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Tantôt prônée comme une énergie indispensable à la transition écologique, tantôt décriée pour son rôle dans la pollution de l’air… C’est peu dire qu’il y a de quoi être perplexe.
Une bonne fois pour toutes, l’usage de la biomasse est-il bon ou mauvais pour l’environnement ? Pour quelles raisons ? S’agit-il d’un atout sur lequel nous pouvons miser pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Greenly fait le point.
Le seul terme de "biomasse" suffit généralement à semer la confusion dès le départ. De fait, il existe en réalité plusieurs définitions différentes se rapportant à ce terme.
Dans le Larousse, la “biomasse” est tout à la fois :
Dans cet article, nous nous concentrerons sur ces deux dernières définitions que nous pouvons d’ailleurs regrouper en une seule : la biomasse désigne toutes les matières organiques (comme le bois, les plantes, les déchets alimentaires, etc.) que l’on peut transformer en énergie.
Première parenthèse fermée. ;)
NB : dans le contexte que nous présentons ici, les matières organiques regroupent les matières d’origine végétale et animale (bois, résidus alimentaires, plantes, restes d’animaux, etc.).
La biomasse est donc une forme d’énergie comme il en existe d’autres : le solaire et l’éolien, par exemple.
Pour l’anecdote, la biomasse est la forme d’énergie la plus ancienne utilisée par l’espèce humaine, puisque les Hommes de la Préhistoire utilisaient déjà l’énergie biomasse lorsqu’ils faisaient du feu pour se réchauffer ou cuire leurs aliments.
Dans le langage courant et sur Internet, on parle souvent de la biomasse comme s’il s’agissait d’une chose uniforme.
Or, comme nous venons de le voir à l’instant, la biomasse désigne un ensemble de matières organiques très diverses.
Cette généralisation à l’excès - souvent utilisée par souci de praticité - pose parfois problème, car elle ne permet pas de saisir facilement la complexité des enjeux liés à la biomasse.
C’est le cas notamment lorsqu’on cherche à comprendre quel est l’impact environnemental réel du recours à la biomasse (nous y reviendrons plus bas dans cet article).
L’énergie biomasse peut être exploitée de différentes façons. En langage technique, on appelle cela la “valorisation”.
La biomasse permet en effet de générer trois formes d’énergie qui font partie intégrante de notre quotidien :
Ces différentes formes d’énergie seront respectivement obtenues en fonction de la nature de la technique employée pour “valoriser” la biomasse.
Il faut toutefois souligner que la biomasse est également utilisée pour produire tout un tas d’autres choses : colles, solvants, cosmétiques…
Cette pluralité des usages de la biomasse en font un sujet d’étude particulièrement intéressant dans le cadre de la transition écologique. Nous y reviendrons.
Pour ce qui concerne la chaleur et l’électricité, on distingue deux groupes de techniques : la voie sèche et la voie humide.
Ces deux voies englobent chacune différentes méthodes permettant chacune d’exploiter l’énergie biomasse.
Voie | Procédé | Principe | Produits | Utilisations |
---|---|---|---|---|
Sèche | Combustion | Oxydation complète du combustible avec excès d'air pour produire de la chaleur. | Chaleur, eau chaude, vapeur (pouvant produire électricité). | Chauffage urbain, chaudières biomasse, production d’électricité via turbine/moteur à vapeur. |
Gazéification | Réaction entre carbone de la biomasse et gaz (vapeur d’eau, CO₂) pour produire un gaz combustible. | Gaz combustible (H₂, CO), électricité après combustion du gaz. | Production d’électricité via moteur à combustion, cogénération. | |
Pyrolyse | Décomposition thermique de la matière sans oxygène pour produire charbon, huile et gaz. | Charbon de bois, huile pyrolytique, gaz combustible. | Traitement de biomasses, valorisation énergétique (encore en développement pour certains usages). | |
Humide | Méthanisation | Dégradation anaérobie de matière organique par des micro-organismes dans un digesteur chauffé. | Biogaz, digestat (résidu non biodégradable). | Production d’énergie (biogaz), fertilisation (digestat). |
La biomasse peut aussi être valorisée en vue de produire ce qu’on appelle des “biocarburants”.
