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Les solutions de Greenly
Face à la domination de ChatGPT et à l'offensive technologique chinoise avec DeepSeek, la France dévoile un plan d'investissement historique de 110 milliards d'euros.
Une initiative qui soulève des questions cruciales sur la compatibilité entre souveraineté numérique et transition écologique, alors que l'IA s'impose comme l'une des industries les plus énergivores au monde.
Dans son rapport remis à la Commission européenne fin 2024, Mario Draghi dresse un tableau alarmant de la situation du continent, "piégé dans une trappe à technologie moyenne". Une dépendance croissante qui menace non seulement la souveraineté numérique européenne, mais aussi sa capacité à peser dans l'échiquier mondial.
Dans cette course effrénée, les États-Unis frappent fort.
Le projet Stargate, porté par Donald Trump, mobilise 500 milliards de dollars d'investissements, dont 150 milliards pour les infrastructures physiques (data centers, usines de fabrication de puces, supercalculateurs) et 350 milliards pour le développement logiciel et l'optimisation des modèles d'IA. Ce programme colossal est soutenu par OpenAI, Oracle et SoftBank, qui y voient l’opportunité d’étendre leur domination sur le marché mondial de l’intelligence artificielle.
Cette offensive massive éclipse de fait le plan climat de Joe Biden, qui prévoyait 370 milliards de dollars d’investissements pour la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Face à cette démonstration de force, Pékin réplique : DeepSeek, sa réponse à ChatGPT, promet une efficacité énergétique accrue et bénéficie d’un financement massif pour renforcer l’indépendance technologique chinoise.
Si ChatGPT devait traiter autant de requêtes que Google - soit 8,5 milliards par jour -, la consommation énergétique dépasserait les capacités mondiales actuelles. Aujourd'hui déjà, les data centers d'IA engloutissent 2 % de l'électricité mondiale, une proportion qui pourrait grimper jusqu'à 4 % d'ici 2030 selon France Info.
L'empreinte environnementale de l'IA ne se limite pas à sa phase d'entraînement.
Plus inquiétant encore, 60 à 70 % de la consommation énergétique provient de l'utilisation quotidienne des modèles. ChatGPT-3, avec ses 175 milliards de paramètres, consomme l'équivalent des émissions annuelles de 112 voitures à essence. Sans parler de l'empreinte hydrique : un simple email de 100 mots généré par ChatGPT-4 nécessite plus de 500 millilitres d'eau pour le refroidissement des serveurs.
Tâche IA | Énergie par 1 000 requêtes (kWh) | Émissions CO₂e par 1 000 requêtes | Équivalent énergétique |
---|---|---|---|
Classification de texte | 0,002 | ~0,3 g CO₂e | 💡 1 ampoule LED allumée pendant 10 min |
Génération de texte | 0,047 | ~7,5 g CO₂e | 📱 Charger un smartphone 5 fois |
Résumé de texte | 0,049 | ~8 g CO₂e | 📺 2 heures de TV LED |
Classification d'images | 0,007 | ~1,1 g CO₂e | 🍵 Faire bouillir de l'eau pour un thé |
Détection d'objets | 0,038 | ~6,1 g CO₂e | 🧹 30 minutes d'aspirateur |
Génération d'images | 2,9 | 1 594 g CO₂e | 🚗 4,1 km parcourus en voiture thermique |
La rencontre entre Alexis Normand, PDG de Greenly, et Sam Altman d'OpenAI illustre le décalage entre ambitions affichées et réalité du terrain.
À la question cruciale du poids de l'empreinte carbone au sein de leur modèle, la réponse du patron d'OpenAI reste évasive : "Frankly, not a lot!".
En parallèle, les émissions des géants du cloud ont bondi de 30 % en 2024, malgré leurs engagements climatiques.
La dépendance aux infrastructures étrangères est criante : la majorité des données stratégiques françaises transitent par les clouds américains - AWS, Microsoft Azure, Google Cloud.
Une situation que le plan de 110 milliards d'euros d'Emmanuel Macron entend corriger.
Le président français mise sur "l'avantage unique au monde de l'énergie décarbonée nucléaire" pour positionner le pays dans la course mondiale. Une stratégie qui soulève autant d'espoirs que de questions sur sa viabilité à long terme.
Cette spécificité française, fruit d'années d'investissements dans le nucléaire et les énergies renouvelables, pourrait bien devenir la clé de voûte d'une stratégie nationale en matière d'intelligence artificielle responsable.
Une déclaration qui s'accompagne d'actions concrètes : optimisation des algorithmes, déploiement de data centers alimentés par des énergies décarbonées, et réglementations favorisant l'adoption de technologies sobres en énergie.
L'ambition française ne s'arrête pas là, cependant.
Le pays souhaite investir massivement dans la recherche d'architectures informatiques innovantes, notamment les processeurs spécialisés (TPU, FPGA), capables de réduire significativement la consommation énergétique des systèmes d'IA.
Une approche qui pourrait positionner l'Hexagone comme pionnier d'une technologie alliant performance et responsabilité environnementale.
Derrière les promesses d'une IA vertueuse se cachent des défis colossaux.
Jean-Marc Jancovici, figure de proue de la transition énergétique, pointe du doigt une réalité souvent occultée.
L'exemple irlandais résonne comme un avertissement : la multiplication des data centers sur l'île a provoqué une crise énergétique sans précédent, mettant en péril l'approvisionnement des foyers.
Aux États-Unis, une enquête de Bloomberg révèle des tensions croissantes entre communautés locales et géants du numérique, particulièrement dans les zones rurales où l'installation d'infrastructures massives fait flamber les factures d'électricité.
La France, prise dans cette course mondiale à l'IA, semble davantage subir que maîtriser sa trajectoire technologique. Entre la compétition sino-américaine et les impératifs de souveraineté numérique, le pays cherche sa voie, non sans difficultés.
L'avenir de l'IA française se trouve à la croisée des chemins.
Si le pays veut réussir son pari d'une intelligence artificielle durable, il devra éviter l'écueil d'un développement technologique débridé au détriment d'autres secteurs clés de la transition écologique. En 2023, l’agriculture durable en France n’a reçu que 4 milliards d’euros d’aides publiques, soit près de 30 fois moins que le plan IA.
Mais la question fondamentale demeure : une IA véritablement durable est-elle atteignable, ou ne fait-on que repousser l'échéance d'une crise énergétique annoncée ?