La voix de l'impact
Greenlyhttps://images.prismic.io/greenly/43d30a11-8d8a-4079-b197-b988548fad45_Logo+Greenly+x3.pngGreenly, la plateforme tout-en-un dédiée à toutes les entreprises désireuses de mesurer, piloter et réduire leurs émissions de CO2.
GreenlyGreenly, la plateforme tout-en-un dédiée à toutes les entreprises désireuses de mesurer, piloter et réduire leurs émissions de CO2.
Descending4
Home
1
Blog
2
Category
3
Carburant SAF : réelle solution ou faux espoir ?
4
Media > Tous les articles > Technologie > Carburant SAF : réelle solution ou faux espoir ?

Carburant SAF : réelle solution ou faux espoir ?

Secteurs d'activitéTechnologie
Niveau
Hero Image
Hero Image
Avion en plein vol
Le Sustainable Aviation Fuel (SAF) est un carburant dérivé d’huiles végétales, transformé par hydrotraitement et raffiné via le procédé HEFA.
Secteurs d'activité
2025-02-21T00:00:00.000Z
fr-fr

Avec la fin de l’ère du tout-pétrole, le défi énergétique se complique : il ne s’agit plus seulement de remplacer ces énergies, mais aussi de satisfaire des besoins toujours plus grands – notamment dans l’aviation. Dans ce contexte, les biocarburants, et en particulier le SAF issu de biomasse, apparaissent comme une alternative aux carburants fossiles.

Derrière cette promesse, une réalité plus dérangeante se dessine : ces biocarburants nécessitent des ressources naturelles et économiques considérables, souvent détournées d’usages plus essentiels.

Qu’est-ce qu’un carburant alternatif ?

Un carburant alternatif offre une solution de remplacement aux carburants fossiles traditionnels comme l’essence, le gazole ou le kérosène. Une alternative désormais essentielle face à l’impact majeur de la combustion des énergies fossiles, qui accentue le réchauffement climatique en raison de leurs fortes émissions de gaz à effet de serre, notamment de CO₂.

Les carburants alternatifs sont souvent appelés "biocarburants", un terme simplifié désignant en réalité des carburants d’origine agricole ou végétale. Plus précisément, ce sont des combustibles liquides issus de végétaux non cultivés, transformés par divers procédés plus ou moins complexes (source : Jean-Marc Jancovici, 2010).

Les biocarburants se déclinent en plusieurs catégories, selon leur origine :

  1. les carburants produits à partir d’huiles végétales : issus de plantes oléagineuses comme le colza ou le tournesol, ils sont ensuite transformés en biodiesel ;
  2. les carburants issus d’alcool fermenté : obtenus à partir de cultures riches en sucre (betterave, canne à sucre) ou en amidon (blé), ces carburants, comme l’éthanol, résultent d’un processus de fermentation ;
  3. les carburants fabriqués à partir de biogaz : générés par la fermentation de déchets organiques (alimentaires, bois, paille…), ils sont transformés en carburant après extraction du méthane.

Si les biocarburants à base d’alcool fermenté, comme l’éthanol, sont principalement utilisés pour le transport terrestre, les carburants issus du biogaz (méthane) ne sont pas compatibles avec les moteurs d’avion actuels.

Seul le carburant produit à partir d’huiles végétales peut être considéré comme un SAF (Sustainable Aviation Fuel), sous certaines conditions, notamment en ce qui concerne son processus de fabrication.

Carburant SAF : une alternative au kérosène ?

Est considéré comme un carburant Sustainable Aviation Fuel (SAF) tout carburant issu d’huiles végétales, transformé par hydrotraitement et raffiné selon le procédé de raffinement HEFA (Hydroprocessed Esters and Fatty Acids) (source : Studysmarter).

Carburant SAF (Sustainable Aviation Fuel) : signification et composition

Le carburant SAF est un biocarburant destiné à l’aviation, produit à partir de matières organiques renouvelables, par opposition au kérosène, dérivé du pétrole, une ressource fossile non renouvelable.

Il peut être produit à partir d’huiles végétales, de graisses animales, de sucres, d’amidons, d’algues ou encore de lignocellulose provenant de résidus de bois et de plantes non comestibles (source : Air Journal, 2025).

C’est au niveau de la transformation que l’on détermine si un carburant est bien un SAF. À ce jour, la technique la plus utilisée est l’HEFA (Hydroprocessed Esters and Fatty Acids).

