs équipes et le public, mais aussi pour l’empreinte carbone de l'évènement.

Les organisateurs et les spectateurs seront davantage protégés des risques pesant sur leur santé, et les manifestations du spectacle vivant, de leur côté, verront leur impact environnemental décroître.

Alors comment faire ?

Outre l'idée d'améliorer l'isolation et d'installer des systèmes de chauffage et de refroidissement plus performants, la création d’espaces verts peut aussi être envisagée. À l’image de ce que commencent à faire certaines typologies de bâtiments plus “traditionnels”, les salles et festivals pourraient également intégrer davantage de nature dans le cadre de leur conception, en créant des toits végétalisés, des jardins ou des espaces verts autour des lieux de spectacle.

Ceci pourrait contribuer à compenser les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées, améliorer encore l’isolation thermique des bâtiments et sensibiliser le public à la nécessité de protéger la biodiversité.

La scénographie

La scénographie est un sujet complexe, dans la mesure où elle se fait généralement le vecteur d’une vision artistique.

Il peut être difficile, pour un(e) artiste, d’être contraint(e) de réviser le projet qu’il ou elle souhaite présenter à son public, afin de le rendre plus “éco-friendly”.

C'est l’un des aspects où la collaboration entre professionnels du spectacle vivant et professionnels de la transition (les ingénieurs en particulier) peut s’avérer la plus intéressante. L’enjeu est de coller au maximum au projet artistique voulu, tout en privilégiant les solutions les plus écologiques en vue de le concrétiser.

Pas de miracle à prévoir cependant : s’il ou elle souhaite réellement travailler à réduire l’impact environnemental des moindres aspects de son spectacle, l’artiste devra être prêt(e) à opérer des concessions. Ce sera notamment le cas des artistes ayant pour habitude de proposer des shows aux dimensions pharaoniques, synonymes d’abondance d’effets en tout genre (éclairage, projection visuelle, effets spéciaux, etc.).

On ne va pas se mentir, l'équation est délicate. Surtout quand on doit considérer la multiplicité des variables qui entrent en ligne de compte. 

Prenons un exemple : en 2022, le groupe Indochine a organisé une tournée de stades (et de stades uniquement) à travers la France.

  • Exit les arrêts multiples aux quatre coins de l'Hexagone. Exception faite de Lille (seule date doublée), les stades de Paris, Lyon, Bordeaux et Marseille avaient vu le groupe s'arrêter pour une date de concert unique.
  • Autre spécificité : contrairement à ce qui se fait traditionnellement, la scène n'avait pas été positionnée à l’une des extrémités du stade, mais au centre de la fosse - de même que les écrans.

Sur le papier, une telle configuration mérite qu'on s'y arrête un instant, car elle suggère d'intéressantes pistes d'amélioration, tout en soulignant les principales problématiques relatives à ce type d'événement.

Tout d'abord, quand on privilégie une scène centrale, la capacité d’accueil du stade se trouve maximisée - contrairement à la configuration “traditionnelle” qui entraîne de facto l'inaccessibilité d’une partie des sièges. 

infographieinfographie

À titre illustratif, le stade Pierre Mauroy (localisé aux abords de Lille) dispose d’une capacité d’accueil allant de 27 000 à 70 000 places. La structure peut accueillir 50 000 spectateurs en configuration dite “stade”. En plaçant la scène au centre, la majorité des places sont utilisables, et il devient possible de porter la capacité totale à 60 000 spectateurs (ce seuil pouvant sûrement varier en fonction de la taille de la scène et des aménagements nécessaires), soit une augmentation de 20 %.

Ce type de scénographie (dont l’esprit a également été expérimenté par d’autres artistes de renom tels que U2 et Ed Sheeran) permet aux artistes d’accueillir davantage de spectateurs à l’occasion d’une seule représentation.

