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Le Gulf Stream et ses enjeux, une explication simple
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Le Gulf Stream et ses enjeux, une explication simple

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une vague
Le Gulf Stream fait l'objet de débats quant au ralentissement qui l'affecterait, du fait du changement climatique notamment. Voici pourquoi.
Écologie
2025-03-05T00:00:00.000Z
fr-fr
D’après des études scientifiques récentes, le mécanisme du Gulf Stream (et plus généralement de “l’Atlantic Meridional Overturning Circulation” ou “AMOC”) serait en train de se gripper.

De là à imaginer que nous sommes sur le point de vivre le scénario du film “Le jour d’après” (2004), il n’y a qu’un pas… Que nous ne franchirons pas.

Le Gulf Stream et l’AMOC sont des sujets éminemment complexes, notamment en ce qui concerne leurs implications, dans la mesure où ces derniers interagissent avec de nombreux autres phénomènes - tant naturels qu’anthropiques (c’est-à-dire d’origine humaine). 

Que se passe-t-il donc ? Qu’est-ce que le Gulf Stream ? Comment fonctionne-t-il ? Est-il impacté d’une quelconque manière par le changement climatique ?

Voyons tout cela ensemble. 

Qu'est-ce que le Gulf Stream ?

Petit rappel sur l'océanographie climatique

Pour comprendre facilement ce qu’est le Gulf Stream, il est important de revenir quelques instants sur la discipline plus large qu’incarne l’océanographie climatique

L’océanographie climatique étudie les interactions entre le système climatique et les océans, ainsi que les impacts liés à ces fameuses interactions. 

Les courants océaniques jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial en redistribuant la chaleur de l'équateur vers les pôles. (Studysmarter)

Or, le Gulf Stream auquel nous nous intéressons aujourd’hui compte justement parmi ces courants océaniques.

Qu’est-ce que le Gulf Stream ?

Si on schématise, le Gulf Stream est un courant océanique circulant au sein de l’Atlantique

Il se déplace du Sud vers le Nord, et prend sa source dans le Golfe du Mexique (au sud des États-Unis donc), d’où son nom de “Gulf Stream”.

Le Gulf Stream, qui atteint des pics de vitesse de 2 mètres par seconde, est le courant océanique le plus rapide au monde. (European Space Agency, ESA)

Ce grand courant a parfois été qualifié de “radiateur” ou de “chauffage central” de l’Europe, et pour cause : par son intermédiaire, l'eau chaude proche de l'équateur se déplace vers le nord du Vieux Continent, ce qui permet à l'Europe de l'Ouest de profiter d'un climat beaucoup plus doux qu'on ne pourrait s'y attendre compte tenu de sa latitude

Si vous prenez une mappemonde, vous constaterez que des pays comme le Royaume-Uni bénéficient d'une température journalière moyenne supérieure à celle du Canada, pourtant situé à la même latitude. Un paradoxe rendu possible par l’intervention du Gulf Stream.

NB : le rôle que joue le Gulf Stream dans la système climatique terrestre n’est pas un rôle qui lui est exclusif. En dépit de leurs nombreuses différences, le Gulf Stream et les rivières atmosphériques sont tous deux des mécanismes intervenant dans la redistribution de la chaleur. Pour en savoir plus au sujet de ces rivières, n’hésitez pas à consulter notre article dédié.

Comment fonctionne le Gulf Stream ?

La formation du Gulf Stream

Le Gulf Stream doit son existence à deux phénomènes : la rotation de la Terre et les vents de surface.

Ces derniers, par leur interaction, engendrent la création de 5 principaux “gyres océaniques”, qui sont en fait de gigantesques tourbillons d’eau, formés d’un ensemble de courants marins.

On en distingue : 

  • un dans l’Atlantique Nord ;
  • un dans l’Atlantique Sud ;
  • un dans le Pacifique Nord ;
  • un dans le Pacifique Sud ;
  • un dans l'océan Indien.

Le Gulf Stream, lui, constitue seulement une partie du gyre de l’Atlantique Nord.

Le gyre de l’Atlantique nord est aussi appelé circulation de retournement, ou AMOC en anglais. (Géoconfluences, 2025)

Très cantonné à son rôle de “régulateur” du climat, l’AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation) intervient cependant dans un tout un tas d’autres mécanismes naturels.

Au-delà de réguler le climat des hautes latitudes, l’AMOC affecte également le régime des pluies dans les tropiques, contribue à stocker du CO2 en profondeur et transporte des nutriments essentiels à la biodiversité marine. (Le Monde, 6 janvier 2025)
de l'eau

Le parcours du Gulf Stream et la circulation thermohaline

Dans un souci de vulgarisation, le Gulf Stream a parfois été présenté comme un grand “fleuve d’eau chaude” circulant en plein océan Atlantique.

La réalité, cependant, est un poil plus complexe : après avoir quitté le Golfe du Mexique en longeant la Floride puis la côte sud-est des États-Unis, le Gulf Stream prend le large où il va se désintégrer en un ensemble de tourbillons.