Comme l’explique Connaissance des énergies, il existe 3 générations de biocarburants :
La biomasse est une énergie totalement dépendante du cycle de la matière vivante végétale et animale. Pour cette raison, elle est considérée comme renouvelable, uniquement si elle est consommée de sorte à respecter ce cycle.
Autrement dit, si nous surconsommons cette énergie au point de mettre à mal le cycle naturel de régénération dont la matière organique a besoin, alors la biomasse ne peut être considérée comme une énergie renouvelable, pour la bonne et simple raison que nous ne permettons justement pas son renouvellement.
Autre point d’attention : “renouvelable” ne veut pas dire “bas carbone”. Contrairement à ce qui est souvent dit, la biomasse n’est pas une énergie bas carbone.
Comme nous le verrons dans un instant, l’un des principaux problèmes de la biomasse est justement le fait qu’elle rejette tout un tas de choses dans l’atmosphère (y compris du CO2).
Mais dans ce cas, pourquoi certain(e)s la qualifient de “neutre en carbone” ?
Il n’est pas rare d’entendre dire ou de lire que la biomasse est "neutre en carbone". Néanmoins, cette affirmation mérite qu'on s’y attarde, car elle repose davantage sur une vision théorique que sur la réalité de ce qui se passe dans l’atmosphère.
Prenons un exemple simple : celui d’un arbre.
En tant que puits de carbone naturel, quand il grandit, un arbre absorbe du CO₂. Et lorsqu’il meurt - qu’il disparaisse naturellement ou qu’il soit coupé puis brûlé - ce CO₂ est relâché dans l’atmosphère.
Ceux et celles qui estiment que la biomasse est “neutre en carbone” partent du principe que si un nouvel arbre pousse pour remplacer celui qui a été utilisé, alors le cycle est bouclé : le dioxyde de carbone relâché par la combustion sera à nouveau capté par le nouvel arbre en croissance.
En théorie - mais en théorie seulement - le compte est bon. L’impact carbone est compensé.
Dans la pratique, deux problèmes viennent cependant compromettre la réalisation de cette théorie.
Un jeune arbre met des décennies à devenir adulte et donc à atteindre la capacité d’absorption d’un arbre adulte.
Or, quand on utilise un arbre pour créer de l’énergie, le CO₂ est relâché immédiatement.
Conclusion : l’impact climatique généré par cette utilisation est immédiat, alors que la "compensation", elle, interviendra sur une échelle de temps beaucoup plus longue — si toutefois elle a lieu.
Pour que la théorie évoquée plus haut fonctionne, il faut qu’un nouvel arbre soit effectivement planté, mais aussi qu’il parvienne à pousser dans de bonnes conditions.
S’il y a déforestation sans reboisement, ou que des événements climatiques catastrophiques adviennent (feux, sécheresse, etc.), le carbone émis n’est finalement pas réabsorbé.
Au regard de l’ensemble de ces réalités, vous serez sans doute surpris de lire dans un communiqué de l’ADEME que “les scénarios de transition écologique soulignent le rôle capital de la biomasse”.
Sauf que ce n’est pas incohérent du tout avec ce que nous venons de voir. Car en réalité, si la biomasse est très souvent évoquée sur le plan de son potentiel énergétique, elle présente de multiples facettes.
En outre, ce n’est pas parce que son utilisation en tant que source d’énergie doit être très encadrée que cela signifie qu’il faut absolument le bannir.
Pour dire les choses simplement, le recours à l’énergie biomasse est intéressant :
A contrario, si on coupe des forêts entières pour alimenter des centrales électriques à biomasse, alors on émet du CO₂ net, ici et maintenant — sans garantie de compensation réelle à court terme.