Au lieu de multiplier les dates de concert en divers endroits, nous pourrions développer des tournées reposant sur l’exploitation des sites permettant d’accueillir un maximum de personnes (le “maximum” variant bien sûr en fonction du degré de notoriété de l’artiste) à l’occasion d’une seule représentation, ce qui permettrait : 

  • de réduire le niveau de consommation d’énergie qu’impliquerait, a contrario, une succession de représentations sur un nombre de dates plus important ;
  • de limiter les déplacements des artistes qui, pour les plus renommé(e)s, entraînent dans leur sillage un attelage d’équipes techniques et de semi-remorques (jusqu’à près d’une centaine de semi-remorques pour Mylène Farmer) chargés de tout le matériel indispensable au show.

Deux problématiques se posent toutefois : d’abord, la nature des sources d’approvisionnement en énergie, qui doivent être les plus propres possible. Car dans le cas d’un stade tout particulièrement, l’importance du dispositif technique nécessaire au show peut rapidement peser lourd au niveau de la facture énergétique.

Deuxième sujet : dans l’hypothèse où la tenue du show serait centralisée en un endroit stratégique pour chaque région, il est certain qu’une partie du public se verrait obligée de se déplacer sur une longue distance pour rejoindre le lieu concerné. Une réalité susceptible de plomber l’empreinte carbone de l’événement au lieu de l’alléger. À moins que les solutions de transport les plus éco-responsables soient mises en œuvre (voir plus bas dans cet article).

Car pour minimiser l'impact lié au déplacement, il est impératif que la salle ou le stade en question soit directement accessible via les transports en commun et localisé au sein d’une ville hôte bien desservie par le réseau ferroviaire. Le Stade de France en région parisienne ou le Groupama Stadium en région lyonnaise (pour ne prendre que ces deux exemples) satisfont ces deux critères.

des sièges dans un stade

Le matériel

Sur le plan matériel, l’écoconception doit être privilégiée au maximum.

Concrètement, il s’agit de repenser la manière de produire des spectacles en tenant compte de leur impact environnemental dès les premières étapes du projet, en misant sur l'utilisation d’éléments constitués de matériaux recyclés ou réutilisables pour les décors, les costumes et les accessoires. 

Une enquête très intéressante avait d’ailleurs été menée en 2022 par ArtCena (le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre) auprès de certains professionnels.

Sur le versant positif, si 88 % des scénographes reconnaissaient ignorer l’empreinte carbone générée par leur activité, ils étaient déjà 57,8 % à choisir leurs matériaux en fonction de leur impact sur l’environnement. 65 % avaient déjà préféré un matériau à un autre par choix écologique, et bien que son coût ait été plus élevé. 

Sur le versant moins positif, si les professionnels "(estimaient) à 97,3 % que création et réemploi (étaient) compatibles", ils n’utilisaient qu’occasionnellement des matériaux de réemploi et les stocks existants des théâtres ou des compagnies.

De façon logique, près de 30 % de ces professionnels admettaient ne pas songer eux-mêmes à la vie future de leur scénographie lorsqu’ils la concevaient. 

Les créateurs et créatrices de costumes, quant à eux, veillent à une légère majorité (57 %) à la façon dont ont été fabriqués les produits de prêt-à-porter qu’ils achètent, mais n’adoptent que ponctuellement des pratiques dites résilientes (achat de matières naturelles, application de teintures végétales). (Enquête ArtCena, 11 février 2022)

NB : l’éco-conception d’un élément, quel qui soit, est un exercice complexe mais pas irréalisable à condition d’avoir les bons outils. Pour éco-concevoir convenablement un produit, les professionnels de la comptabilité carbone recommandent de recourir à l’Analyse de Cycle de Vie (ACV). Une technique d’évaluation qui décortique scrupuleusement chaque étape de l’existence d’un produit, et évalue l’impact environnemental induit à chacune d’elle. Pour en savoir plus n’hésitez pas à consulter notre article sur le sujet.

L’optimisation énergétique

1. L’efficacité énergétique des infrastructures

Nous l’avons déjà évoqué : les salles de spectacle les plus anciennes - mais aussi des infrastructures plus récentes - disposent hélas de systèmes énergétiques inefficaces. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de travailler à l'amélioration de l'isolation thermique. 

