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La compensation carbone : l'ultime solution écologique ou l'escroquerie climatique du siècle ?
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La compensation carbone : l'ultime solution écologique ou l'escroquerie climatique du siècle ?

ESG / RSEContribution
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La compensation carbone (ou contribution carbone) fait régulièrement débat, y compris chez les spécialistes de l'environnement. Explications.
ESG / RSE
2024-11-22T00:00:00.000Z
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En avril dernier, SBTi créait une vive polémique en se déclarant en faveur de l’utilisation des crédits carbone en substitution d’une partie des réductions des émissions des entreprises sur le scope 3.  L’occasion d’interroger plus largement le concept de compensation carbone au regard des défis climatiques.

Un peu d’histoire

Le concept de compensation carbone est loin d’être nouveau. Né en 1997 dans le cadre du protocole de Kyoto, il s’agissait à l’origine d’un mécanisme de solidarité envers les pays en voie de développement ne pouvant pas s’engager dans une trajectoire de diminution de leurs émissions de CO2. 

Les années 2000 voient ensuite émerger le marché volontaire du carbone, permettant aux entreprises et aux particuliers de compenser volontairement leur empreinte carbone en finançant des projets environnementaux permettant le stockage, la réduction ou l’évitement de gaz à effet de serre.

C’est un marché qui se perfectionne depuis 20 ans et dont les méthodologies ont été développées en premier lieu par des experts de la Convention Cadres des Nations Unies pour le Changement Climatique. En 2019, il a connu un vrai envol. C’est à ce moment-là que les ONG ont commencé à le regarder de plus près,  relate Jérôme Beilin, Directeur général et cofondateur de Removall Carbon, une société spécialisée dans le développement et le financement de projets carbone certifiés.

Dès lors, les critiques se sont faites de plus en plus pressantes, “mais avec les progrès de la science, et les polémiques, on avance vers des méthodologies de plus en plus précises et des standards de certification de plus en plus robustes”, poursuit notre interlocuteur.

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Compensation carbone : une vague de controverses successives

Toujours est-il qu’en 2023, un article du Guardian a fait grand bruit en laissant supposer  que plus de 90 % des crédits carbone liés à la déforestation étaient probablement des “crédits fantômes”, et ne “représentaient pas de réductions réelles des émissions”. Cette enquête visait le standard Verra acteur historique aux côtés du Gold Standard.

Typiquement, il pouvait s’agir de projets à bas coût visant à protéger une parcelle d’un risque de déforestation. Sauf que la plupart de ces parcelles n’étaient en réalité pas menacées, illustre Marine Kohler, en thèse CIFRE à Greenly et CentraleSupélec.

En avril dernier, ce fut ensuite au tour de SBTi de créer la polémique en se déclarant favorable à l’utilisation par les entreprises des crédits carbone pour atteindre une partie de leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2, notamment sur une partie des émissions du scope 3.

En réponse à cette prise de position controversée, des acteurs historiques ont pris la parole à l’image de Carbone 4 et son fondateur Jean-Marc Jancovici. C’est aux côtés de ce dernier que Timothée Quellard, cofondateur d’ekodev, un cabinet de Conseil RSE & Stratégie Climat (racheté par le groupe EPSA), a co-signé une tribune

Qu’on se le dise, il s’agit d’un débat de puristes. Reste qu’il s’agissait pour nous d’un mauvais signal envoyé aux entreprises, comme si elles pouvaient aller directement à la case compensation sans avoir mené au préalable une analyse complète des émissions dont elles sont directement responsables, et des choix qu’elles ont opérés sur la chaîne de valeur. Ce n’est qu’en troisième lieu que doit se poser la question de l’offsetting pour financer la compensation et séquestration carbone en dehors de la chaîne de valeur, nous explique-t-il.

En d’autres termes, si toutes les entreprises se contentaient d’externaliser le sujet via la compensation carbone, il faudrait 6 ou 7 planètes pour tolérer les activités humaines.

une forêt

“La compensation carbone fait cependant partie de l’équation”

Dans la feuille de route des accords de Paris, nous devons diminuer par 4 ou 5 les émissions de carbone, mais aussi améliorer les puits de carbone, poursuit-il.

Et pour cause : toute activité humaine induit nécessairement une part incompressible d’émissions de carbone. Des émissions en partie absorbées par les océans et les forêts via la photosynthèse, d’où l’importance des projets de compensation pour protéger ou régénérer ces puits de carbone.
Pour Jérôme Beilin, il est également important de rappeler que le SBTi autorise déjà le recours aux achats de certificats d’énergie renouvelable (RECs) dans le scope 1 et 2. Ces derniers certifient que leur détenteur possède un mégawattheure (MWh) d'électricité à zéro émission de carbone.

Les RECs partagent les mêmes mécanismes que les crédits carbone. Dès lors, si l’on questionne les crédits carbone pour le scope 3, pourquoi ne pas remettre en cause les RECs pour le scope 1 et 2 ? s’interroge-t-il.

D’autant que les RECs ne sont pas soumis aux mêmes critères d’exigence que les crédits carbone, et notamment au critère d’additionnalité. En outre, ce dernier point est remis en question par les communautés scientifiques et techniques, mais pas par SBTi.