Si on schématise, il existe donc 4 critères auxquels nous devons particulièrement prêter attention : l’origine de la biomasse utilisée, sa quantité, son mode de valorisation et la finalité de son usage.
Usages de la biomasse | Sources ou matières utilisées | Valorisation ou effet recherché |
---|---|---|
Valorisation des déchets organiques | Restes alimentaires, boues d’épuration, résidus agricoles, effluents d’élevage | Production de biogaz (méthanisation) ou compost ; réduction du méthane ; économie circulaire |
Utilisation de résidus de bois ou sous-produits | Sciure, copeaux, écorces, branches d’élagage | Production de chaleur ou électricité sans abattre d’arbres supplémentaires |
Matériaux biosourcés dans le bâtiment | Chanvre, lin, miscanthus, ouate de cellulose, bois | Remplacement de matériaux polluants ; stockage de carbone ; durabilité |
Régénération des sols agricoles | Biochar, compost, cultures de couverture | Amélioration des sols ; stockage de carbone ; réduction des engrais chimiques |
En dépit des nombreux points de vigilance à observer, la biomasse est utile et son usage n’est en rien à proscrire. A fortiori dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes.
Car la biomasse présente un atout (et de taille) : il s’agit d’une ressource présente sur de nombreux territoires, accessible localement, et qui permet, dans certaines conditions, de produire de l’énergie ou des matériaux sans dépendre des énergies fossiles importées.
Attention toutefois à ne pas se leurrer : la biomasse n’est pas une solution miracle. Pour toutes les raisons que nous avons déjà évoquées, mais aussi parce que le changement climatique n’épargne pas la biomasse elle-même.
Les sécheresses, les incendies ou encore l’appauvrissement des sols peuvent compromettre la disponibilité et la qualité de la matière organique. En d'autres termes, la biomasse n’est pas une ressource indéfiniment exploitable, surtout si les écosystèmes qui la produisent sont eux-mêmes affaiblis.
Nous ne le répéterons jamais assez, mais le respect du cycle naturel de régénération est absolument fondamental.
Sans lui, la biomasse cesse d’être une énergie renouvelable et devient une énième ressource que l’on épuise. En revanche, en planifiant intelligemment son usage, nous pouvons en faire un atout complémentaire à d’autres solutions bas carbone.
Le mot de la fin ? La biomasse a toute sa place dans la transition écologique, mais elle doit être utilisée à bon escient, au bon endroit et au bon moment, dans une logique de sobriété et d'équilibre global.
Qu'est-ce que la biomasse ? EDF, https://www.edf.fr/groupe-edf/comprendre/production/thermique/biomasse
Biomasse, Larousse, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/biomasse/9439
Biomasse, Connaissance des énergies, https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/biomasse
Biomasse énergie, Ministère de la Transition Écologique, https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/biomasse-energie
Valorisation de la biomasse, Veolia, https://www.veolia.com/fr/solutions/valorisation-biomasse
Biomasse énergie : consommer moins et mieux, ENGIE Solutions, https://www.engie-solutions.com/fr/publications/dossiers-thematiques-biomasse
La biomasse, un enjeu stratégique de la transition écologique, ADEME, https://www.ademe.fr/presse/communique-national/avis-dexpert-la-biomasse-un-enjeu-strategique-de-la-transition-ecologique/
La biomasse énergie est-elle neutre en carbone, Citepa, https://www.citepa.org/wp-content/uploads/3.2-Biomasse-%C3%A9nergie-et-neutralit%C3%A9-carbone.pdf
Existe-t-il des énergies sans CO2, Jean-Marc Jancovici, https://jancovici.com/changement-climatique/quel-monde-ideal/existe-t-il-des-energies-sans-co2/
LA BIOMASSE ET LA NEUTRALITÉ CARBONE, Comité de la prospective de la CRE, https://www.cre.fr/fileadmin/Documents/Rapports_et_etudes/import/Rapport_GT1-__Comite_de_prospective_de_la_CRE_01.pdf