Une partie [du Gulf Stream] – environ 20 %, soit à peu près 20 fois le débit de l’Amazone – traverse le bassin atlantique d’ouest en est et poursuit sa route vers le nord, tandis que le reste retourne vers le sud. (Julie Deshayes, océanologue, pour CRNS Le Journal, 8 juin 2021)

La trajectoire qu’il observe ensuite s’inscrit dans la “circulation de retournement” que nous évoquions plus haut. 

Dans les faits, la circulation de retournement n’est rien d’autre qu’une boucle entortillée autour de nos continents. Le Gulf Stream part du Golfe du Mexique, navigue jusqu’en Europe puis remonte jusqu’au Groenland, avant de repartir vers le Sud.

Ce mécanisme s’explique par ce qu’on appelle la “circulation thermohaline”, qui dépend des différences de température et de salinité de l’eau de mer.

Les variations de température

Au départ, l’eau transportée par le Gulf Stream est chaude. Elle circule donc en surface, car l’eau chaude est plus légère que l’eau froide.

Arrivée à hauteur du Groenland, cette eau va se refroidir considérablement et “couler” pour rejoindre les courants profonds qui la ramèneront vers le Sud.

Les variations de salinité

Les eaux chaudes qui cheminent vers le nord sont moins salées, car elles reçoivent beaucoup de pluies, au contraire de l’eau des zones arctiques - réputées plus sèches. 

À mesure que les eaux remontent vers le nord, elles (...) se chargent en salinité. Elles deviennent ainsi plus denses et plongent à environ 2000 à 3000 mètres de profondeur pour former un courant froid qui va retourner vers les tropiques. (Sciences et Avenir, n°937 mars 2025)

Le Gulf Stream et le changement climatique

Le ralentissement du Gulf Stream

Seulement voilà : il semblerait que le Gulf Stream ralentisse désormais. Longtemps sujet à débat, ce phénomène a fait l’objet d’une étude publiée fin 2023 dans Geophysical Research Letters. 

Des chercheurs de l'Institution Woods Hole Oceanographic et de l'université de Miami ont étudié 40 ans de données récoltées dans le détroit de Floride, les premières mesures datant de 1982. Les résultats sont sans nuance : les chercheurs expliquent être « quasiment certains » que le Gulf Stream a ralenti en 40 ans, d'environ 4 %, avec un indice de confiance de 99 %. (Futura Sciences, 7 octobre 2023)

Quid d’un arrêt total du Gulf Stream ? Contrairement à ce qui est parfois dit, celui-ci est exclu selon l’Institut Pierre-Simon Laplace.

Dans la configuration actuelle de la planète Terre, le Gulf Stream ne pourra pas s’arrêter. (...) Pour que le Gulf Stream s’arrête, il faudrait que l’anticyclone des Açores, lui-même, s’évanouisse, et donc que la source chaude équatoriale ne soit plus là où elle se trouve, ou que la Terre elle-même cesse de tourner. Hypothèses très hautement improbables ! (Institut Pierre-Simon Laplace)
(...) tant qu’il y aura le soleil qui nous illuminera, il y aura du vent sur Terre et donc ce courant. (France Culture (Radio France), 13 octobre 2023)

Mais pourquoi, au juste, le Gulf Stream ralentit-il ?

Le changement climatique est-il responsable du ralentissement du Gulf Stream ?

Il n’existe aucune certitude à ce niveau pour le moment. 

En revanche, cette hypothèse fait évidemment l’objet d’études. Parmi les pistes explorées :

  • le réchauffement des océans ;
  • la fonte des glaces et l’apport en eau douce induit.

Rappelons, en effet, que si le Gulf Stream doit son existence aux vents et à la rotation de la Terre, son “bon fonctionnement” est intrinsèquement lié : 

  • aux variations de température de l’eau, d’une part ;
  • à la densité de cette eau, d’autre part.

Pour dire les choses simplement, le réchauffement climatique pourrait venir entraver une étape fondamentale dans la circulation du Gulf Stream : celle où ses eaux plongent dans les profondeurs.

Le réchauffement climatique est une hypothèse plausible car : 

  • plus l’eau est chaude, moins elle est dense, ce qui signifie qu’elle aura plus de difficultés à “couler” comme c’est le cas lorsque le Gulf Stream atteint le Groenland ; 
  • plus les glaces fondent, plus elles relâchent d’eau douce dans l’océan, laquelle est plus légère que l’eau de mer puisqu’elle n’est pas salée (elle a donc plus de mal à couler). 

Dans ce contexte, un affaiblissement du phénomène de circulation que nous observions jusqu’à maintenant apparaîtrait plutôt logique.

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Une incertitude qui appelle à la prudence

Il suffit de faire quelques recherches en ligne sur le sujet du Gulf Stream et de l'AMOC pour être rapidement dérouté(e). Entre temporisation et annonces alarmistes, on peine à savoir ce qu’il faut penser de ce phénomène ô combien complexe…

La vérité c’est que l’incertitude demeure assez élevée.