Il ajoute que plusieurs études (l’une émanant de MSCI) démontrent que les entreprises qui achètent des crédits carbone mesurent mieux leur empreinte carbone, maîtrisent davantage leur risque climat et sont plus nombreuses à embrasser une trajectoire de réduction de leurs émissions validées par le SBTi.

Pour ma part, je suis pragmatique, et je crois qu’il est vraiment difficile pour les entreprises de respecter cette trajectoire de moins 90% de réduction d’empreinte carbone. En supprimant la possibilité de recourir aux  certificats d'attributs énergétiques (en considérant que les EAC sont de l’offset, ndlr) et notamment aux crédits carbone, je pense que certaines entreprises se désengageront du SBTi et abandonneront leur trajectoire carbone, poursuit-il.

De son côté, Timothée Quellard s’interroge sur le juste dosage à trouver.

Il ne faudrait effectivement pas sanctionner ceux qui essaient de s’améliorer. Peut-être faut-il accepter l’imperfection pour avancer.

Et chez Greenly, ça se passe comment ?

En tant que plateforme permettant aux entreprises de mesurer, piloter et réduire leurs émissions de CO2, nous avons bien entendu suivi de près les différentes controverses et revu certains de nos critères dans la mise en avant des projets d’offsetting proposés par notre partenaire Patch. Déjà, il faut savoir que les projets de compensations carbone ne concernent aujourd’hui pas plus de 10 % de nos clients.

Il est vrai que l’intérêt pour ce marché a beaucoup chuté dernièrement. 10% des émissions de leur année de référence, c’est aussi le volume maximal d’offsetting que nous encourageons auprès de nos clients. Notons toutefois que les entreprises ont encore beaucoup d’intérêts économiques à acheter des crédits carbone et à continuer de polluer étant donné l’existence de projets à des prix très faibles sur le marché, regrette Marine Kohler.

Le message est donc clair : il est fondamental de travailler d’abord à la réduction des émissions de CO2 en amont et en aval de la chaîne de valeur. Quant à la compensation carbone, il est aujourd’hui nécessaire de veiller à financer des projets de meilleure qualité.

C’est ce à quoi nous nous sommes attelés en redéfinissant un certain nombre de nos critères de sélection.

  1. Nous excluons désormais tous les projets de protection des forêts qui représentent la majorité de ceux proposés à bas coût. “Il est difficile de quantifier réellement le volume d’émissions séquestrées et de savoir si certaines parcelles sont vraiment menacées”, explique notre interlocutrice. 
  2. Les projets finançant les énergies renouvelables sont également exclus en ce que les installations sont déjà compétitives sur le marché de l’énergie. “Sauf exceptions, il n’y a pas nécessité à faire appel à un marché extérieur, donc ce n’est pas additionnel”, précise Marine Kohler.
  3. Nous n’avons pas non plus retenu les projets d’évitement ou de séquestration carbone (reforestation, biomasse, captage du dioxyde de carbone dans l'air…). “Une partie de la littérature scientifique démontre qu’il y a des risques de réémission des émissions comme les feux, les maladies… Ce type de projet risque de ne pas séquestrer de carbone sur un temps assez long”, poursuit notre interviewée. 
  4. Enfin, notre recommandation est d’éviter les projets peu chers. “Les recherches montrent que plus un projet est cher, plus on observe d’attention à ses qualités de séquestration et de sûreté, ainsi qu’à ses externalités”, souligne notre experte Greenly. De plus, cette limite permet de limiter l’attractivité des projets d’offset pour nos clients et de les rediriger vers des actions de réductions moins coûteuses.

Un difficile équilibre dans un monde d’incertitudes

Bien sûr, nous ne pouvons pas agir avec certitude. Il est encore difficile d’auditer pleinement les impacts d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur.

Il faut que les labels continuent à se renforcer et qu’il y ait toujours plus de transparence sur ces sujets. Dans l’attente, nous avons tendance à pousser les projets de proximité qui permettent souvent aux entreprises de les visiter et de discuter avec les parties prenantes, affirme Marine Kohler.

Chaque décision comporte son lot d’inconvénients. On pourra par exemple nous reprocher de ne pas agir en faveur de la biodiversité en retoquant les projets liés aux forêts, mais nous avons tâché d’étudier les différentes répercussions à court, moyen et long terme.

Au final, nous opérons des choix en tentant de trouver un équilibre dans la gestion des risques, et suivons les évolutions des standards pour les faire évoluer, conclut notre interlocutrice

Loin d'être une solution miracle ou au contraire une imposture, la compensation demeure un levier complexe mais nécessaire dans la transition écologique. Pour garantir sa crédibilité, elle exige transparence, rigueur et, surtout, une priorisation des efforts de réduction des émissions directes. Elle ne doit pas devenir un raccourci pour les entreprises cherchant à éviter l'indispensable travail de réduction collaboratif et ambitieux avec toutes les parties prenantes, essentiel pour lutter contre chaque tonne de CO2.

Trouver un équilibre entre ambition climatique et pragmatisme reste essentiel dans un domaine en constante évolution, où la qualité des projets doit primer sur leur quantité.

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