Le procédé HEFA (Hydrotreated Esters and Fatty Acids) consiste à hydrogéner des huiles végétales, des huiles usagées ou des graisses pour les transformer en SAF (source : Statista, 2024). 

Pour simplifier, ce procédé, consiste donc à transformer des huiles végétales ou des graisses animales en un carburant similaire au kérosène classique, en ajoutant de l'hydrogène afin de purifier et stabiliser les molécules. Une fois à la bonne structure, le tout est affiné pour obtenir un carburant "utilisable", puis mélangé avec du kérosène classique dans des proportions précises, afin de respecter les normes strictes de l’aviation (source : Studysmarter).

Quelles sont les limites du carburant SAF ?

On pourrait penser que le SAF se substitue facilement au kérosène classique en remplissant simplement les réservoirs des avions. Pourtant, la réalité est tout autre car ce biocarburant doit avant tout garantir la même autonomie en vol, ce qui dépend de sa densité énergétique. Il doit aussi s’écouler avec la même fluidité que le kérosène traditionnel, une question de densité moléculaire. Enfin, il doit résister aux conditions extrêmes du ciel : « -50 °C en haute altitude, plus de 60 °C sous un soleil écrasant », comme le rappelle Patrick Gandil, ex-directeur général de l’aviation civile (DGAC) en France (Connaissance des Énergies, 2021).

Enfin, autre point d’ombre : sa production, encore largement insuffisante face à la demande croissante du secteur, constitue un obstacle majeur à son déploiement à grande échelle.

Si la totalité des vols de démonstration déjà réalisés ont été réussis, et donc la faisabilité des mélanges 50/50 acquises dans ces conditions, des questions subsistent ; le problème d’une production de masse à la hauteur des besoins, notamment, est loin d’être résolu (source : Académie des technologies, 2022)

Alors que de nombreux secteurs réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre, l’aviation fait figure d’exception. En 2024, il reste le seul secteur en France à voir ses émissions augmenter. Depuis 1999, celles du transport aérien international ont bondi de 116 % (source : Citepa), malgré des efforts de réduction ailleurs. Une tendance peu surprenante, à en croire Statista :

Avec un nombre record de cinq milliards de voyageurs aériens attendus en 2024, le besoin humain de voler n'a jamais été aussi fort (source : Statista, 2024).

Safran & Air France : La France décolle-t-elle avec les SAF ?

À ce jour, deux chevrons de l’économie française se penchent sur les carburants d’aviation durables (SAF) : Air France et Safran. Avec l’essor des carburants verts, le pétrolier TotalEnergies a lui aussi misé sur leur développement.

Mais alors, où en est réellement la production de SAF en France ?

La première entreprise française à avoir testé le carburant SAF est aussi la principale concernée : Air France. Dès 2011, la compagnie réalise son premier vol avec ce biocarburant. Pourtant, depuis, les avancées restent limitées. L’entreprise elle-même l’indique sur son site internet :

La production des SAF est encore très limitée (seulement 0,3 % de la production mondiale de carburants d’aviation en 2023). Face à une production encore très limitée, Air France œuvre aux côtés de ses partenaires industriels pour l’émergence rapide de filières de production au niveau français, européen et mondial (source : Air France).

Malgré tout, le groupe a récemment affirmé vouloir incorporer 10 % de SAF dans son carburant d’ici 2030 (source : Les Echos, 2024). Du côté des industriels, Safran et TotalEnergies collaborent activement sur le développement des SAF. Bien que Safran ne produise pas directement ces carburants, l’entreprise manifeste une réelle ambition pour leur développement, comme indiqué sur son site internet :

Si le Groupe n'en produit pas, il entend bien participer à leur développement. Ainsi, tous nos moteurs (avions et hélicoptères) sont certifiés pour incorporer jusqu'à 50 % de SAF. Par ailleurs, ces dernières années, Safran a multiplié les essais en vol allant jusqu'à 100 % d'incorporation de SAF dans ses moteurs et a noué un partenariat majeur en ce sens avec TotalEnergies en 2021 (source : Safran, 2023).

Du côté de TotalEnergies, la production a officiellement débuté en 2021. Une nouvelle production doit voir le jour à Grandpuits en 2025, marquant une étape clé dans le développement des SAF en France (source : TotalEnergies).

Existe-t-il d’autres façons de produire du carburant “durable” ?