Les scientifiques n’ont qu’une « confiance faible » dans l’ampleur et le rythme du ralentissement à venir, mais également dans le fait que l’AMOC aurait déjà ralenti ces dernières décennies. Cette circulation pourrait être à son niveau le plus bas depuis un millénaire. Mais les observations directes, qui mesurent la force de l’AMOC, sont peu nombreuses et n’existent que depuis 2004, une « tendance trop courte pour distinguer la signature du changement climatique de la variabilité naturelle ». (Le Monde, 6 janvier 2025)

Quid du GIEC ?

​​Dans son dernier rapport, publié en 2021, le GIEC conclut, avec une « confiance modérée », qu’un effondrement brutal n’aura pas lieu avant 2100. Il estime en revanche qu’il est « très probable » que l’AMOC diminuera d’un tiers en moyenne au cours du XXIe siècle, avec une « fourchette de – 3 % à – 72 %, selon les modèles et simulations », précise Didier Swingedouw. (Le Monde, 6 janvier 2025)

Outre le fait que le ralentissement de l’AMOC a longtemps été un sujet de controverse, l’ampleur des conséquences elle-même a été (est encore) le sujet de moult discussions mais aussi de fantasmes.

Concrètement, le ralentissement du Gulf Stream et de l’AMOC viendrait évidemment altérer la douceur du climat en Europe de l’Ouest. Nous pourrions donc connaître des hivers plus froids et rigoureux dans cette zone.

Attention néanmoins à ne pas se fier au scénario du film “Le jour d’après” qui, de l’avis des scientifiques, est largement exagéré.

D’un point de vue scientifique, le scénario est totalement irréaliste, tant sur l’amplitude du refroidissement que sur l’échelle de temps : en quelques jours plutôt que sur des décennies ou des centaines d’années. (Le Monde, 6 janvier 2025)

De même, il est important de rappeler que la latitude et le Gulf Stream - pour prendre cet exemple - ne sont pas les seules variables intervenant dans la caractérisation du climat d’une région donnée.

Plus simplement, ce n’est pas parce que le Gulf Stream s’enraye que cela signifie automatiquement que la France et le Canada vont arborer des climats similaires dans un avenir plus ou moins proche. 

Même si la comparaison est parfois faite, il existera toujours des différences en raison de la situation géographique de ces deux continents. Les vents dominants étant orientés à l'ouest dans notre hémisphère, le Québec est sous l'influence des masses d'air arctiques continentales, particulièrement glaciales. L'Europe de l'ouest est sous l'influence des vents qui ont survolé l'océan atlantique : même si celui-ci se refroidit, les masses d'air resteront quand même plus douces que celles qui concernent le Québec. (La Chaîne Météo, 2 mai 2018)
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Bibliographie

Océanographie climatique, Studysmarter, https://www.studysmarter.fr/resumes/geographie/geosciences/oceanographie-climatique/

Gulf Stream, circulation de retournement, AMOC, Géoconfluences, https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/gulf-stream-circulation-de-retournement-amoc

Gulf stream et circulation de retournement vont-t-il sauver l'Europe du changement climatique ? CNRS, https://www.insu.cnrs.fr/fr/Gulf-stream-et-climat

Gyre océanique, Géoconfluences, https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/gyre-oceanique

Courants de la surface de la mer, European Space Agency (ESA), https://www.esa.int/SPECIALS/Eduspace_Weather_FR/SEMQ6UN18IH_0.html

Robust Weakening of the Gulf Stream During the Past Four Decades Observed in the Florida Straits, AGU, https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2023GL105170

Le Gulf Stream s’essouffle, cette fois c’est confirmé, Futura Sciences, https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/meteorologie-gulf-stream-essouffle-cette-fois-cest-confirme-106884/

Le Gulf Stream va-t-il s’arrêter et refroidir l’Europe ? Institut Pierre-Simon Laplace, https://www.climat-en-questions.fr/reponse/gulf-stream-par-bruno-voiturier/

Le ralentissement certain du Gulf Stream, Radio France (France Culture), https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/avec-sciences/le-ralentissement-certain-du-gulf-stream-8791620

Affaiblissement du Gulf Stream : quelles conséquences sur notre climat ? La Chaîne Météo, https://actualite.lachainemeteo.com/actualite-meteo/2018-04-27/affaiblissement-du-gulf-stream-quelles-consequences-sur-notre-climat-47123

Le possible effondrement de la circulation océanique atlantique, régulant le climat, inquiète les scientifiques, Le Monde, https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/01/06/le-possible-effondrement-de-la-circulation-oceanique-atlantique-regulant-le-climat-inquiete-les-scientifiques_6483544_3244.html

Qu'est-ce qu'une rivière atmosphérique ? Greenly, https://greenly.earth/blog/actualites-ecologie/qu-est-ce-qu-une-riviere-atmospherique-exactement

Données mondiales, Comparaison entre pays, https://www.donneesmondiales.com/comparaison-pays.php?country1=CAN&country2=GBR