2. L’approvisionnement en énergie

Inutile de tourner autour du pot : en matière d’énergie, les renouvelables doivent être davantage mises à profit. Le groupe Coldplay avait lui-même investi dans des panneaux solaires afin d’alimenter au moins en partie les stades où se déroulaient ses concerts. Une initiative audacieuse, qui soulève une question intéressante : celle de la mutualisation des besoins des artistes. 

Compte tenu de l’impact environnemental des panneaux solaires au moment de leur fabrication, par exemple, le monde du spectacle vivant pourrait entreprendre une forme de concertation, en vue de développer une politique de réemploi et de location d’équipements techniques.

Une telle politique permettrait aux artistes de partager l’usage de certains matériels et de maximiser le retour sur investissement - au lieu que des panneaux solaires fabriqués au prix d’une certaine empreinte carbone demeurent stockés dans un hangar pour n’être sortis qu’une fois tous les quatre ans. Une telle organisation s'appliquerait également aux dispositifs d’éclairage, de sonorisation ou de décors.

des mains qui se serrent

Les transports et la mobilité durables

1. Le covoiturage

Le covoiturage constitue l'une des solutions les plus simples à mettre en œuvre pour les spectateurs. Les plateformes comme Blablacar permettent facilement de rentrer en contact avec d’autres individus désireux de partager un véhicule, ce qui permet de rentabiliser le coût carbone induit par le déplacement. 

Sachez d’ailleurs que des plateformes spécialisées dans le transport d’individus se rendant à des festivals et autres événements culturels ont vu le jour à l’image de Festicar.

En 2013, le Collectif des Festivals suggérait aussi de créer de places de parking “vertes” pour valoriser les voitures transportant au moins 4 passagers à l’arrivée au festival. Dans la même veine, des réductions tarifaires pourraient s’appliquer aux spectateurs et festivaliers se mobilisant en faveur de cette démarche.

2. Les navettes organisées

Côté organisateurs, la mise en place de navettes en provenance des principales gares constitue, là encore, une piste à explorer. Ces navettes pourraient emprunter un trajet faisant étape à divers points de rassemblement fixés au préalable, sur la zone attenante au lieu du spectacle, ce qui contribuerait à réduire le nombre de voitures individuelles utilisées.

Dans l’idéal, le recours aux bus à faible émission ou aux véhicules électriques serait évidemment à privilégier.

Un modèle d’incitations financières pourrait aussi être pensé, afin de proposer ces navettes à prix réduit ou de façon gratuite aux détenteurs de billets.

3. Les partenariats

Certains festivals européens comme Glastonbury ont commencé à promouvoir intensivement le recours au train pour se rendre à l’événement.

Dans le cas du Glastonbury Festival, ce dernier avait conclu en 2024 un partenariat avec Trainline, qui proposait des réductions sur les tickets des futurs festivaliers, sous réserve d’acheter ces derniers plusieurs semaines en avance. 

La réduction et la gestion des déchets

La production de déchets de certains festivals se compte en centaines de kilos jusqu’en dizaines de tonnes. (Le Collectif des Festivals, La gestion des déchets, juin 2016)
Considérés comme des professionnels, les organisateurs de manifestation sont responsables des déchets produits sur leur manifestation jusqu’au traitement final, même si la collectivité ou une entreprise privée a en charge le transfert et le traitement. (Le Collectif des Festivals, La gestion des déchets, juin 2016)

Dans le cadre de son guide, le Collectif des Festivals avait ainsi soumis de premières pistes de réflexion, en vue de traiter cette problématique liée aux déchets (voir ci-dessous).

📋
Politique d’achats responsables
Désigner un référent achats pour rationaliser les besoins.
🍾
Réduction des déchets des bars
Privilégier les contenants consignés.
🍌
Compostage des déchets organiques
Trier les plateaux en fin de repas avec une signalétique adaptée.
📵
Évitement des déchets publicitaires
Limiter les supports imprimés non essentiels.
🍽️
Utilisation de vaisselle lavable
Quand la taille de l’événement le permet, mutualiser le matériel.
🚬
Prévention des jets de mégots
Fournir des cendriers de poche et installer des bacs à sable.