Selon le géant pétrochimique TotalEnergies, deux autres techniques de production de carburant SAF sont actuellement à l’étude :

  • La méthode FT (Fischer-Tropsch), encore en phase de test industriel, transforme un gaz issu de biomasse ou de déchets en carburant liquide grâce à une réaction chimique.
  • La méthode PTL (Power to Liquid), encore au stade expérimental, utilise de l’électricité renouvelable pour produire de l’hydrogène, qui est ensuite combiné avec du CO₂ capté dans l’air ou provenant d’usines afin de créer un carburant synthétique.

Si d'autres technologies, comme l’électrique (alimenté par des batteries) et l’hydrogène (utilisé en moteur thermique ou en pile à combustible), sont aussi en cours de développement, elles restent aujourd’hui peu viables à grande échelle pour l’aviation commerciale (Jean-Marc Jancovici, BFMTV, mai 2024).

Lors d'une audition au Sénat en mai 2024, Jean-Marc Jancovivi a déclaré : « Je veux bien parier toutes mes économies que je mourrai sans avoir vu d'aviation commerciale à hydrogène ».

Les carburants alternatifs sont-ils vraiment écologiques ?

Les carburants d’aviation durables (ou SAF) sont des carburants alternatifs fabriqués [...] , dans le but de réduire l'empreinte environnementale du secteur aérien. C’est aujourd’hui la seule alternative viable pour les moyens-longs courriers, qui sont les plus polluants (6,2% des vols produisent 52% des émissions). L’électrique et l’hydrogène, technologies qui ne seront disponibles qu’à moyen/longue terme, ne convenant qu’aux courtes distances et demandant d’importantes infrastructures, ne constituent pas la voie privilégiée pour immédiatement décarboner le secteur de l’aviation (source: Direction Générale du Trésor, 2024).

Les carburants alternatifs : vraie solution ou simple illusion ? Greenly vous explique.

Close
Jean Marc Jancovici

3 idées reçues sur le carburant aviation durable…

Si les carburants SAF apparaissent comme une solution prometteuse pour décarboner le transport aérien, leur déploiement à grande échelle se heurte à plusieurs limites, qu’elles soient techniques, économiques ou environnementales :

  1. Le carburant SAF n’est pas si écologique…Si les carburants SAF permettent de réduire les émissions de CO₂ par rapport au kérosène, leur production reste polluante et nécessite un mélange avec du carburant classique. À grande échelle, ils exigent des terres agricoles, de l’eau et des engrais, impliquant une exploitation intensive des sols et une forte dépendance aux énergies fossiles. De plus, leur combustion peut libérer d’autres gaz à effet de serre, comme le méthane (CH₄) et le protoxyde d’azote (N₂O), remettant en question leur véritable impact environnemental (source : Jean-Marc Jancovici, 2010).
  2. Le carburant SAF ne couvrira pas la demande…Le carburant SAF ne pourra pas couvrir la demande mondiale. Comme le souligne la Direction générale du Trésor, atteindre la neutralité carbone de l’aviation nécessiterait plus de 400 milliards de litres de SAF en 2050, alors que la production actuelle plafonne à 600 millions de litres en 2023. De plus, les ressources en biomasse durable restent limitées et seront convoitées par plusieurs secteurs, comme le souligne le cabinet Carbone 4 : « Si la biomasse disponible semble suffisante pour l’aviation seule, elle ne l’est plus dès lors que l’on prend en compte l’ensemble des besoins du transport ».
  3. Le carburant SAF reste une technique très onéreuse…Le coût des carburants SAF reste largement supérieur à celui du kérosène, avec un prix pouvant être de 3 à 6 fois plus élevé selon la technologie employée. « Le biocarburant coûte 1 500 euros la tonne », résumait Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies (source : Connaissance des Énergies, 2021). Les procédés les plus matures, comme l’HEFA, restent onéreux, tandis que le Power-to-Liquid (PTL), encore en développement, affiche des tarifs encore plus prohibitifs. Une réalité qui freine leur adoption à grande échelle (source : Jean-Marc Jancovici, LinkedIn, 2024).

Carburant SAF : le mot de la fin sur l'aviation décarbonée

Si les carburants SAF ont l’avantage d’être compatibles avec les infrastructures et moteurs actuels, contrairement à d’autres technologies de rupture comme l’hydrogène, qui nécessitent des modifications coûteuses, il reste toutefois important de se questionner sur l’intérêt réel de sa production… 

L’urgence climatique impose une réduction drastique de notre consommation d’énergie, tous secteurs confondus. 

