
Comprendre les scopes d’émissions 1, 2 et 3
Pour évaluer correctement son empreinte carbone, une entreprise doit étudier ses scopes d'émissions 1, 2 et 3. Mais de quoi s'agit-il ?
ESG / RSE
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Une explication simple du marché du carbone européen (SEQE-UE)
Les dérives qu'il a entraîné et les solutions qui ont été mises en place pour y remédier
Souvent mal compris, le quota carbone compte pourtant parmi les principaux outils créés à l'échelle européenne, en vue de décarboner le Vieux Continent.
Mais qu'est-ce qu'un quota carbone exactement ? Est-il différent du crédit carbone ? Quelles sont ses vertus ? Ses limites ? Le système d’échange de quotas d’émissions est-il en danger ?
Un quota carbone est un titre donnant "droit" à l'émission d'une tonne de CO₂ équivalent (CO₂e).
Ce “droit à polluer” constitue le mécanisme fondateur du marché carbone. À l'échelle européenne, le marché carbone est aussi connu sous le nom de Système d'échange de quotas d'émissions (SEQE) (ou Emissions Trading Schemes (ETS)).
Pour faire simple, une entreprise soumise aux règles du marché carbone doit, pour chaque tonne de CO₂ émise, être en mesure de présenter un quota carbone qui justifie son droit à émettre cette quantité de CO₂.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'un quota carbone n'est pas gratuit. Tout l'objet du Système d'échange de quotas d'émissions (SEQE) est justement de facturer aux entreprises les émissions de gaz à effet de serre (GES) qu'elles émettent.
Arthur Olivier
Toutel'europe.eu
Guillaume Verger, pour Le Figaro (13 février 2025)
Senior Sales Manager pour Vertis Environmental Finance
Les quotas et les crédits carbone ne doivent pas être confondus. Non seulement leur nature diffère, mais ils appartiennent à deux mécanismes indépendants l'un de l'autre.
Là où, comme nous venons de le voir, le quota carbone fait partie du SEQE, le crédit carbone, lui, s'intègre au marché de la compensation carbone volontaire.
Le crédit carbone est un titre, lui aussi. Mais contrairement au quota carbone, il est émis quand une organisation développe un projet permettant de réduire nos émissions ou d'en séquestrer une partie. Ce titre peut ensuite être acheté par une organisation tierce désireuse de soutenir une telle action.


À titre d'exemple, en 2020, 2,2 milliards de quotas carbone ont été ainsi distribués.
Si une entreprise a émis plus que ce qu'elle en avait le droit, le quantité de quotas d'émissions fourni au début de l'année ne suffira cependant pas.
Dans ce cas de figure, l'entreprise se voit contrainte de se procurer des quotas d'émissions supplémentaires. Elle peut les acheter :
Toute entreprise qui ne respecte pas les règles et ne restitue pas les quotas dûs s'expose à une amende de 100 euros par tonne de CO₂ excédentaire.
Les quotas d'émissions sont d'abord mis aux enchères sur la plateforme European Energy Exchange (EEX). Les revenus de ces enchères sont ensuite redistribués aux États membres de l'UE. En principe, 50 % doit être investi dans le développement durable.
Certains quotas sont distribués gratuitement aux industries soumises à une forte concurrence étrangère — concurrence qui n'est généralement pas tenue de respecter une telle réglementation. Il s'agit de parer à la délocalisation de ses activités hors des frontières de l'UE.
En principe, le prix du quota carbone est naturellement destiné à augmenter. Car in fine, l'objectif de l'Union européenne est d'inciter ses pays membres à réduire le montant de leurs émissions.
C'est la raison pour laquelle elle abaisse régulièrement son plafond d'émissions annuelles. Chaque fois que le plafond est abaissé, la quantité de quotas carbone disponibles sur le marché diminue elle aussi de façon logique. Les quotas se raréfient et le prix augmente, car ce dernier est également régi par la loi de l'offre et de la demande : le prix du carbone à la tonne augmente lorsque les quotas sont très demandés.


Malheureusement, la création des quotas carbone a donné lieu à une tentative de fraude d'envergure mondiale en 2008. Surnommée “l’escroquerie du siècle”, elle est aussi régulièrement évoquée dans les médias sous le nom de "fraude à la TVA sur les quotas carbone".
Il est important de souligner que la manière dont cette escroquerie a parfois été désignée était erronée. Il ne s'agissait en aucun cas d'une “fraude à la taxe carbone”. La taxe carbone désigne un tout autre dispositif. Par ailleurs, la taxe carbone française n'a vu le jour qu'en 2014 — elle ne pouvait donc pas faire l'objet d'une fraude en 2008.
"L'escroquerie du siècle" consistait à acheter des quotas d'émission hors taxe dans un pays étranger, pour ensuite les revendre en France à un prix incluant cette fois-ci la TVA.
Après quoi, les fonds récoltés via cette opération étaient utilisés pour acheter de nouveaux quotas hors taxe et ainsi de suite. La TVA, elle, n'était évidemment jamais reversée à l'État. Au total 283 millions d'euros de TVA ont ainsi été détournés par les auteurs de la fraude.
Fraude qui aura finalement valu aux deux des principaux prévenus (Marco Mouly et Arnaud Mimran) d'écoper de 8 ans de prison et 1 million d’euros d’amende — sans compter les 283 millions d'euros de dommages et intérêts dûs à l'Etat.
Avec l’apparition du marché carbone, une économie secondaire a vu le jour. Ainsi, certaines entreprises bénéficiant des quotas gratuits distribués par l'UE en ont reçu bien trop de quotas comparativement à leurs besoins réels. Résultat : ces dernières ont pu les revendre et engrenger des profits supplémentaires.
Selon le rapport de l'organisation Carbon market Watch, entre 30 et 50 milliards de dollars de profit ont été réalisés au niveau mondial entre 2008 et 2019. Hélas, seulement un quart de ces profits auraient été réinjectés dans des programmes environnementaux. Pire encore : une partie aurait été allouée à des projets polluants.
Toujours d’après le rapport de CMW, sur la période 2008-2019, l’industrie aurait reçu 37 Mt de quotas en trop, soit l’équivalent de 1,6 milliards de dollars de profits généreusement offerts par l’Union Européenne.


De fait, si le prix du quota est très faible, il devient plus rentable d’acheter des quotas plutôt que d'investir dans la réduction de ses émissions.
Or, ces dernières années, le prix du quota carbone a régulièrement chuté pour tomber parfois à moins de 5 €. Ce qui a eu pour conséquence d’inciter à l’achat de quotas carbone plutôt qu’à la réduction des émissions — un comble.
Pour tenter de contrer cette baisse de prix, la Commission Européenne a cependant mis en place certaines règles :
Arthur Olivier
Toutel'europe.eu
L’Europe ne cache pas ses ambitions : une réduction de 62 % des émissions d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2005 et sur les secteurs concernés par le SEQE).
Arthur Olivier
Toutel'europe.eu
En dépit des couacs, l'UE ne semble donc pas prête de baisser les bras dans ce domaine... Au point, d'ailleurs, de travailler à la mise en place d'un second marché du carbone - qui devrait être spécifique aux secteurs du chauffage des bâtiments et du transport routier. Ce second marché devrait normalement voir le jour en 2027 (avec possibilité de report à 2028).
Une tendance finalement assez conforme à ce qui est est observé au-delà des frontières de l'Europe.
Guillaume Verger, pour Le Figaro (13 février 2025)
Senior Sales Manager pour Vertis Environmental Finance