La sensibilisation

De façon générale, il est important que les organisateurs apprennent à promouvoir intensivement l’utilisation des transports en commun. Ceci, en fournissant des informations précises quant aux horaires, aux liaisons et aux options disponibles. 

L’objectif est de faire connaître et de valoriser toutes les solutions alternatives au véhicule individuel, qui doit être délaissé autant que possible. 

Certains festivals tels que We Love Green intègrent désormais ces informations dans leurs communications en amont de l’évènement. 

De son côté, Billie Eilish avait annoncé un partenariat avec Google Maps dans le cadre de sa tournée mondiale, Hit Me Hard And Soft: The Tour. L'idée : aider les fans à trouver des transports écologiques et des itinéraires économes en carburant (transports en commun, itinéraires pédestres et cyclables) ainsi que des options alimentaires à base de plantes dans les villes visitées lors de la première étape de la tournée en Amérique du Nord.

Mais le transport n’est pas le seul sujet auquel les artistes et leurs équipes peuvent contribuer à sensibiliser.

À l'occasion de sa tournée Music of the Spheres, Coldplay avait positionné des vélos électriques en pleine fosse. Ces vélos, une fois activés, permettaient au public de contribuer à alimenter la salle de concert en énergie. De même que le plancher cinétique qui avait été installé, là encore, au niveau de la fosse.

Bien sûr, cette contribution n’aurait en aucun cas permis de répondre à elle seule aux besoins énergétiques induits - loin s’en faut. Il ne s’agissait pas de compter sur ces vélos ou ce sol pour assurer le show. 

Pour autant, ces idées constituaient un formidable outil de sensibilisation. Une manière, pour une fois, de débarrasser le sujet de la transition de son image austère, rébarbative et contraignante, pour en faire une activité amusante et ludique, tout en sensibilisant au fait que l’énergie qui rend possible l’ensemble de nos activités n’est pas issue du néant - contrairement à ce que peut parfois laisser penser son caractère impalpable.
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Bashing et débats

En 2019, le groupe Coldplay avait donc décidé de mettre sur la table le sujet de son impact environnemental, en proposant de premières solutions en vue d'y remédier. 

Une initiative inédite à ce niveau, qui n’a pas manqué de s’attirer des commentaires parfois insultants (les membres de Coldplay ont par exemple été taxés “d’idiots utiles du greenwashing”). Or, si on peut légitimement évaluer le bilan de cette fameuse tournée pour en tirer les enseignements, le dénigrement, lui, ne s'inscrit en rien dans cette démarche constructive.

On ne peut pas, d’un côté, sommer les professionnels du spectacle vivant de réduire leur impact environnemental, et de l’autre, leur tirer dessus à boulets rouges dès qu’ils ont le malheur de tenter quelque chose.

Pour sûr, nous ferions de jolies économies de CO2 si nous décidions de mettre un terme aux manifestations de type concert et festival dans l’intérêt de la lutte contre le changement climatique. C'est ce qu'a décidé le groupe Shaka Ponk le 30 novembre dernier, en faisant définitivement ses adieux à la scène...

Mais est-ce vraiment la bonne solution ? Faut-il mettre à égalité une sphère culturelle qui contribue au maintien du peu de lien social qu'il nous reste (à une époque où nous passons un temps considérable devant nos écrans), et des entreprises produisant des vêtements de piètre qualité que personne ne portera jamais - ou si peu ?

Ce débat n'est pas propre au spectacle vivant : il concerne un spectre beaucoup plus large englobant, en vérité, la totalité de nos activités sur le plan économique.

Devrait-il donc exister une forme de "hiériarchie" entre secteurs d'activité, fondée sur leur degré de contribution au bien-être global de la société ?

