Tout comprendre de la QHSE
Pour gagner en compétitivité, chaque entreprise doit répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux actuels. Zoom sur la norme QHSE.
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En avril dernier, SBTi créait une vive polémique en se déclarant en faveur de l’utilisation des crédits carbone en substitution d’une partie des réductions des émissions des entreprises sur le scope 3. L’occasion d’interroger plus largement le concept de compensation carbone au regard des défis climatiques.
Le concept de compensation carbone est loin d’être nouveau. Né en 1997 dans le cadre du protocole de Kyoto, il s’agissait à l’origine d’un mécanisme de solidarité envers les pays en voie de développement ne pouvant pas s’engager dans une trajectoire de diminution de leurs émissions de CO2.
Les années 2000 voient ensuite émerger le marché volontaire du carbone, permettant aux entreprises et aux particuliers de compenser volontairement leur empreinte carbone en finançant des projets environnementaux permettant le stockage, la réduction ou l’évitement de gaz à effet de serre.
Dès lors, les critiques se sont faites de plus en plus pressantes, “mais avec les progrès de la science, et les polémiques, on avance vers des méthodologies de plus en plus précises et des standards de certification de plus en plus robustes”, poursuit notre interlocuteur.
Toujours est-il qu’en 2023, un article du Guardian a fait grand bruit en laissant supposer que plus de 90 % des crédits carbone liés à la déforestation étaient probablement des “crédits fantômes”, et ne “représentaient pas de réductions réelles des émissions”. Cette enquête visait le standard Verra acteur historique aux côtés du Gold Standard.
En avril dernier, ce fut ensuite au tour de SBTi de créer la polémique en se déclarant favorable à l’utilisation par les entreprises des crédits carbone pour atteindre une partie de leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2, notamment sur une partie des émissions du scope 3.
En réponse à cette prise de position controversée, des acteurs historiques ont pris la parole à l’image de Carbone 4 et son fondateur Jean-Marc Jancovici. C’est aux côtés de ce dernier que Timothée Quellard, cofondateur d’ekodev, un cabinet de Conseil RSE & Stratégie Climat (racheté par le groupe EPSA), a co-signé une tribune.
En d’autres termes, si toutes les entreprises se contentaient d’externaliser le sujet via la compensation carbone, il faudrait 6 ou 7 planètes pour tolérer les activités humaines.
Et pour cause : toute activité humaine induit nécessairement une part incompressible d’émissions de carbone. Des émissions en partie absorbées par les océans et les forêts via la photosynthèse, d’où l’importance des projets de compensation pour protéger ou régénérer ces puits de carbone.
Pour Jérôme Beilin, il est également important de rappeler que le SBTi autorise déjà le recours aux achats de certificats d’énergie renouvelable (RECs) dans le scope 1 et 2. Ces derniers certifient que leur détenteur possède un mégawattheure (MWh) d'électricité à zéro émission de carbone.
D’autant que les RECs ne sont pas soumis aux mêmes critères d’exigence que les crédits carbone, et notamment au critère d’additionnalité. En outre, ce dernier point est remis en question par les communautés scientifiques et techniques, mais pas par SBTi.
Il ajoute que plusieurs études (l’une émanant de MSCI) démontrent que les entreprises qui achètent des crédits carbone mesurent mieux leur empreinte carbone, maîtrisent davantage leur risque climat et sont plus nombreuses à embrasser une trajectoire de réduction de leurs émissions validées par le SBTi.
De son côté, Timothée Quellard s’interroge sur le juste dosage à trouver.
En tant que plateforme permettant aux entreprises de mesurer, piloter et réduire leurs émissions de CO2, nous avons bien entendu suivi de près les différentes controverses et revu certains de nos critères dans la mise en avant des projets d’offsetting proposés par notre partenaire Patch. Déjà, il faut savoir que les projets de compensations carbone ne concernent aujourd’hui pas plus de 10 % de nos clients.
Le message est donc clair : il est fondamental de travailler d’abord à la réduction des émissions de CO2 en amont et en aval de la chaîne de valeur. Quant à la compensation carbone, il est aujourd’hui nécessaire de veiller à financer des projets de meilleure qualité.
C’est ce à quoi nous nous sommes attelés en redéfinissant un certain nombre de nos critères de sélection.
Bien sûr, nous ne pouvons pas agir avec certitude. Il est encore difficile d’auditer pleinement les impacts d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur.
Chaque décision comporte son lot d’inconvénients. On pourra par exemple nous reprocher de ne pas agir en faveur de la biodiversité en retoquant les projets liés aux forêts, mais nous avons tâché d’étudier les différentes répercussions à court, moyen et long terme.
Loin d'être une solution miracle ou au contraire une imposture, la compensation demeure un levier complexe mais nécessaire dans la transition écologique. Pour garantir sa crédibilité, elle exige transparence, rigueur et, surtout, une priorisation des efforts de réduction des émissions directes. Elle ne doit pas devenir un raccourci pour les entreprises cherchant à éviter l'indispensable travail de réduction collaboratif et ambitieux avec toutes les parties prenantes, essentiel pour lutter contre chaque tonne de CO2.
Trouver un équilibre entre ambition climatique et pragmatisme reste essentiel dans un domaine en constante évolution, où la qualité des projets doit primer sur leur quantité.