
Comprendre les scopes d’émissions 1, 2 et 3
Pour évaluer correctement son empreinte carbone, une entreprise doit étudier ses scopes d'émissions 1, 2 et 3. Mais de quoi s'agit-il ?
ESG / RSE
Secteurs d'activité



Les questions soulevées par ces appels répétés à “davantage de transparence”
Ce que cette transparence implique si nous voulons qu’elle soit constructive et non délétère
Société de l’information continue (et souvent approximative), crise de confiance, scandales à répétition, opacité perçue, besoin “d’authenticité”... Autant d'éléments de contexte qui nous amènent, plus que jamais, à plébisciter plus de transparence de la part des entreprises et de tout le monde en général ― des artistes aux politiques, en passant par les influenceurs.euses.

Tel qu’on l’entend aujourd’hui, la transparence fait référence à une forme d’idéal d’accessibilité et de lisibilité de l’information. Quel que soit le domaine dont on parle, si nos interlocuteurs.rices “font preuve de transparence” à notre égard, alors ça signifie qu’en théorie, aucune des informations qui sont susceptibles de nous intéresser ne nous sont dissimulées.
Le concept en lui-même n’est pas récent. Si elle n’était pas nommée comme telle, la transparence figurait déjà dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789)
Article 15
De tout temps, la transparence a donc été une sorte d’outil coercitif : il s’agissait et il s’agit encore, par son biais, d’exercer une forme de contrôle et de forcer les individus à se conformer aux attentes de la société.
Jean‑François Kerléo, pour Acteurs publics (22 avril 2024)
Spécialiste en droit public
Mais la transparence n’est pas qu’une affaire publique. Dans son acception la plus large, la transparence s’applique également aux domaines des relations que nous entretenons avec nos proches.
Sans tourner autour du pot : qu’entend-on exactement par le fait “d’être transparent avec quelqu’un” ? Est-ce ne pas avoir de secret pour cette personne ? Simplement ne pas mentir lorsqu’elle nous pose une question ? Est-ce la même chose de faire preuve de transparence et d’être honnête ?
L’honnêteté est réactive, là où la transparence est proactive. Quand on est transparent, on prend les devants et on anticipe les questions et les problématiques ― a fortiori quand elles fâchent.
L’opinion publique, souvent, attend plus : elle attend, par exemple, qu’une entreprise aborde d’elle-même un certain nombre de sujets (son impact environnemental entre autres choses).
Résultat : oui, on peut être taxé de “manque de transparence” sans avoir nécessairement menti… Et c’est là que le débat s’ouvre. Le “manque de transparence” est-il forcément toujours un problème ? Doit-on vraiment tout dire ? Est-ce seulement souhaitable ?

La transparence ne présente pas que des bénéfices. Surtout quand les attentes des parties prenantes deviennent proprement déraisonnables. Un exemple ? Depuis maintenant quelques années, nous sommes entré.e.s dans une phase de transition : celle de la transition écologique, plus précisément.
Or, beaucoup d’entreprises et de personnalités se trouvent parfois prises à revers lorsqu’elles communiquent au sujet des changements qu’elles opèrent d’ores et déjà, au motif qu’elles ne sont pas encore irréprochables en tout point ― c'est notamment vrai sur les réseaux sociaux, mais pas que.
D’une certaine manière, rien n’est jamais assez bien. Les efforts opérés sont disqualifiés d’entrée de jeu, si le bilan d’ensemble n’est pas parfait. Au point que certain.e.s préfèrent maintenant ne plus rien dire du tout (c’est ce qu’on appelle le greenhushing). Un phénomène qui n’a rien d’une victoire, car si les entreprises, par exemple, ne communiquent plus du tout, comment les consommateurs.rices vont-ils pouvoir faire la différence et privilégier les marques qui avancent dans le bon sens, au détriment de celles qui traînent la patte ?
D’un autre côté, on ne peut que légitimement comprendre cette montée en puissance de la demande de transparence, quand on constate par exemple la dangerosité des produits et substances auxquels nous avons été exposé.e.s sans le savoir pendant des décennies (PFAS, pesticides, etc.). Mais alors, où faut-il poser la limite ?
WOO (5 septembre 2024)
Agence spécialisée dans l’influence
La nature humaine étant ce qu’elle est, asseoir la transparence en tant que principe fondateur (tel que nous l’avons fait en 1789) semble indispensable.
Il s’agit de permettre à chacun.e d’opérer ses choix en conscience, mais aussi de lutter contre un sentiment de méfiance et de défiance croissant au sein de notre société.
Prenons un exemple : celui de la transition écologique et de la question énergétique, qui sous-tend chaque aspect de notre quotidien au sein des pays développés. Il est proprement illusoire d’espérer qu’une société qui a passé 200 ans à fonder le moindre aspect de son fonctionnement (et de son mode de pensée) sur une exploitation débridée des énergies fossiles va pouvoir remédier au problème en un claquement de doigts. Quand bien même nous aurions la possibilité de les remplacer du jour au lendemain par les renouvelables, ce bouleversement (le mot est faible) aurait des conséquences dont bien peu d’entre nous prennent la mesure aujourd’hui. Quant à savoir si nous y consentirions sans broncher...
Vaclav Smil, dans Comment marche vraiment le monde (Editions Cassini)
Chercheur spécialiste de l'énergie et du climat

Lorsqu’on parle d’une organisation, il existe deux grands types de transparence :
Dans un cas comme dans l’autre, la crainte du jugement et des critiques nous amène parfois à penser que “faire preuve de transparence”, c’est montrer à quel point nous sommes des modèles de vertu.
Pourtant, le plus souvent, la transparence consiste à dresser un état des lieux objectif de la situation telle qu’elle est, pas telle qu’on aimerait qu’elle soit. D’où le problème que pose cette éternelle (et vaine) quête d’irréprochabilité.
Solenne Faure, sur Welcome to The Jungle (1er février 2023)
Rédactrice
Une communication transparente réussie :
Si vous voulez faire preuve de transparence vis-à-vis de vos parties prenantes (internes ou externes), offrez-leur simplement la possibilité de se mettre à votre place. Permettez-leur de comprendre la manière dont vous percevez le monde qui vous entoure.
L'empathie est la clé (toute proportion gardée, inutile de verser dans le mélodrame). Ce n’est pas pour ça que tout le monde sera nécessairement d’accord avec vous et vos décisions, mais on ne pourra pas vous reprocher d’être opaque.
En général, nombre de vos interlocuteurs.rices ne disposent pas de connaissances approfondies sur votre secteur et vos problématiques ― c’est particulièrement le cas pour ce qui relève des interlocuteurs.rices externes. Et c’est la raison pour laquelle, en prenant le temps d’expliquer, vous désamorcez déjà les critiques qui auraient pu être formulées sur la base d’une analyse erronée de ce qu’est votre situation.
Un exemple ? En octobre 2025, la marque de matcha Anatae a fait savoir par mail à ses client.e.s que les prix de ses produits allaient augmenter dans les semaines à venir. Elle a donc pris les devants :
Cet exemple est particulièrement intéressant, dans la mesure où la volonté de l'entreprise de faire preuve de transparence est allée bien au-delà de la seule information de sa clientèle. Elle a proposé d'ouvrir le dialogue avec cette dernière.
Conclusion ? La transparence est une bonne chose. Plus encore, une opportunité de renouer des liens de confiance au sein d'une société hélas de plus en plus méfiante. Mais la transparence ne constitue pas une fin en soi : il s'agit de restaurer une forme de dialogue entre les différents groupes qui constituent cette société (individus, entreprises, etc.), même si cela implique de devoir aborder des sujets délicats.