C'est une question épineuse, mais qui ne devrait pas être ignorée.

Bibliographie

Rio : après la mort d’une fan au concert de Taylor Swift, l’organisateur de l’événement présente ses excuses, Le Figaro, https://www.lefigaro.fr/musique/rio-apres-la-mort-d-une-fan-au-concert-de-taylor-swift-l-organisateur-de-l-evenement-presente-ses-excuses-20231123

Code du travail, Légifrance, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006178235/#LEGISCTA000006178235

Au festival Burning Man, "l'exode" hors du bourbier en plein désert peut commencer, France24, https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20230905-au-festival-burning-man-l-exode-hors-du-bourbier-en-plein-d%C3%A9sert-peut-commencer

Canicule: comment les salles de spectacle font face au coup de chaud, Le Figaro, https://www.lefigaro.fr/culture/canicule-comment-les-salles-de-spectacle-font-face-au-coup-de-chaud-20190627

La mutation écologique du spectacle vivant, Syndéac, https://www.syndeac.org/wp-content/uploads/2023/04/www.syndeac.org-livret-la-mutation-ecologique-spectacle-vivant-syndeac.pdf

Indochine dévoile le dispositif exceptionnel de sa tournée "Central Tour", Nostalgie, https://www.nostalgie.fr/artistes/indochine/actus/indochine-devoile-le-dispositif-exceptionnel-de-sa-tournee-central-tour-70248122

Le Décathlon Aréna - Stade Pierre Mauroy, Lille Métropole, https://www.lillemetropole.fr/decathlon-arena-stade-pierre-mauroy

360° Tour : Un show spectaculaire et démesuré signé U2, Nostalgie, https://www.nostalgie.fr/artistes/u2/actus/360deg-tour-un-show-spectaculaire-et-demesure-signe-u2-70248479

Ed Sheeran : « Je veux remplir le Stade de France », INA, https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/ed-sheeran-concert-stade-de-france-paris

Plus de 90 semi-remorques pour le concert, Ouest-France, https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/plus-de-90-semi-remorques-pour-le-concert-4adc1bdc-0488-11ee-acde-72b4f1744449

Éco-conception dans le spectacle vivant : où en est-on ?, Art Cena, https://www.artcena.fr/fil-vie-pro/eco-conception-dans-le-spectacle-vivant-ou-en-est

Music of the Spheres World Tour, https://sustainability.coldplay.com/section/power/

PLAN DE DEPLACEMENTS FESTIVALIER, Le Collectif des Festivals, https://www.lecollectifdesfestivals.org/collectif/wp-content/files/Plan_Deplacement_Collectif.pdf

Trainline and Glastonbury encourages festival-goers to take the train, Sustainability Beat, https://www.sustainability-beat.co.uk/2024/04/25/trainline-glastonbury/

Infos pratiques, WeLoveGreen, https://www.welovegreen.fr/infos-pratiques/

Billie Eilish s’associe à Google Maps pour offrir à ses fans des options écologiques et durables pour sa tournée, L'observatoire de l'Europe, https://www.observatoiredeleurope.com/billie-eilish-sassocie-a-google-maps-pour-offrir-a-ses-fans-des-options-ecologiques-et-durables-pour-sa-tournee_a43729.html#google_vignette

Coldplay et l’écologie : comment aller plus loin ? Coldplay France, https://coldplay-france.com/coldplay-et-lecologie-comment-aller-plus-loin/

Coldplay accusé de "greenwashing" après un partenariat avec un groupe pétrolier controversé, BFMTV, https://www.bfmtv.com/people/musique/coldplay-accuse-de-greenwashing-apres-un-partenariat-avec-un-groupe-petrolier-controverse_AN-202205120362.html

Shaka Ponk a donné son dernier concert avant d’arrêter la musique pour des raisons écologiques, The Huffington Post, https://www.huffingtonpost.fr/culture/video/shaka-ponk-a-donne-son-dernier-concert-avant-d-arreter-la-musique-pour-des-raisons-ecologiques_242977.html