Si les SAF (Sustainable Aviation Fuels), permettent de réduire les émissions de CO₂ par rapport au kérosène, une réalité plus dérangeante se dessine : ces biocarburants nécessitent des ressources naturelles et économiques considérables, détournées d’usages plus essentiels.

De plus, les investissements colossaux requis pour son développement pourraient être mieux alloués à des infrastructures durables à long terme, comme le train ou les énergies renouvelables.

Au lieu de cela, ils prolongent un modèle de transport extrêmement énergivore, réservé à une minorité de voyageurs – rappelons que 80 % de la population mondiale n’a jamais pris l’avion, selon Carbone 4.

Ainsi, derrière l’essor des carburants SAF, un paradoxe demeure : au lieu de chercher à réduire la demande en vols, on s’emploie à rendre l’aviation « moins polluante », mais sans jamais questionner sa croissance. Une fuite en avant technologique qui, sous couvert de progrès, permet surtout de différer les décisions difficiles.

Car il ne suffit pas de verdir le kérosène pour rendre l’aviation soutenable : la seule réponse réellement efficace reste la réduction du trafic aérien. Une solution bien moins consensuelle, mais inévitable face à l’ampleur de la crise climatique.

Bibliographie

Que pouvons nous espérer des biocarburants ?, Jean-Marc Jancovici, 2010, https://jancovici.com/transition-energetique/renouvelables/que-pouvons-nous-esperer-des-biocarburants/

Connaissance des Énergies, 2021, https://www.connaissancedesenergies.org/afp/les-saf-carburants-durables-indispensables-pour-decarboner-laviation-210326

Transport aérien : vers un record de passagers en 2024 ?, Statista, 2024, https://fr.statista.com/infographie/32372/evolution-nombre-passagers-transport-aerien/#:~:text=%C2%AB%20Avec%20un%20nombre%20record%20de,aux%20clients%20par%20voie%20a%C3%A9rienne.

Biocarburants dans l'aviation: Avantages, Défis, Studysmarter, https://www.studysmarter.fr/resumes/ingenierie/aviation/biocarburants-aviation/

Projected production capacity of sustainable aviation fuels (SAF) worldwide from 2020 to 2025, by type, Statista, 2024,

https://www.statista.com/statistics/1269980/sustainable-aviation-fuel-production-capacity-worldwide/

Direction Générale du Trésor, 2024, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/CL/etat-des-lieux-et-perspectives-des-carburants-d-aviation-durables-au-chili

Les idées reçues sur l'aviation et le climat, Carbone 4, 2022, https://www.carbone4.com/analyse-faq-aviation-climat

Jean-Marc Jancovici, LinkedIn, 2024, https://www.linkedin.com/posts/jean-marc-jancovici_o%C3%B9-les-echos-reparlent-des-carburants-dits-activity-7240276137141030912-52Ue/?originalSubdomain=fr

Comment Safran contribue au développement des carburants durables, Safra, 2023, https://www.safran-group.com/fr/actualite/comment-safran-contribue-au-developpement-carburants-durables-2023-05-25

Carburant d'Aviation Durable (SAF), Total Energies, https://aviation.totalenergies.com/fr/carburants-et-services-aviation/carburant-aviation-durable

Carburant vert : les efforts d'Air France-KLM salués par un groupe de réflexion, Les Echos, 2024, https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/carburant-vert-les-efforts-dair-france-klm-salues-par-un-groupe-de-reflexion-2135393

Quel avenir pour les biocarburants aéronautiques, Académie des Technologies, 2022, https://www.academie-technologies.fr/wp-content/uploads/2022/06/Dossier-de-Presse.pdf

Info pratique : les différents carburants durables utilisés aujourd’hui dans le transport aérien, Air Journal, 2022, https://www.air-journal.fr/2025-01-21-info-pratique-les-differents-carburants-durables-utilises-aujourdhui-dans-le-transport-aerien-5259984.html?utm_source=chatgpt.com

Réduire l’avion de manière juste et efficace… C’est possible !, 2024, https://www.instagram.com/bonpote/p/DAbPrkrtQmk/?img_index=1

"Je ne vois pas l'intérêt": Jean-Marc Jancovici étrille l'énergie hydrogène pour les transports, BFMTV, mai 2024, https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/je-ne-vois-pas-l-interet-jean-marc-jancovici-etrille-l-energie-hydrogene-pour-les-transports_AV-202405270750.html?utm_source=chatgpt.com

Plus d’articles

Tout voir